Criminal proceedings against Titus Alexander Jochen Donner.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2012:195
Docket NumberC-5/11
Celex Number62011CC0005
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date29 March 2012
62011CC0005

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NIILO JÄÄSKINEN

présentées le 29 mars 2012 ( 1 )

Affaire C-5/11

Procédure pénale

contre

Titus Alexander Jochen Donner

[demande de décision préjudicielleformée par le Bundesgerichtshof (Allemagne)]

«Libre circulation des marchandises — Propriété industrielle et commerciale — Vente de marchandises protégées par un droit d’auteur dans l’État membre de l’acquéreur, mais non dans l’État membre du vendeur — Sanction pénale prononcée à l’encontre d’une personne intervenant dans le cadre de la vente et de la livraison — Contrats de vente à distance — Distribution de copies d’œuvres — Directive 2001/29/CE»

I – Introduction

1.

La société Dimensione Direct Sales Srl (ci-après «Dimensione») est sise à Bologne, en Italie. Elle vend des reproductions d’objets d’ameublement et de design de créateurs renommés (ci-après les «objets en cause»); son marketing s’adresse, en partie, à des clients résidant en Allemagne. Cela prend la forme d’annonces et de prospectus insérés dans des journaux allemands, d’envois postaux nommément adressés à leur destinataire et d’un site Internet en allemand.

2.

Les objets en cause sont vendus et livrés aux acquéreurs allemands avec le concours d’une société de transport italienne du nom d’In. Sp. Em. Srl (ci-après «Inspem»). En Allemagne, les objets en cause sont considérés comme des copies d’œuvres des arts appliqués protégées par un droit d’auteur. En Italie, soit ces œuvres ne sont pas protégées par le droit d’auteur national, soit la protection dont elles bénéficient ne peut, de fait, pas être opposée utilement aux tiers.

3.

Il a été demandé à la Cour d’examiner si l’article 36 TFUE ( 2 ), et plus particulièrement ses dispositions concernant la propriété industrielle et commerciale, peut être appliqué par les autorités allemandes dans le cadre des poursuites pénales engagées à l’encontre de M. Donner, le gérant et associé majoritaire d’Inspem. Les poursuites concernent l’intervention de M. Donner dans le cadre de la distribution des objets en cause en Allemagne, dont il est allégué qu’elle a eu lieu en violation des règles du droit d’auteur national. La question relative à l’article 36 TFUE se pose dans la mesure où il n’est pas contesté que les poursuites pénales constituent une mesure d’effet équivalent à une restriction quantitative à l’importation entre États membres au sens de l’article 34 TFUE. La question se pose, dès lors, de savoir si cela peut être justifié en application de l’article 36 TFUE.

4.

Le présent litige se rapporte donc à la question de la portée de la notion de «propriété industrielle et commerciale» à l’article 36 TFUE et de savoir si les transactions transfrontalières en cause présentent des liens avec l’Allemagne qui sont suffisants pour rendre ledit article applicable. La réponse à cette question dépend de la question préalable de savoir s’il y a eu, dans le champ d’application ratione loci du droit d’auteur allemand, une atteinte au droit exclusif de distribution de l’auteur au sens de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2001/29/CE sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information ( 3 ), disposition qui a harmonisé la notion de droit de distribution.

5.

S’il y a effectivement eu atteinte au droit de distribution de l’auteur, la question se pose alors de savoir si l’application de l’article 36 TFUE entraînerait un cloisonnement du marché intérieur ou une entrave disproportionnée ou arbitraire aux échanges.

6.

La signification de la précision «toute forme de distribution au public, par la vente ou autrement» à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2001/29 revêt une grande importance tant pour le marché intérieur que pour les relations commerciales extérieures. L’article 4, paragraphe 1, de la directive 2001/29 harmonise un patchwork de règles nationales en matière de droits de distribution. En outre, la signification et la portée de la notion de «distribution» au sens de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2001/29 ont une incidence tant sur les voies de droit ouvertes au titulaire du droit d’auteur dans l’Union européenne que sur la protection qui lui est offerte au niveau international contre le commerce de produits pirates portant atteinte au droit d’auteur.

7.

