Commission of the European Communities v Volkswagen AG.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2005:694
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-74/04
Date17 November 2005
Celex Number62004CC0074
Procedure TypeRecurso de anulación

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. ANTONIO Tizzano

présentées le 17 novembre 2005 (1)

Affaire C-74/04 P

Commission des Communautés européennes

contre

Volkswagen AG

«Concurrence – Distribution de véhicules automobiles – Article 81 CE – Accord sur les prix – Notion d’accord – Preuve de l’existence d’un accord»





1. Par arrêt du 3 décembre 2003, rendu dans l’affaire Volkswagen/Commission (T-208/01, Rec. p. II-5141, ci-après l’«arrêt attaqué»), le Tribunal de première instance des Communautés européennes a annulé la décision 2001/711/CE de la Commission, du 29 juin 2001, dans une procédure prévue par l’article 81 du traité CE (2) (ci-après la «décision attaquée»), qui sanctionnait Volkswagen AG pour avoir conclu avec les concessionnaires appartenant à son réseau de distribution en Allemagne une entente tendant à la fixation du prix de revente des automobiles du modèle Passat. La Commission des Communautés européennes demande à présent à la Cour d’annuler cet arrêt.

I – Faits et procédure

A – Les faits à l’origine du litige

2. Dans l’arrêt attaqué, les faits à l’origine du litige sont décrits de la façon suivante:

«1. Volkswagen AG (ci-après ‘Volkswagen’ ou la ‘requérante’) est la société holding et la plus grande entreprise du groupe Volkswagen, actif dans le secteur de la construction automobile. Les véhicules automobiles produits par la requérante sont vendus dans la Communauté, dans le cadre d’un système de distribution sélective et exclusive, par des concessionnaires avec lesquels la requérante a conclu un contrat de concession.

2. Conformément à l’article 4, paragraphe 1, du contrat de concession dans ses versions du mois de septembre 1995 et du mois de janvier 1998, Volkswagen accorde au concessionnaire un territoire contractuel pour le programme de livraison et le service après-vente. En contrepartie, le concessionnaire s’engage à promouvoir la vente et le service après-vente de façon intensive sur le territoire qui lui a été concédé et à exploiter le potentiel du marché de façon optimale. Selon l’article 2, paragraphe 6 (version du mois de janvier 1989) ou 1 (versions du mois de septembre 1995 et du mois de janvier 1998), du contrat de concession, le concessionnaire s’engage ‘à défendre les intérêts de [Volkswagen], de l’organisation de distribution Volkswagen et de la marque Volkswagen et d’en assurer la promotion par tous les moyens’. Il est également stipulé que ‘le concessionnaire respectera, à cette fin, toutes les exigences propres à l’exécution du contrat en ce qui concerne la distribution d’automobiles Volkswagen neuves, l’approvisionnement en pièces détachées, le service après-vente, la promotion des ventes, la publicité et la formation, ainsi que la garantie du niveau technique des divers domaines des opérations de Volkswagen’. Enfin, selon l’article 8, paragraphe 1, du contrat de concession, ‘[Volkswagen] fait des recommandations de prix non contraignantes pour le prix final et les remises’».

B – La décision attaquée

3. À la suite d’une plainte d’un acquéreur d’automobiles, la Commission a diligenté une enquête administrative tendant à constater d’éventuelles violations de l’article 81, paragraphe 1, CE en relation avec la fixation du prix de revente du modèle Volkswagen Passat en Allemagne. À l’issue de l’enquête, la Commission a adopté la décision attaquée, dans laquelle elle a:

– constaté que Volkswagen avait violé l’article 81, paragraphe 1, CE, pour avoir «fixé les prix de vente du modèle Volkswagen Passat en exigeant de ses concessionnaires contractuels allemands de ne pas consentir de remises aux clients ou de ne leur consentir que des remises restreintes lors de la vente de ce modèle» (article 1er);

– infligé à Volkswagen une amende de 30,96 millions d’euros (article 2).

4. Dans la motivation de la décision, la Commission s’est attachée à démontrer: i) que Volkswagen avait conclu avec les concessionnaires allemands un accord sur le prix de revente des modèles Passat (points 56 à 69); ii) que ledit accord avait pour objet la restriction de la concurrence (points 70 à 74); iii) qu’il portait un préjudicie sensible au commerce entre États membres (points 81 à 91) et iv) que l’accord contesté ne pouvait pas bénéficier d’une exemption individuelle ou par catégorie au sens de l’article 81, paragraphe 3, CE (points 93 à 96).

5. S’agissant plus particulièrement du premier aspect, objet du présent pourvoi, la Commission a déduit l’existence d’une discipline tarifaire concordée de l’envoi, par Volkswagen, de trois circulaires à tous les concessionnaires et de cinq lettres à certains parmi eux (ci-après les «invitations contestées»), dans lesquelles le constructeur d’automobiles intimait à ses revendeurs de ne pas consentir de remises (ou de n’en consentir que de façon très limitée) sur les ventes de Passat, en les menaçant de conséquences juridiques en cas de non-respect de ces instructions (points 29 à 55).

