Apothekerkammer des Saarlandes and Others (C-171/07) and Helga Neumann-Seiwert (C-172/07) v Saarland and Ministerium für Justiz, Gesundheit und Soziales.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2008:729
Docket NumberC-171/07,C-172/07
Celex Number62007CC0171
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date16 December 2008

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES Bot

présentées le 16 décembre 2008 (1)

Affaires jointes C‑171/07 et C‑172/07

Apothekerkammer des Saarlandes,

Marion Schneider,

Michael Holzapfel,

Fritz Trennheuser,

Deutscher Apothekerverband eV (C‑171/07),


Helga Neumann-Seiwert (C‑172/07)

contre

Saarland,

Ministerium für Justiz, Gesundheit und Soziales

[demandes de décision préjudicielle formées par le Verwaltungsgericht des Saarlandes (Allemagne)]

«Liberté d’établissement – Santé publique – Pharmacies – Législation nationale en vertu de laquelle seuls des pharmaciens peuvent détenir et exploiter une pharmacie – Approvisionnement approprié de la population en médicaments»





1. Dans le cadre des présentes questions préjudicielles, le Verwaltungsgericht des Saarlandes (Allemagne) demande à la Cour de dire pour droit si les articles 43 CE et 48 CE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une règle nationale en vertu de laquelle seuls des pharmaciens peuvent détenir et exploiter une pharmacie.

2. Selon la législation allemande, toute personne qui souhaite exploiter une pharmacie doit obtenir l’autorisation de l’autorité compétente. Parmi les conditions d’octroi d’une telle autorisation figurent celles selon lesquelles le demandeur doit, d’une part, être habilité à exercer en tant que pharmacien et, d’autre part, gérer personnellement la pharmacie sous sa propre responsabilité.

3. Les deux renvois préjudiciels sous examen ont été présentés dans le cadre de litiges opposant l’Apothekerkammer des Saarlandes (2), Mme Schneider, MM. Holzapfel et Trennheuser (3) et le Deutscher Apothekerverband eV (4) (affaire C‑171/07) ainsi que Mme Neumann‑Seiwert (affaire C‑172/07) (ci‑après ensemble les «requérants au principal») au Saarland (Land de Sarre), représenté par son Ministerium für Justiz, Gesundheit und Soziales (ministère de la Justice, de la Santé et des Affaires sociales, ci‑après le «Ministerium»). Ces litiges ont pour objet une demande d’annulation de la décision prise par ce ministère d’autoriser une société anonyme, DocMorris NV (ci‑après «DocMorris»), à exploiter en tant que succursale une pharmacie à Sarrebruck (Allemagne).

4. Dans les présentes conclusions, nous exposerons les raisons pour lesquelles nous considérons que les articles 43 CE et 48 CE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce qu’un État membre fasse le choix de réserver la détention et l’exploitation des pharmacies aux seuls pharmaciens (5).

I – Le cadre juridique

A – Le droit communautaire

5. L’article 43, premier alinéa, CE prohibe les restrictions à la liberté d’établissement des ressortissants d’un État membre sur le territoire d’un autre État membre. Selon l’article 43, second alinéa, CE, la liberté d’établissement comporte l’accès aux activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d’entreprises.

6. En vertu de l’article 48, premier alinéa, CE, les droits instaurés par l’article 43 CE bénéficient également aux sociétés constituées en conformité de la législation d’un État membre et qui ont leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l’intérieur de la Communauté européenne.

7. Selon l’article 46, paragraphe 1, CE, l’article 43 CE ne fait pas obstacle aux restrictions justifiées pour des raisons de santé publique.

8. Aux termes de l’article 47, paragraphe 3, CE, la libération progressive des restrictions à la liberté d’établissement, en ce qui concerne les professions médicales, paramédicales et pharmaceutiques, est subordonnée à la coordination de leurs conditions d’exercice dans les différents États membres. Toutefois, le Conseil de l’Union européenne et la Commission des Communautés européennes ont admis que l’effet direct des articles 43 CE et 49 CE, reconnu respectivement dans les arrêts Reyners (6) et van Binsbergen (7) à compter du 1er janvier 1970, date de la fin de la période de transition, valait également pour les professions de santé (8).

9. En outre, les activités médicales, paramédicales et pharmaceutiques ont fait l’objet de directives de coordination. Pour le domaine de la pharmacie, il s’agit, d’une part, de la directive 85/432/CEE du Conseil, du 16 septembre 1985, visant à la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certaines activités du domaine de la pharmacie (9), et, d’autre part, de la directive 85/433/CEE du Conseil, du 16 septembre 1985, visant à la reconnaissance mutuelle des diplômes, certificats et autres titres en pharmacie, et comportant des mesures destinées à faciliter l’exercice effectif du droit d’établissement pour certaines activités du domaine de la pharmacie (10).

