Grand Duchy of Luxemburg v European Parliament and Council of the European Union.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2000:100
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-168/98
Date24 February 2000
Celex Number61998CC0168
Procedure TypeRecurso de anulación - infundado
EUR-Lex - 61998C0168 - FR 61998C0168

Conclusions de l'avocat général Ruiz-Jarabo Colomer présentées le 24 février 2000. - Grand-Duché de Luxembourg contre Parlement européen et Conseil de l'Union européenne. - Recours en annulation - Liberté d'établissement - Reconnaissance mutuelle des diplômes - Harmonisation - Obligation de motivation - Directive 98/5/CE - Exercice permanent de la profession d'avocat dans un Etat membre autre que celui où la qualification a été acquise. - Affaire C-168/98.

Recueil de jurisprudence 2000 page I-09131


Conclusions de l'avocat général

I. Introduction

1 Le grand-duché de Luxembourg a introduit le présent recours afin d'obtenir l'annulation de la directive 98/5/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 1998, visant à faciliter l'exercice permanent de la profession d'avocat dans un État membre autre que celui où la qualification a été acquise (ci-après, «la directive») (1), qui a été prise avec l'appui des quatorze autres États membres représentés au sein du Conseil et avec l'approbation du Parlement, parce qu'il estime qu'elle aurait dû être adoptée à l'unanimité au terme d'une procédure de consultation.

Selon le Luxembourg, la directive modifie le principe législatif conformément auquel l'accès à la profession d'avocat dans un État membre déterminé est subordonné à la condition que le candidat acquière des connaissances et aptitudes suffisantes dans le droit de cet État.

Le grand-duché critique également le fait que la directive entraîne, à l'intérieur d'un même État membre, une discrimination des avocats nationaux par rapport à leurs confrères migrants. Il fait également grief à la directive de n'être pas suffisamment motivée.

II. L'évolution législative antérieure à la directive

2 La directive entreprise s'inscrit dans le cadre d'une évolution législative visant à rendre effective à l'égard de la profession d'avocat la liberté de circulation prévue par le traité.

La directive 77/249/CEE

3 Le premier jalon qui ait été posé dans cette direction l'a été par la directive 77/249/CEE du Conseil, du 22 mars 1977, tendant à faciliter l'exercice effectif de la libre prestation de services par les avocats (ci-après, «directive 77/249») (2). Cette directive, qui a été adoptée sur la base de ce qui était alors les articles 57 et 66 du traité, obligeait chaque État membre à reconnaître les titres d'avocat délivrés dans d'autres États membres sous réserve des quelques restrictions suivantes:

- l'avocat ne pouvait fournir de services que sous le titre professionnel exprimé dans la ou l'une des langues de l'État membre de provenance, avec indication de l'organisation professionnelle dont il relevait ou de la juridiction auprès de laquelle il était admis (art. 3);

- les États membres pouvaient exclure de ce régime l'établissement d'actes authentiques habilitant à administrer les biens de personnes décédées ou portant sur la création ou le transfert de droits réels immobiliers (art. 1er, paragraphe 1, deuxième alinéa);

- les États membres pouvaient également soumettre l'exercice des activités relatives à la représentation et à la défense d'un client en justice par un avocat fournisseur de services soit à l'obligation pour celui-ci d'être introduit auprès du président de la juridiction et, le cas échéant, auprès du bâtonnier compétent dans l'État membre d'accueil, soit à l'obligation pour lui d'agir de concert avec un avocat de l'État d'accueil ou avec un «avoué» ou un «procuratore» exerçant auprès de la juridiction saisie (art. 5).

La directive 89/48/CEE

4 L'étape suivante a été franchie par l'adoption, sur la base des anciens articles 49, 57, paragraphe 1, et 66, du traité, de la directive 89/48/CEE du Conseil, du 21 décembre 1998, relative à un système général de reconnaissance des diplômes d'enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d'une durée minimale de trois ans (ci-après, «directive 89/48») (3).

5 A la différence de la directive 77/249, la directive 89/48 a une portée générale et s'applique à toutes les professions réglementées qui n'ont pas encore fait l'objet de mesures spécifiques. La directive 89/48 dispose ainsi que l'État membre d'accueil ne pourra pas refuser l'accès à une profession réglementée à un travailleur migrant sans avoir examiné l'équivalence des titres ou diplômes qu'il a obtenus dans son État d'origine (art. 3).

6 L'article 4 de la directive 89/48 autorise également l'État d'accueil à exiger du demandeur:

a) soit qu'il prouve qu'il possède une expérience professionnelle lorsque la durée de la formation dont il fait état est inférieure d'au moins un an à celle qui est requise dans l'État membre d'accueil;

b) soit qu'il accomplisse un stage d'adaptation pendant trois ans au maximum ou se soumette à une épreuve d'aptitude lorsque la formation qu'il a reçue porte sur des matières substantiellement différentes de celles qui sont couvertes par le diplôme requis dans l'État membre d'accueil.

