Lancôme parfums et beauté & Cie SNC v Office for Harmonisation in the Internal Market (Trade Marks and Designs) (OHIM).

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2009:634
CourtCourt of Justice (European Union)
Date15 October 2009
Docket NumberC-408/08
Celex Number62008CC0408
Procedure TypeRecurso de casación - infundado

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. DÁMASO RUIZ-JARABO COLOMER

présentées le 15 octobre 2009 (1)

Affaire C‑408/08 P

Lancôme parfums et beauté & Cie SNC

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) et CMS Hasche Sigle

«Pourvoi – Propriété intellectuelle – Règlement (CE) n° 40/94 sur la marque communautaire – Intérêt à agir en nullité d’une marque – Cabinet d’avocats – Intérêt économique propre de la partie dans cette procédure – Caractère descriptif d’une marque verbale»





I – Introduction

1. Une célèbre société de cosmétiques et de parfums s’est pourvue contre un arrêt rendu le 8 juillet 2008, dans l’affaire Lancôme/OHMI-CMS Hasche Sigle (T‑160/07, Rec. p. II-1733, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel le Tribunal de première instance des Communautés européennes a confirmé la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (ci-après l’«OHMI»).

2. Le pourvoi limite le débat à deux questions fondamentales. Le premier moyen soulevé porte sur la qualité pour agir en nullité contre une marque communautaire. Ses deux branches concernent, d’une part, l’intérêt spécifique à demander l’annulation d’un signe particulier et, d’autre part, le droit pour un cabinet d’avocats de prendre l’initiative d’une action en nullité de ce signe, sans mandat exprès de la part d’un client.

3. Le second moyen s’écarte en revanche des arcanes de la procédure, puisqu’il porte sur les exigences matérielles pour obtenir l’enregistrement des marques, notamment sur les motifs absolus de refus. Ainsi, la requérante au pourvoi soutient à l’encontre de l’arrêt attaqué que le néologisme résultant du syntagme formé par les mots anglais «COLOR» et «EDITION», dont elle revendique l’utilisation pour ses produits de maquillage, serait d’une originalité suffisante.

II – Cadre juridique

4. La marque communautaire est essentiellement régie, depuis le 13 avril 2009, par le règlement (CE) n° 207/2009 (2), mais, aux fins du présent pourvoi, les dispositions du règlement (CE) n° 40/94 (3), qui nous était presque devenu cher, restent applicables ratione temporis.

5. Il convient d’attirer l’attention sur l’article 4 du règlement n° 40/94, qui est libellé comme suit:

«Peuvent constituer des marques communautaires tous signes susceptibles d’une représentation graphique, notamment les mots, y compris les noms de personnes, les dessins, les lettres, les chiffres, la forme du produit ou de son conditionnement, à condition que de tels signes soient propres à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises.»

6. Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, de ce règlement:

«1. Sont refusés à l’enregistrement:

a) les signes qui ne sont pas conformes à l’article 4;

b) les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif;

c) les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux‑ci;

[…]»

7. Les causes absolues de nullité d’une marque communautaire enregistrée sont reprises à l’article 51 et les causes relatives figurent à l’article 52. L’ouverture d’une procédure en nullité est régie par l’article 55, paragraphe 1, qui dispose:

«1. Une demande en déchéance ou en nullité de la marque communautaire peut être présentée auprès de l’Office:

a) dans les cas définis aux articles 50 et 51, par toute personne physique ou morale ainsi que par tout groupement constitué pour la représentation des intérêts de fabricants, de producteurs, de prestataires de services, de commerçants ou de consommateurs et qui, aux termes de la législation qui lui est applicable, a la capacité d’ester en justice;

[…]»

III – Étapes ayant mené au pourvoi

A – Les faits à l’origine du litige

8. Le 9 décembre 2002, la société Lancôme parfums et beauté & Cie SNC (ci-après, «Lancôme») a demandé à l’OHMI l’enregistrement, en tant que marque communautaire, du signe verbal «COLOR EDITION» pour des produits relevant de la classe 3 au sens de l’arrangement de Nice (4): «produits cosmétiques et de maquillage». La marque demandée a été enregistrée le 11 février 2004 et publiée au Bulletin des marques communautaires le 19 avril 2004.

9. Le 12 mai suivant, le cabinet d’avocats Norton Rose Vieregge a introduit une demande en nullité de la marque nouvellement enregistrée sur le fondement de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 40/94 et de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), de ce même règlement. Le 21 décembre 2005, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité. Le 9 février 2006, le cabinet d’avocats CMS Hasche Sigle, venant aux droits de Norton Rose Vieregge, a formé un recours contre la décision précitée de la division d’annulation devant la deuxième chambre de recours de l’OHMI. Par décision du 26 février 2007, la deuxième chambre de recours de l’OHMI a accueilli le recours.

