Nnamdi Onuekwere v Secretary of State for the Home Department.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2013:640
Docket NumberC-378/12
Celex Number62012CC0378
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date03 October 2013
62012CC0378

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES BOT

présentées le 3 octobre 2013 ( 1 )

Affaire C‑378/12

Nnamdi Onuekwere

contre

Secretary of State for the Home Department

[demande de décision préjudicielle formée par l’Upper Tribunal (Immigration and Asylum Chamber), London (Royaume-Uni)]

«Droit des citoyens de l’Union de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres — Directive 2004/38/CE — Article 16 — Continuité de séjour nécessaire à l’acquisition d’un droit de séjour permanent — Prise en compte de périodes passées en prison dans l’État membre d’accueil»

1.

Le présent renvoi préjudiciel amène la Cour à préciser la notion de «séjour légal», au sens de l’article 16, paragraphe 2, de la directive 2004/38/CE ( 2 ). Cette disposition prévoit l’octroi d’un droit de séjour permanent pour les membres de la famille d’un citoyen de l’Union qui n’ont pas la nationalité d’un État membre et qui ont séjourné légalement pendant une période ininterrompue de cinq ans avec le citoyen de l’Union dans l’État membre d’accueil.

2.

Plus précisément, l’Upper Tribunal (Immigration and Asylum Chamber), London (Royaume-Uni), demande à la Cour si un séjour accompli en prison peut être considéré comme légal au sens de ladite disposition.

3.

Dans le cas où la Cour répondrait de manière négative à cette question, la juridiction de renvoi cherche à savoir si, aux fins du calcul de ce délai de cinq ans, il est possible d’additionner les périodes de séjour légal accomplies avant et après l’emprisonnement.

4.

Dans les présentes conclusions, nous indiquerons les raisons pour lesquelles, selon nous, une période d’emprisonnement ne peut pas être qualifiée de «séjour légal», au sens de l’article 16, paragraphe 2, de la directive 2004/38, et ne peut donc pas être prise en compte dans le calcul du délai de cinq ans requis aux fins de l’acquisition du droit de séjour permanent. Puis, nous expliquerons pourquoi nous estimons que les périodes de séjour légal qui précèdent et qui suivent un emprisonnement ne peuvent être cumulées aux fins du calcul de ce délai, l’emprisonnement ayant pour effet d’interrompre celui-ci.

I – Le cadre juridique

A – La directive 2004/38

5.

La directive 2004/38 rassemble et simplifie la législation de l’Union en matière de libre circulation des personnes et de droit de séjour des ressortissants de l’Union et des membres de leurs familles.

6.

En effet, cette directive supprime l’obligation pour les citoyens de l’Union d’obtenir une carte de résidence, introduit un droit de séjour permanent en faveur de ces citoyens et des membres de leurs familles et circonscrit la possibilité pour les États membres de limiter le séjour sur leur territoire des ressortissants des autres États membres.

7.

L’article 7, paragraphes 1 et 2, de ladite directive, intitulé «Droit de séjour de plus de trois mois», prévoit:

«1. Tout citoyen de l’Union a le droit de séjourner sur le territoire d’un autre État membre pour une durée de plus de trois mois:

a)

s’il est un travailleur salarié ou non salarié dans l’État membre d’accueil, ou

b)

s’il dispose, pour lui et pour les membres de sa famille, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil au cours de son séjour, et d’une assurance maladie complète dans l’État membre d’accueil, ou,

c)

s’il est inscrit dans un établissement privé ou public, agréé ou financé par l’État membre d’accueil sur la base de sa législation ou de sa pratique administrative, pour y suivre à titre principal des études, y compris une formation professionnelle et

s’il dispose d’une assurance maladie complète dans l’État membre d’accueil et garantit à l’autorité nationale compétente, par le biais d’une déclaration ou par tout autre moyen équivalent de son choix, qu’il dispose de ressources suffisantes pour lui-même et pour les membres de sa famille afin d’éviter de devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil au cours de leur période de séjour; ou

d)

si c’est un membre de la famille accompagnant ou rejoignant un citoyen de l’Union qui lui-même satisfait aux conditions énoncées aux points a), b) ou c).

2. Le droit de séjour prévu au paragraphe 1 s’étend aux membres de la famille n’ayant pas la nationalité d’un État membre lorsqu’ils accompagnent ou rejoignent dans l’État membre d’accueil le citoyen de l’Union, pour autant que ce dernier satisfasse aux conditions énoncées au paragraphe 1, points a), b) ou c).»

8.

L’article 16 de la directive 2004/38, intitulé «Règle générale pour les citoyens de l’Union et les membres de leur famille», est rédigé comme suit:

«1. Les citoyens de l’Union ayant séjourné légalement pendant une période ininterrompue de cinq ans sur le territoire de l’État membre d’accueil acquièrent le droit de séjour permanent sur son territoire. Ce droit n’est pas soumis aux conditions prévues au chapitre III.