7 Pour ce qui est des professions juridiques, cependant, le législateur communautaire a inséré la phrase suivante dans le dernier alinéa du paragraphe 1 de l'article 4:

«Pour les professions dont l'exercice exige une connaissance précise du droit national et dont un élément essentiel et constant de l'activité est la fourniture de conseils et/ou d'assistance concernant le droit national, l'État membre d'accueil peut, par dérogation à ce principe, prescrire soit un stage d'adaptation, soit une épreuve d'aptitude.»

Tous les États membres, à l'exception du Danemark, ont choisi d'instituer une épreuve d'aptitude.

III. La directive 98/5/CE

8 Après quatre ans d'âpres négociations au sein du Conseil, la directive 98/5 a été publiée le 14 mars 1998. Elle a pour objet de faciliter l'exercice permanent de la profession d'avocat à titre indépendant ou salarié dans un État membre autre que celui dans lequel la qualification professionnelle a été acquise (art. 1er, paragraphe 1).

9 Dans l'exposé des motifs de la directive, le législateur a déclaré qu'une action en la matière se justifiait au niveau communautaire non seulement parce que, par rapport au système général de reconnaissance institué par la directive 89/48, elle offre aux avocats une voie plus aisée leur permettant d'intégrer la profession dans un État membre d'accueil mais aussi parce qu'elle répond aux besoins des usagers du droit, lesquels, en raison des flux d'affaires croissants résultant notamment du marché intérieur, recherchent des conseils lors de transactions transfrontalières dans lesquelles sont souvent imbriqués le droit international, le droit communautaire et les droits nationaux (cinquième considérant).

10 La directive se justifie également par la nécessité de résoudre, à l'échelon communautaire, le problème résultant du fait que seuls quelques États membres permettent déjà, et selon des modalités diverses, l'exercice d'activités d'avocat, autrement que sous la forme de prestations de services, par des avocats venant d'autres États membres et exerçant sous leur titre professionnel d'origine, ce qui produit une diversité de situations qui se traduit par des inégalités et des distorsions de concurrence qui représentent un obstacle à la libre circulation (sixième considérant).

11 Le texte de l'article 2 de la directive est le suivant:

«Tout avocat a le droit d'exercer à titre permanent, dans tout autre État membre, sous son titre professionnel d'origine, les activités d'avocat telles que précisées à l'article 5.

L'intégration dans la profession d'avocat de l'État membre d'accueil est soumise aux dispositions de l'article 10.»

12 Le texte de l'article 4 de la directive est le suivant:

«1. L'avocat exerçant dans l'État membre d'accueil sous son titre professionnel d'origine est tenu de le faire sous ce titre, qui doit être indiqué dans la ou l'une des langues officielles de l'État membre d'origine, mais de manière intelligible et susceptible d'éviter toute confusion avec le titre professionnel de l'État membre d'accueil.

2. Aux fins de l'application du paragraphe 1, l'État membre d'accueil peut exiger que l'avocat exerçant sous son titre professionnel d'origine ajoute la mention de l'organisation professionnelle dont il relève dans l'État membre d'origine ou de la juridiction auprès de laquelle il est admis en application de la législation de l'État membre d'origine. L'État membre d'accueil peut également exiger que l'avocat exerçant sous son titre professionnel d'origine fasse mention de son inscription auprès de l'autorité compétente de cet État membre.»

13 Le texte de l'article 5 de la directive est le suivant:

«1. Sous réserve des paragraphes 2 et 3, l'avocat exerçant sous son titre professionnel d'origine pratique les mêmes activités professionnelles que l'avocat exerçant sous le titre professionnel approprié de l'État membre d'accueil et peut notamment donner des consultations juridiques dans le droit de son État membre d'origine, en droit communautaire, en droit international et dans le droit de l'État membre d'accueil. Il respecte, en tout cas, les règles de procédure applicables devant les juridictions nationales.

2. Les États membres qui autorisent sur leur territoire une catégorie déterminée d'avocats à établir des actes habilitant à administrer les biens des personnes décédées ou portant sur la création ou le transfert de droits réels immobiliers, qui dans d'autres États membres sont réservés à des professions différentes de celle de l'avocat, peuvent exclure de ces activités l'avocat exerçant sous un titre professionnel d'origine délivré dans un de ces derniers États membres.

3. Pour l'exercice des activités relatives à la représentation et à la défense d'un client en justice et dans la mesure où le droit de l'État membre d'accueil réserve ces activités aux avocats exerçant sous le titre professionnel de cet État, ce dernier peut imposer aux avocats exerçant sous leur titre...

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