À la lumière des défis que représentent aujourd’hui le marketing en ligne et le commerce électronique, les règles développées par l’Union pour protéger les droits d’auteur, telles que l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2001/29, doivent être interprétées d’une manière assurant la pleine protection de ces droits à l’époque d’Internet. Le sens qui sera donné à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2001/29 doit permettre de tenir en échec des activités qui, avant l’abolition des contrôles des marchandises aux frontières intra-européennes, auraient été sanctionnées par les autorités douanières des États membres. En d’autres termes, les obligations pesant sur l’Union et sur ses États membres en vertu de l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce ( 4 ), à savoir de contribuer à empêcher l’importation de copies non autorisées d’œuvres protégées par un droit d’auteur qui sont en libre circulation sur le marché intérieur, ne peuvent plus être remplies par des mesures prises par les autorités douanières nationales. De telles activités doivent désormais être combattues à travers l’application des dispositions harmonisées du droit de l’Union en matière de droit d’auteur.

8.

Ces questions, ainsi que les problèmes engendrés par l’application du principe de territorialité à une vente transfrontalière à distance, offrent à la Cour l’occasion de réexaminer sa jurisprudence classique en matière de libre circulation des marchandises à la lumière des nouvelles règles du droit de l’Union relatives au droit de distribution en ce qui concerne les copies d’œuvres protégées par un droit d’auteur.

II – Le litige au principal et la question préjudicielle

9.

M. Donner, ressortissant allemand, exerce ses activités principalement depuis son lieu de résidence en Allemagne. Au cours de la période allant du 1er janvier 2005 au 15 janvier 2008 (ci-après la «période en cause»), Dimensione, avec laquelle M. Donner coopérait, n’avait pas obtenu l’autorisation des titulaires des droits d’auteur de vendre les objets en cause en Allemagne. Pas davantage n’avait-elle obtenu l’autorisation de les vendre en Italie ( 5 ).

10.

Avant la période en cause, à partir, environ, du mois d’avril 1999, M. Donner intervenait dans le cadre de la distribution de meubles de style «Bauhaus» reproduits par Dimensione, les meubles étant acheminés depuis l’Italie jusqu’à un entrepôt situé en Allemagne. Les marchandises étaient ensuite vendues, Inspem, la société de M. Donner, effectuant la livraison à leurs acquéreurs en Allemagne. Après que le ministère public eut déféré M. Donner devant les juridictions pénales pour exploitation commerciale sans autorisation d’œuvres protégées par un droit d’auteur, la procédure devant l’Amtsgericht München (tribunal cantonal de Munich) (Allemagne) a été close contre paiement, par M. Donner, d’une somme de 120000 euros.

11.

Par la suite, Dimensione a acquis un entrepôt en Italie, à Sterzing. Sur l’emballage de chaque objet vendu étaient indiqués le nom et l’adresse de la personne l’ayant commandé ou, à tout le moins, le numéro de commande. En vertu des conditions générales de vente, les clients devaient soit récupérer eux-mêmes les objets, soit charger un tiers de le faire. Si l’acheteur ne souhaitait pas récupérer lui-même l’objet commandé ou n’était pas en mesure d’en organiser le transport, Dimensione recommandait à l’acheteur de contacter Inspem. En cas de commande sans contact personnel avec Dimensione, les clients recevaient un courrier publicitaire, dans lequel Inspem offrait de transporter les objets d’Italie vers l’Allemagne. Les documents publicitaires de Dimensione précisaient que le client acquerrait les meubles en Italie, mais ne les payerait que lors de la livraison en Allemagne. Dimensione adressait les factures directement aux clients.

12.

Les chauffeurs d’Inspem payaient à Dimensione le prix des objets, tous attribués nominativement à un client, au moment de les récupérer à l’entrepôt à Sterzing. Lors de la livraison en Allemagne, les chauffeurs obtenaient ensuite de l’acquéreur le remboursement du prix, tout comme le paiement des frais de transport. Dans le cas, cependant, où le client refusait de payer, l’objet concerné était retourné par Inspem à Dimensione en Italie et cette dernière remboursait à Inspem le prix de l’objet et payait elle-même les frais de transport.

13.

Le contrat entre Dimensione et les acquéreurs était régi par la loi italienne. En application du droit italien, le transfert de la propriété de Dimensione aux acquéreurs avait lieu en Italie lorsque les objets étaient individualisés dans l’entrepôt de Dimensione et destinés à un client déterminé.

14.

En revanche, selon le droit allemand, pour que le transfert de propriété soit parfait, les marchandises doivent se trouver entre les mains de l’acquéreur en ce sens que le pouvoir de disposition effective lui a été transféré. Ce dernier transfert a eu lieu en Allemagne, lorsque les acquéreurs se sont vu remettre les objets, contre paiement, par les chauffeurs d’Inspem.

15.

Des poursuites ont été introduites contre M. Donner en raison de ce nouveau système. Il a été condamné par le Landgericht München II (tribunal régional de Munich II) (Allemagne) pour complicité d’exploitation commerciale sans autorisation d’œuvres protégées...

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