Commission of the European Communities v Italian Republic.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2008:386
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-110/05
Date05 October 2006
Procedure TypeRecours en constatation de manquement - non fondé
Celex Number62005CC0110(01)

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES Bot

présentées le 8 juillet 2008 (1)

Affaire C‑110/05

Commission des Communautés européennes

contre

République italienne


«Réouverture de la procédure orale – Manquement d’État – Article 28 CE – Libre circulation des marchandises – Modalités d’utilisation – Réglementation nationale interdisant l’utilisation d’une remorque attelée à un cyclomoteur, à un motocycle, à un tricycle et à un quadricycle – Restrictions quantitatives – Mesures d’effet équivalent – Justification – Sécurité routière – Proportionnalité»





1. Une réglementation nationale relative aux «modalités d’utilisation» d’une marchandise doit‑elle être examinée au regard de l’article 28 CE ou doit‑elle être appréciée à la lumière des critères dégagés par la Cour dans l’arrêt Keck et Mithouard (2), de la même façon qu’une réglementation relative aux «modalités de vente»?

2. Telle est, en substance, la question à laquelle doit répondre la Cour dans le cadre du présent recours.

3. Cette affaire concerne une procédure en manquement que la Commission des Communautés européennes a engagée à l’encontre de la République italienne sur le fondement de l’article 226 CE. Selon la Commission, la République italienne a, en effet, manqué à ses obligations découlant de l’article 28 CE en édictant dans le code de la route une réglementation interdisant aux cyclomoteurs, aux motocycles, aux tricycles et aux quadricycles de tirer une remorque (3).

4. C’est la seconde fois que des conclusions sont présentées dans ce recours.

5. À l’origine, la Cour a décidé d’attribuer cette affaire à une chambre à cinq juges (4) et de statuer sans audience de plaidoiries, aucune des parties n’ayant demandé à être entendue en ses observations orales. L’avocat général Léger a présenté ses conclusions le 5 octobre 2006, à la suite desquelles la procédure orale a été clôturée. Celui‑ci a conclu que la République italienne avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 28 CE en adoptant et en maintenant en vigueur une telle réglementation.

6. Dans la mesure où cette proposition a soulevé de nouvelles questions relatives au champ d’application de l’article 28 CE qui n’ont pas été débattues par les parties au cours de la procédure, la Cour, par ordonnance du 7 mars 2007, a ordonné la réouverture de la procédure orale et a renvoyé l’affaire devant la grande chambre. Elle a, en outre, invité non seulement les parties, mais également les États membres autres que la République italienne à répondre à la question suivante:

«Dans quelle mesure et sous quelles conditions les dispositions nationales qui régissent non pas les caractéristiques d’un produit mais son utilisation, et qui sont indistinctement applicables aux produits nationaux et importés, doivent‑elles être considérées comme des mesures d’effet équivalent à des restrictions quantitatives à l’importation au sens de l’article 28 CE

7. Outre la Commission et la République italienne, des observations ont été présentées par la République tchèque, le Royaume de Danemark, la République fédérale d’Allemagne, la République hellénique, la République française, la République de Chypre, le Royaume des Pays‑Bas et, enfin, le Royaume de Suède.

8. Les présentes conclusions s’articuleront en deux temps.

9. Dans un premier temps, nous exposerons notre point de vue quant à la réponse à donner à la question posée par la Cour.

10. Ceci requiert une réflexion générale sur le sens et la portée des règles relatives à la libre circulation des marchandises. Elle nécessite, au prix d’un retour sur des positions déjà exprimées à ce sujet, une analyse du champ d’application de l’article 28 CE et des critères qui permettent de qualifier une disposition nationale déterminée de mesure d’effet équivalent à une restriction quantitative à l’importation. La question posée par la Cour offre également l’opportunité de préciser la portée de l’arrêt Keck et Mithouard, précité. Cet arrêt, comme nous le savons, a donné lieu à de nombreuses difficultés d’interprétation qui n’ont pu être résolues qu’au cas par cas.

11. Dans le cadre des présentes conclusions, nous expliquerons les raisons pour lesquelles nous considérons que des mesures nationales qui réglementent les conditions d’utilisation d’une marchandise ne doivent pas être examinées au regard des critères consacrés par la Cour dans l’arrêt Keck et Mithouard, précité. Nous ferons valoir que ces mesures relèvent du champ d’application de l’article 28 CE et peuvent constituer des mesures d’effet équivalent à des restrictions quantitatives à l’importation contraires au traité CE si celles‑ci entravent l’accès au marché du produit concerné.

12. C’est au vu de cette analyse que nous examinerons, dans un second temps, le bien‑fondé du recours en manquement introduit par la Commission à l’encontre de la République italienne.

