Z. J. R. Lock v British Gas Trading Limited.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2013:806
Date05 December 2013
Celex Number62012CC0539
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-539/12
62012CC0539

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES BOT

présentées le 5 décembre 2013 ( 1 )

Affaire C‑539/12

Z. J. R. Lock

contre

British Gas Trading Ltd e.a.

[demande de décision préjudicielle formée par l’Employment Tribunal, Leicester (Royaume-Uni)]

«Politique sociale — Aménagement du temps de travail — Consultant percevant un salaire de base assorti de commissions mensuelles en fonction du chiffre d’affaires réalisé et du nombre de contrats de vente conclus — Droit au paiement des commissions pendant le congé annuel»

1.

Les questions préjudicielles posées par l’Employment Tribunal, Leicester (Royaume-Uni), portent sur l’interprétation de l’article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail ( 2 ), qui est libellé comme suit:

«Congé annuel

1.

Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines, conformément aux conditions d’obtention et d’octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales.

2.

La période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail.»

2.

Ces questions interviennent dans le cadre d’un litige opposant M. Lock à son employeur, British Gas Trading Ltd e.a. (ci-après «British Gas»), sur le point de savoir comment doit être calculé le montant de la rémunération à laquelle cet employé peut prétendre durant son congé annuel payé. Plus précisément, la problématique soulevée par la présente affaire est celle de savoir si, lorsque la rémunération perçue par un travailleur est composée d’une partie fixe et d’une partie variable, cette dernière doit ou non faire partie de la rémunération à laquelle un travailleur a droit au titre de son congé annuel payé.

I – Les faits du litige au principal et les questions préjudicielles

3.

Depuis l’année 2010 et à ce jour, M. Lock est employé auprès de British Gas comme consultant en ventes intérieures d’énergie («Internal Energy Sales Consultant»). Sa tâche est celle de chercher à convaincre des clients professionnels d’acheter les produits énergétiques de British Gas.

4.

Sa rémunération se compose de deux éléments principaux. Le premier est constitué d’une rémunération de base et le second d’une commission.

5.

Comme la rémunération de base, la commission est payée sur une base mensuelle. Son montant est variable dans la mesure où elle est calculée par référence aux ventes effectivement réalisées. Elle dépend donc non pas du temps de travail investi, mais de l’issue de ce travail, à savoir du nombre et du type de nouveaux contrats qui ont été conclus par British Gas. La commission est payée non pas au moment où le travail qui génère la commission est effectué, mais plusieurs semaines ou mois après la conclusion du contrat de vente avec British Gas.

6.

M. Lock était en congé annuel payé du 19 décembre 2011 au 3 janvier 2012.

7.

La rémunération de M. Lock comprenait, pendant la période couverte par son congé annuel, sa rémunération de base et une commission qu’il avait gagnée au cours des semaines précédentes. Au cours de l’année à laquelle se rapporte la demande de M. Lock, celui-ci a reçu un paiement mensuel moyen de commissions de 1912,67 livres sterling (GBP). Durant le mois au cours duquel il a pris le congé annuel qui fait l’objet de sa demande, il a reçu une commission d’un montant de 2350,31 GBP. Sa rémunération de base lui a également été payée pour un montant de 1222,50 GBP par mois ( 3 ).

8.

Étant donné que M. Lock n’a effectué aucun travail pendant sa période de congé annuel, il n’a pas été en mesure de réaliser de nouvelles ventes ou de se livrer à un suivi de ventes potentielles durant cette période. Par conséquent, il n’a pas été en mesure de générer une commission pendant ladite période. Cette circonstance ayant des répercussions défavorables sur le salaire perçu par M. Lock durant les mois suivant le congé annuel, celui-ci a décidé d’introduire devant la juridiction de renvoi une demande pour indemnité de congé annuel («holiday pay») impayée pour la période du 19 décembre 2011 au 3 janvier 2012.

9.