6. Selon la Commission, ces instructions ne constituaient pas un simple comportement unilatéral de Volkswagen, mais un accord au sens de l’article 81 CE, dans la mesure où elles s’inséraient dans le cadre de relations commerciales continues entre le constructeur et ses concessionnaires, sur la base des contrats de concession respectifs (points 57 à 59). Il ressortirait, en effet, de la «jurisprudence constante de la Cour de justice des Communautés européennes [que] l’agrément au sein du réseau de concessionnaires se fonde sur l’acceptation, expresse ou tacite, de la part des contractants, de la politique de distribution poursuivie par le constructeur. C’est pour cette raison que les circulaires constitu[aient] un élément des accords de Volkswagen AG avec ses concessionnaires contractuels, car elles [devaient] être considérées comme participant de relations d’affaires suivies, sur la base d’un accord général existant (le contrat de concession)» (point 57).

7. En particulier, le juge communautaire aurait précisé que «des invitations adressées par un constructeur automobile à ses concessionnaires sous contrat constituent un accord lorsqu’elles ‘(visent) […] à influencer les concessionnaires […] dans l’exécution de leur contrat avec (le constructeur ou l’importateur)’». Selon la Commission, cette condition était clairement remplie en l’espèce (point 62).

8. Par conséquent, la Commission a estimé que «la question de savoir si et dans quelle mesure les concessionnaires Volkswagen allemands [avaient] effectivement modifié la formation de leurs prix en fonction des circulaires et des mises en demeure [pouvait] être laissée en suspens» (point 68).

9. Enfin, la Commission a rejeté l’argument de Volkswagen selon lequel les concessionnaires n’auraient pas pu accepter la politique des prix en cause, même tacitement, puisque non seulement elle n’était pas prévue dans le contrat de concession, mais elle était même contraire à l’article 8, paragraphe 1, de ce contrat.

10. Au contraire, selon la Commission, les invitations litigieuses se seraient fondées sur une clause dudit contrat: l’article 2, paragraphe 6 (point 64). En outre, «on ne pourrait par conséquent admettre l’existence d’une quelconque contradiction entre les invitations en question et l’article 8, paragraphe 1, des contrats de concession. Aux termes de cette disposition, ‘[Volkswagen] fait des recommandations de prix non contraignantes pour le prix final et les remises’. Selon les paragraphes suivants de cette disposition, ces recommandations doivent être intégrées dans le calcul des prix et des indemnités de clientèle applicables entre le concessionnaire et le constructeur. Le fait que ce mécanisme comporte le droit pour le constructeur de formuler des recommandations de prix non contraignantes n’offre pas la garantie aux concessionnaires que le constructeur s’abstiendra à tout jamais d’instructions contraignantes en matière de prix, par exemple dans le cadre de l’article 2, paragraphe 1, du contrat de concession» (point 65).

C – La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

11. Par requête déposée le 10 septembre 2001, Volkswagen a demandé au Tribunal, à titre principal, l’annulation de la décision litigieuse et, à titre subsidiaire, la réduction du montant de l’amende infligée par ladite décision.

12. Par arrêt du 3 décembre 2003, le Tribunal a fait droit au moyen principal du recours de Volkswagen, relatif à l’applicabilité en l’espèce de l’article 81, paragraphe 1, CE, et a annulé la décision attaquée au motif que, selon lui, «la Commission n’[avait] pas rapporté […] la preuve d’un concours de volontés entre la requérante et ses concessionnaires, relativement aux invitations litigieuses» (3).

13. En appréciant le grief invoqué par la requérante, le Tribunal a tout d’abord rappelé, en renvoyant en particulier à l’arrêt Bayer/Commission (4), que «la notion d’accord, au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE, […] est axée sur l’existence d’une concordance de volontés entre deux parties au moins, dont la forme de manifestation n’est pas importante pour autant qu’elle constitue l’expression fidèle de celles-ci» (5) et que, partant, «une décision du fabricant [qui] constitue un comportement unilatéral de l’entreprise» (6) ne rentre pas dans le champ d’application de ladite disposition.

14. Aux fins de l’application de l’article 81, paragraphe 1, CE, poursuit le Tribunal, il conviendrait donc «de distinguer les hypothèses où une entreprise a adopté une mesure véritablement unilatérale, et donc sans la participation expresse ou tacite d’une autre entreprise, de celles où le caractère unilatéral est uniquement apparent. Si les premières ne relèvent pas de l’article 81, paragraphe 1, CE, les secondes doivent être considérées comme révélant un accord entre entreprises et peuvent rentrer, dès lors, dans le champ d’application de cet article. Tel est le cas, notamment, des pratiques et mesures restrictives de la concurrence qui, adoptées apparemment de façon unilatérale par le fabricant dans...

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