13. Après un examen des effets de la mesure en cause sur les échanges intracommunautaires, nous soutiendrons que la législation italienne, en tant qu’elle empêche l’accès au marché italien des remorques légalement produites et commercialisées dans les autres États membres, constitue une mesure d’effet équivalent à une restriction quantitative à l’importation contraire à l’article 28 CE.

I – Le cadre juridique

A – Le droit communautaire

1. Le traité CE

14. L’article 28 CE interdit les restrictions quantitatives à l’importation ainsi que toutes les mesures d’effet équivalent entre les États membres.

15. Néanmoins, conformément à l’article 30 CE, l’article 28 CE ne fait pas obstacle aux interdictions ou aux restrictions d’importation qui sont justifiées, notamment, par des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de protection de la santé et de la vie des personnes, à condition que ces interdictions ou ces restrictions ne constituent ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée dans le commerce entre les États membres.

2. Le droit dérivé

16. Le législateur communautaire, dans le cadre de la directive 92/61/CEE (5), a établi une procédure de réception communautaire des véhicules à moteur à deux ou trois roues.

17. Conformément à l’article 1er, paragraphes 2 et 3, de la directive 92/61, les véhicules visés sont les cyclomoteurs (6), les motocycles, les tricycles ainsi que les quadricycles.

18. Ainsi qu’il ressort clairement des considérants de cette directive, cette procédure permet, d’une part, de garantir un meilleur fonctionnement du marché intérieur en éliminant les entraves techniques aux échanges dans le secteur des véhicules à moteur et contribue, d’autre part, à l’amélioration de la sécurité routière et à la protection de l’environnement et des consommateurs (7).

19. Pour permettre la mise en œuvre de ladite procédure, la directive 92/61 prévoit une harmonisation totale des exigences techniques auxquelles ces véhicules doivent satisfaire. Elle prévoit également que les prescriptions techniques applicables aux différents éléments et caractéristiques desdits véhicules sont harmonisées dans le cadre de directives particulières (8).

20. Ainsi, les prescriptions relatives aux masses, aux dimensions ainsi qu’aux dispositifs d’attelage et de fixation de ces véhicules ont été harmonisées dans le cadre respectivement des directives 93/93/CEE (9) et 97/24/CE (10).

21. Chacune de ces directives énonce, dans le cadre de leur préambule et dans des termes identiques, que les prescriptions qu’elles édictent ne peuvent pas avoir pour effet d’obliger à modifier leurs réglementations les États membres qui ne permettent pas, sur leur territoire, que des véhicules à moteur à deux ou à trois roues tirent une remorque (11).

B – Le droit national

22. L’article 53 du décret législatif n° 285 (decreto legislativo n. 285), du 30 avril 1992 (12), définit les cyclomoteurs comme tout véhicule à moteur à deux, trois ou quatre roues, ces derniers constituant les «quadricycles à moteur».

23. Aux termes de l’article 54 du code de la route, les véhicules automobiles sont des véhicules à moteur comptant au moins quatre roues, à l’exclusion des cyclomoteurs.

24. Conformément à l’article 56 dudit code, seuls sont autorisés à tirer une remorque les véhicules automobiles, les trolleybus et les tracteurs automobiles.

II – La procédure précontentieuse

25. À la suite d’un échange de correspondance entre la République italienne et la Commission, cette dernière a estimé que cet État membre avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 28 CE en édictant la réglementation en cause. Elle a alors mis celui‑ci en demeure de présenter ses observations par une lettre du 3 avril 2003.

26. Dans sa lettre en réponse, en date du 13 juin 2003, la République italienne s’est engagée à modifier sa réglementation afin d’éliminer les obstacles aux importations signalés par la Commission. Elle a précisé, en outre, que les modifications concernaient non seulement la réception des véhicules, mais également l’immatriculation, la circulation et les contrôles sur la route des remorques (révisions).

27. La Commission n’a reçu aucune communication relative à l’adoption de ces modifications. Le 19 décembre 2003, elle a donc adressé à la République italienne un avis motivé l’invitant à prendre les mesures nécessaires pour se conformer aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 28 CE dans un délai de deux mois à compter de la notification de cet avis. Celui‑ci étant resté sans réponse, la Commission a introduit un recours en manquement sur le fondement de l’article 226 CE, par une requête déposée au greffe de la Cour le 4 mars 2005.

III – Le recours

28. La Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

– constater que la République italienne, en interdisant aux cyclomoteurs de tirer des remorques, a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 28 CE;

– condamner la République italienne aux dépens de l’instance.

29. La République italienne...

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