Au regard de cette demande, l’Employment Tribunal, Leicester, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)

Dans des circonstances dans lesquelles:

la rémunération annuelle d’un travailleur se compose de la rémunération de base et des paiements de commissions effectués au titre d’un droit contractuel à une commission;

la commission est payée par référence aux ventes réalisées et aux contrats conclus par l’employeur en conséquence du travail du travailleur;

la commission est payée avec retard et le montant de la commission reçue au cours d’une période de référence donnée varie en fonction de la valeur des ventes réalisées et des contrats conclus ainsi que du moment de telles ventes;

pendant les périodes de congé annuel, le travailleur n’entreprend aucun travail qui lui donnerait droit à ces paiements de commissions et, par conséquent, il ne génère pas de commission s’agissant de telles périodes;

pour la période de rémunération qui inclut une période de congé annuel, le travailleur a droit à la rémunération de base et continuera à recevoir des paiements de commissions fondés sur des commissions gagnées précédemment, et

ses revenus moyens tirés des commissions sur le cours de l’année seront inférieurs à ce qu’ils seraient si le travailleur n’avait pas pris de congé parce que, pendant la période de congé, il n’aura entrepris aucun travail qui lui donnerait droit à des paiements de commissions,

l’article 7 de la directive 93/104/CE [du Conseil, du 23 novembre 1993, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (JO L 307, p. 18)], telle que modifiée par la directive 2003/88[...], impose-t-il aux États membres de prendre des mesures pour garantir qu’un travailleur soit payé, en ce qui concerne les périodes de congé annuel, par référence aux paiements de commissions qu’il aurait gagnées pendant cette période s’il n’avait pas pris de congé ainsi que sa rémunération de base?

2)

Quels principes sont à la base de la réponse à la première question?

3)

Si la réponse à la première question est affirmative, quels principes doivent (le cas échéant) être adoptés par les États membres pour calculer la somme qui est due au travailleur par référence à la commission que le travailleur aurait gagnée ou aurait pu gagner s’il n’avait pas pris de congé annuel?»

10.

Les doutes que la juridiction de renvoi éprouve quant à l’interprétation correcte qui doit être faite de l’article 7 de la directive 2003/88 en présence d’une rémunération constituée d’une partie fixe et d’une partie variable semblent, notamment, provenir de l’arrêt de la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) du 27 novembre 2002, Evans c. Malley Organisation Ltd (T/A First Business Support) ( 4 ). En effet, dans une situation analogue à celle en cause dans la présente affaire, l’employé demandeur faisait valoir que son indemnité de congé annuel aurait dû être basée sur son revenu moyen, pour inclure à la fois sa rémunération de base et ses revenus moyens provenant des commissions. La Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) a rejeté l’argument de l’employé. Elle a jugé que la rémunération de celui-ci ne variait pas avec le volume de travail effectué et que, par conséquent, l’article 221, paragraphe 2, de la loi de 1996 sur les droits des travailleurs (Employment Rights Act 1996) était applicable ( 5 ). Par conséquent, cette juridiction a jugé que l’employé avait droit au paiement de sa seule rémunération de base pour sa période de congé annuel et qu’il n’avait donc pas droit au paiement d’une somme équivalant à son revenu moyen au titre de commissions pour des périodes durant lesquelles il était en congé annuel payé.

II – Notre analyse

11.

Nous répondrons d’abord à la question principale, qui est celle de savoir si, dans une situation telle que celle en cause au principal, où la rémunération perçue par un travailleur est composée, d’une part, d’un salaire de base et, d’autre part, d’une commission dont le montant est fixé par référence aux ventes réalisées et aux contrats conclus par l’employeur en conséquence de l’activité personnelle de ce travailleur, l’article 7 de la directive 2003/88 impose ou non d’intégrer une telle commission dans l’assiette de la rémunération qui est due audit travailleur au titre de sa période de congé annuel payé.

12.

À notre avis, la sauvegarde effective du droit à un congé annuel payé implique de répondre par l’affirmative à cette question.

13.

Nous rappelons que, selon une jurisprudence constante, le droit au congé annuel payé de chaque travailleur doit être considéré comme un principe du droit social de l’Union revêtant une importance particulière, auquel il ne saurait être dérogé ( 6 ). Ce droit est, d’ailleurs, expressément consacré à l’article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ( 7 ).

14.

Il est constant que la finalité du droit au congé annuel payé est de permettre au travailleur de se reposer et de disposer d’une période de détente et de loisirs ( 8 ).

15.

Le paiement du congé prescrit à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88 vise à permettre au travailleur de...

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