10. Ces deux directives ont été abrogées et remplacées par la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 septembre 2005, relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles (11). Aux termes du vingt‑sixième considérant de la directive 2005/36:

«La présente directive n’assure pas la coordination de toutes les conditions d’accès aux activités du domaine de la pharmacie et de leur exercice. La répartition géographique des officines, notamment, et le monopole de dispense de médicaments devraient continuer de relever de la compétence des États membres. La présente directive n’affecte pas les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres qui interdisent aux sociétés l’exercice de certaines activités de pharmacien ou soumettent cet exercice à certaines conditions.»

11. Enfin, il convient de citer l’article 152, paragraphe 5, CE, aux termes duquel:

«L’action de la Communauté dans le domaine de la santé publique respecte pleinement les responsabilités des États membres en matière d’organisation et de fourniture de services de santé et de soins médicaux. [...]»

B – Le droit national

12. Aux termes de l’article 1er de la loi allemande sur les pharmacies (Apothekengesetz) (12), telle que modifiée par le règlement du 31 octobre 2006 (13) (ci‑après l’«ApoG»):

«1. Conformément à l’intérêt général, les pharmacies assurent l’approvisionnement de la population en médicaments dans le respect de la législation.

2. Toute personne souhaitant exploiter une pharmacie, et jusqu’à trois succursales, doit obtenir l’autorisation de l’autorité compétente.

3. L’autorisation vaut pour le seul pharmacien auquel elle a été accordée et pour les seuls locaux désignés dans le document d’autorisation.»

13. L’article 2 de l’ApoG dispose:

«1. L’autorisation est octroyée sur demande dès lors que le demandeur:

1) est allemand, au sens de l’article 116 de la [loi fondamentale (Gundgesetz)], ressortissant de l’un des autres États membres de l’Union européenne ou d’un autre État signataire de l’accord sur l’Espace économique européen […];

2) a la pleine capacité juridique;

3) est habilité, au sens de la législation allemande, à exercer en tant que pharmacien;

4) présente les garanties de fiabilité nécessaires à l’exploitation d’une pharmacie;

[…]

7) n’est pas inapte, du point de vue de sa santé, à la gestion d’une pharmacie;

[…]»

14. Selon l’article 7, paragraphe 1, de l’ApoG:

«L’autorisation oblige le pharmacien à gérer personnellement la pharmacie sous sa propre responsabilité.»

15. Enfin, l’article 8, paragraphe 1, de l’ApoG prévoit les formes dans lesquelles plusieurs personnes peuvent exploiter ensemble une pharmacie. Cette disposition exclut la seule participation au capital et interdit toute structure juridique permettant à un tiers autre que le titulaire de l’autorisation d’exploiter la pharmacie ou de participer aux bénéfices de l’exploitation de cette dernière. Ladite disposition est ainsi rédigée:

«Plusieurs personnes ne peuvent gérer ensemble une pharmacie que sous la forme d’une société de droit civil ou d’une société en nom collectif, auxquels cas tous les associés doivent obtenir l’autorisation. Toute participation dans une pharmacie sous la forme d’une société en participation ou d’un accord de participation, dans lequel la rémunération du prêt octroyé au titulaire de l’autorisation ou des actifs qui lui ont été fournis de quelque manière que ce soit dépend du chiffre d’affaires ou du bénéfice enregistré par la pharmacie, et en particulier les contrats de bail dont le montant dépend du chiffre d’affaires ou du bénéfice enregistré, sont illégaux […]»

II – Le litige au principal et les questions préjudicielles

16. DocMorris est une société anonyme établie aux Pays‑Bas qui exerce une activité de vente de médicaments par correspondance. Par décision du 29 juin 2006, le Ministerium lui a accordé, avec effet au 1er juillet 2006, l’autorisation d’exploiter en tant que succursale une pharmacie à Sarrebruck, sous réserve qu’un pharmacien dirige personnellement et sous sa propre responsabilité la pharmacie en question. Par décision du 28 juin 2006, avec effet également au 1er juillet 2006, le Ministerium a donné à DocMorris l’autorisation, pour cette officine de Sarrebruck, de vendre par correspondance des médicaments vendus exclusivement en pharmacie. Par une nouvelle décision du 7 août 2006, le Ministerium a ordonné l’exécution immédiate de l’autorisation d’exploitation d’une pharmacie en tant que succursale délivrée le 29 juin 2006.

17. Les 2 et 18 août 2006, les requérants au principal ont introduit des recours devant le Verwaltungsgericht des Saarlandes afin de demander l’annulation de la décision d’autorisation d’exploitation du 29 juin 2006.

18. À l’appui de leurs recours, les requérants au principal ont soutenu que cette décision est contraire à l’ApoG, car elle méconnaît le principe dit du «Fremdbesitzverbot», c’est‑à‑dire la règle qui réserve aux seuls pharmaciens le droit d’exploiter des pharmacies, telle qu’elle ressort des dispositions combinées des articles 2, paragraphe 1, point 3, 7 et 8 de l’ApoG. Ils ont, en outre, fait valoir que le Ministerium n’est pas...

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