10. En premier lieu, la chambre de recours a jugé que le recours était recevable au titre de l’article 55, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 40/94, car la distinction faite par Lancôme entre la capacité à agir et l’intérêt à agir n’apparaîtrait nulle part dans le règlement n° 40/94, et l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 40/94 poursuivrait un but d’intérêt général, qui justifierait que les demandes en nullité fondées sur cet article puissent être introduites par le plus grand éventail d’acteurs possible.

11. En deuxième lieu, s’agissant du fond du litige, la chambre de recours a conclu que la marque verbale «COLOR EDITION» était descriptive au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, dans la mesure où, d’une part, la combinaison des mots «color» et «edition» exprimait un message immédiatement et directement compris par le public concerné comme se référant à une gamme de produits cosmétiques ou de maquillage dans différents tons de couleur et que, d’autre part, ces termes étaient susceptibles d’être utilisés par des concurrents pour décrire certaines qualités de leurs produits et devaient donc rester dans le domaine public. Enfin, la chambre de recours a affirmé que, la marque verbale en cause étant descriptive, elle était également dépourvue de tout caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

B – La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

12. Lancôme a saisi le Tribunal en demandant l’annulation de la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI, du 26 février 2007. Elle dénonçait trois violations du règlement n° 40/94: la violation de l’article 55, paragraphe 1, sous a); celle de l’article 7, paragraphe 1, sous c), et celle de l’article 7, paragraphe 1, sous b). Le Tribunal s’est contenté d’examiner les deux premiers moyens, la réponse donnée au deuxième moyen rendant l’examen du dernier moyen inutile.

Sur la violation de l’article 55, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 40/94

13. Le Tribunal a examiné, en ce qui concerne la violation alléguée, si la recevabilité d’une demande en nullité était subordonnée à la démonstration d’un intérêt à agir du demandeur. À cette fin, il a analysé le libellé, l’économie et la finalité de cet article.

14. En premier lieu, il a estimé que, d’après les termes de l’article 55, paragraphe 1, sous a), l’introduction par une personne physique ou morale ou par un groupement ayant la capacité d’ester en justice, selon la législation applicable, d’une demande en nullité d’une marque communautaire, dans les cas définis aux articles 50 et 51, n’était pas subordonnée à l’existence d’un intérêt à agir.

15. Dans le cadre de l’approche fondée sur l’économie du dispositif, le Tribunal a observé, à la lumière de l’article 55, paragraphe 1, sous b), lu en combinaison avec l’article 51, paragraphe 1, du règlement n° 40/94, la différence, selon lui voulue par le législateur, entre la conception extensive de la qualité pour agir lorsqu’il s’agit d’invoquer des motifs absolus de nullité et son interprétation restrictive dans les cas de nullité relative.

16. Le Tribunal s’est ensuite penché sur l’article 55, paragraphe 1, en comparant le point a) aux points b) et c). Suivant une interprétation téléologique, il a estimé que le point a) ne vise que les causes de nullité absolue, parce qu’il a pour but de protéger les intérêts généraux, ce qui explique qu’il suffise que le demandeur soit une personne physique ou morale et ait la capacité d’ester en justice. En revanche, les points b) et c) visent des situations de nullité relative, mettant en cause des intérêts privés, raison pour laquelle le règlement n° 40/94 exige un intérêt spécifique à agir.

17. En outre, le Tribunal a rejeté le renvoi, par Lancôme, à l’article 79 du règlement n° 40/94. Il a nié la pertinence de cet article, l’interprétation de l’article 55, paragraphe 1, sous a), ne suscitant aucune ambiguïté, et il a jugé superflu de s’inspirer des principes généralement admis par la législation des États membres, comme le prévoit l’article 79.

18. Le Tribunal n’a pas non plus jugé pertinentes les références de Lancôme à la jurisprudence sur les articles 230 CE, 232 CE et 236 CE, dans la mesure où les deux premiers articles régissent les recours en annulation et en carence contre les actes ou les omissions des institutions limitativement énumérées dans ces dispositions, qui ne mentionnent pas l’OHMI, tandis que l’article 236 CE concerne le contentieux de la fonction publique.

19. Il a en outre insisté sur le fait que ces recours avaient une nature juridictionnelle, alors que la demande en nullité prévue à l’article 55, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 40/94 ouvrait, quant à elle, une procédure administrative. Il a également souligné...

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