Criminal proceedings against Lucas Emilio Sanz de Lera, Raimundo Díaz Jiménez and Figen Kapanoglu.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1995:292
Date19 September 1995
Celex Number61994CC0163
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-250/94,C-165/94,C-163/94,
61994C0163

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. GIUSEPPE TESAURO

présentées le 19 septembre 1995 ( *1 )

1.

Par trois demandes préjudicielles de même contenu, le Juzgado Central de lo Penal de la Audiencia Nacional du royaume d'Espagne a posé à la Cour deux questions destinées à vérifier la compatibilité avec les articles 73 B et suivants du traité CE de l'article 4, paragraphe 1, du décret royal no 1816/91, relatif aux transactions économiques avec l'étranger. Cette disposition subordonne l'exportation de billets de banque pour un montant supérieur à 1000000 PTA à une déclaration préalable et impose l'obtention d'une autorisation préalable lorsque les sommes exportées sont supérieures à 5000000 PTA ( 1 ).

2.

Trois procédures pénales distinctes ont été intentées devant le juge de renvoi contre autant d'inculpés. Ceux-ci avaient été arrêtés alors qu'ils se préparaient, dans des circonstances différentes, à exporter dans des pays tiers et sans autorisation des billets de banque pour des montants supérieurs à 5000000 PTA.

Les affaires C-163/94 et C-165/94 concernent des citoyens espagnols, précisément M. Sanz de Lera, résidant en Espagne, et M. Díaz Jiménez, résidant en Grande-Bretagne; l'un et l'autre transportaient des billets de banque vers la Suisse, l'un à bord de sa voiture, l'autre dans ses bagages à main lors de son embarquement sur le vol pour Zurich à l'aéroport de Madrid-Barajas ( 2 ).

Dans l'affaire C-250/94, par contre, l'inculpé est une citoyenne turque résidant en Espagne, arrêtée à l'aéroport de Madrid-Barajas alors qu'elle s'embarquait sur le vol à destination d'Istanbul (Turquie).

3.

Selon les informations fournies par le juge a quo, M. Sanz de Lera exportait la somme d'argent litigieuse afin de la déposer sur un compte ouvert à son nom auprès d'un institut de crédit suisse, tandis que la destination finale de l'argent que M. Díaz Jiménez s'apprêtait à exporter en Suisse n'est pas certaine. Quant au cas de Mme Kapanoglu, l'ordonnance de renvoi ne fournit aucune information à cet égard.

4.

Les inculpés ont contesté l'illégalité des comportements qui leur étaient reprochés, en faisant valoir l'incompatibilité de la loi espagnole avec les dispositions communautaires en matière de libre circulation des capitaux.

Le juge espagnol a donc décidé de surseoir à statuer et de demander à la Cour de se prononcer sur l'interprétation des articles 73 B, 73 C, paragraphe 1, et 73 D, paragraphe 1, sous b), du traité CE, ainsi que sur le point de savoir si l'article 73 B produit ou non des effets directs.

5.

Nous rappelons, à titre préliminaire, que la réglementation espagnole en cause a fait récemment l'objet d'une décision préjudicielle, dans laquelle la Cour a apprécié sa conformité au regard des articles 1 et 4 de la directive 88/361/CEE du Conseil, du 24 juin 1988, pour la mise en œuvre de l'article 67 du traité ( 3 ). Ces dispositions ont un contenu analogue à celui des articles 73 B et 73 D, paragraphe 1, sous b), du traité CE.

Dans l'arrêt du 23 février 1995 , Bordessa e.a. ( 4 ), la Cour a déclaré que les dispositions de la directive 88/361 s'opposent à l'application d'une réglementation qui subordonne l'exportation de billets de banque à une autorisation préalable, mais, en revanche, ne s'opposent pas à ce qu'une telle opération soit subordonnée à une déclaration préalable.

6.

En particulier, la Cour a jugé légitime l'obligation de faire une déclaration préalable, dans la mesure où cela peut constituer une mesure indispensable pour permettre aux États membres d'effectuer un contrôle effectif et d'assurer une prévention efficace contre les activités illégales, telles que le blanchiment de l'argent, le trafic de stupéfiants et le terrorisme, sans pour autant faire obstacle aux mouvements de capitaux réalisés conformément au droit communautaire ( 5 ). Au contraire, elle a jugé disproportionnée une obligation d'autorisation, dans la mesure où pareille obligation, tout en ayant le même but, a pour effet de faire obstacle de manière injustifiée aux exportations de devises, en les subordonnant à chaque fois à l'approbation de l'administration ( 6 ).

Dans ce même arrêt, la Cour a en outre affirmé que les articles 1 et 4 de la directive en cause sont d'application directe ( 7 ).

7.

Les faits qui nous occupent aujourd'hui sont en substance analogues à ceux qui sont à l'origine de l'arrêt Bordessa e.a.; ils présentent, toutefois, aussi deux aspects différents.

D'abord, le juge espagnol ( 8 ) demande ici à la Cour d'interpréter les dispositions pertinentes du traité CE, dans la version résultant des amendements apportés par le traité de Maastricht, entré en vigueur le 1er janvier 1994 ( 9 ).

En second lieu, il s'agit en l'espèce d'une exportation de billets vers des pays tiers.

8.

Quant au premier point, le gouvernement espagnol et le gouvernement français soutiennent que l'interprétation des dispositions pertinentes du traité CE doit tenir compte du fait que l'article 73 D, paragraphe 1, sous b), contrairement à l'article 4 de la directive 88/361, énumère expressément, parmi les restrictions aux mouvements de capitaux que les États membres sont autorisés à maintenir en vigueur, notamment celles qui sont « justifiées par des motifs liés à l'ordre public ou à la sécurité publique » ( 10 ).

Cela porterait à juger également licite une obligation d'autorisation préalable pour certains transferts de capitaux, dans la mesure où elle est indispensable à la protection de ces exigences, maintenant consacrées par le traité.

9.

A cet égard, nous dirons tout de suite que la différence entre la lettre de l'article 73 D, paragraphe 1, sous b), du traité et celle de l'article 4 de la directive 88/361 n'est à notre avis pas de nature à suggérer des conclusions différentes de celles auxquelles est parvenue la Cour dans l'interprétation de cette dernière disposition.

En effet, comme nous l'avons déjà fait observer dans nos conclusions dans l'affaire Bordessa, auxquelles nous nous permettons de renvoyer pour plus de détails ( 11 ...

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