2. Le paragraphe 1 s’applique également aux membres de la famille qui n’ont pas la nationalité d’un État membre et qui ont séjourné légalement pendant une période ininterrompue de cinq ans avec le citoyen de l’Union dans l’État membre d’accueil.

3. La continuité du séjour n’est pas affectée par des absences temporaires ne dépassant pas au total six mois par an, ni par des absences plus longues pour l’accomplissement d’obligations miliaires ou par une absence ininterrompue de douze mois consécutifs au maximum pour des raisons importantes, telles qu’une grossesse et un accouchement, une maladie grave, des études ou une formation professionnelle, ou le détachement pour raisons professionnelles dans un autre État membre ou un pays tiers.

4. Une fois acquis, le droit de séjour permanent ne se perd que par des absences d’une durée supérieure à deux ans consécutifs de l’État membre d’accueil.»

B – Le droit du Royaume-Uni

9.

La directive 2004/38 a été transposée au Royaume-Uni par le règlement de 2006 sur l’immigration (Espace économique européen) [Immigration (European Economic Area) Regulations 2006], tel que modifié par le règlement de 2009 sur l’immigration (Espace économique européen) [Immigration (European Economic Area) (Amendment) Regulations 2009] (ci-après le «règlement sur l’immigration»).

10.

En vertu de l’article 15, paragraphe 1, sous b), du règlement sur l’immigration, le droit de résidence permanente est acquis pour les membres de la famille d’un citoyen de l’Union qui n’ont pas la nationalité d’un État membre, mais qui ont résidé sur le territoire du Royaume-Uni avec ce citoyen durant une période continue de cinq ans.

11.

L’article 18, paragraphe 2, du règlement sur l’immigration indique que le Secretary of State for the Home Department (ci-après le «Secretary of State») doit délivrer une carte de résidence permanente dans les six mois après que la personne concernée en a fait la demande et a fourni la preuve qu’elle bénéficie d’un tel droit.

12.

L’article 21 du règlement sur l’immigration vise à transposer l’article 28 de la directive 2004/38.

II – Les faits du litige au principal et les questions préjudicielles

13.

M. Onuekwere est de nationalité nigériane. Il dit être arrivé sur le territoire du Royaume-Uni en 1999. Le 2 décembre 1999, il a épousé une ressortissante irlandaise avec qui il a eu deux enfants. Le 5 septembre 2000, M. Onuekwere a obtenu un permis de séjour lui octroyant le droit de rester sur le territoire du Royaume-Uni en tant qu’époux d’un citoyen de l’Union. Ce permis venait à expiration le 5 septembre 2005.

14.

Le 26 juin 2000, M. Onuekwere a été condamné à une peine d’emprisonnement de neuf mois, assortie d’une période de sursis de deux ans, pour avoir eu des rapports sexuels avec un patient de l’hôpital dans lequel il était employé et qui était atteint d’une maladie mentale. La juridiction de renvoi précise qu’il a accompli sa période de sursis sans être incarcéré.

15.

Le 30 septembre 2003, lors d’un contrôle de frontière entre la France et le Royaume-Uni, M. Onuekwere a été arrêté au motif qu’il avait aidé un passager à entrer illégalement sur le territoire du Royaume-Uni, passager qu’il transportait dans sa propre voiture. M. Onuekwere a été placé sous contrôle judiciaire dans l’attente de l’audience, à laquelle il ne s’est pas présenté, ce qui lui a valu d’être condamné le 18 août 2004. Le 16 septembre 2004, M. Onuekwere a été condamné à une peine de deux ans et six mois d’emprisonnement pour les faits remontant au 30 septembre 2003.

16.

Il a été libéré le 16 novembre 2005 et, par décision du 18 novembre 2005, le Secretary of State a ordonné son expulsion. M. Onuekwere a formé un recours contre cette décision, auquel il a été fait droit par décision du 1er novembre 2006, au motif qu’il était l’époux d’une citoyenne de l’Union exerçant ses droits conférés par le traité CE.

17.

Le 26 décembre 2007, lors d’un contrôle routier, M. Onuekwere a été arrêté pour détention illégale de faux papiers. Il a été condamné pour ces faits, le 8 mai 2008, à une peine de deux ans et trois mois d’emprisonnement. La juridiction de renvoi précise que, au jour de sa condamnation, il avait déjà passé 109 jours en détention.

18.

Le 6 février 2009, jour de la sortie de prison de M. Onuekwere, le Secretary of State a adopté une seconde décision ordonnant l’expulsion de celui-ci. Par décision du 29 juin 2010, l’Upper Tribunal (Immigration and Asylum Chamber), London, a fait droit au recours formé par M...

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