Conclusions
CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL
M. ANTONIO TIZZANO
présentées le 11 mars 2004(1)
Affaire C-55/02
Commission des Communautés européennes
contre
République portugaise
«Manquement d'État – Directive 98/59/CE – Notion de licenciement collectif – Loi nationale qui limite le champ d'application de la directive – Transposition incomplète»
I – Préambule
1.
Dans la présente affaire introduite par la Commission des Communautés européennes au titre de l’
article 226 CE, votre Cour
est appelée à constater si la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la
directive 98/59/CE
du Conseil, du 20 juillet 1998, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements
collectifs
(2)
(ci‑après la «directive»). Elle doit établir si la notion de licenciement collectif figurant dans la directive comprend tout
licenciement pour des raisons non inhérentes à la personne des travailleurs ou si elle peut être limitée à des licenciements
pour des raisons de nature structurelle, technologique ou conjoncturelle.
II – Cadre juridique
A –
La réglementation communautaire
2.
Fondée sur l’
article 100 du traité
CE (devenu
article 94 CE), la directive a été adoptée dans le but d’atténuer les incidences
que les divergences entre les dispositions nationales peuvent avoir sur le fonctionnement du marché intérieur (quatrième considérant).
Elle vise à renforcer la protection des travailleurs, en tenant compte de la nécessité d’un développement économique et social
équilibré dans la Communauté ainsi que des principes de politique sociale consacrés par la charte communautaire des droits
sociaux fondamentaux des travailleurs de 1989 et à l’
article 117 du traité
CE (les
articles 117 à 120 du traité
CE ont été
remplacés par les
articles 136 CE à 143 CE) (deuxième et sixième considérants).
3.
Aux fins de la présente affaire, il faut rappeler en particulier l’article 1
er, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive qui dispose:
«Aux fins de l’application de la présente directive:
a)
on entend par ‘licenciements collectifs’: les licenciements effectués par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents
à la personne des travailleurs lorsque le nombre de licenciements intervenus est, selon le choix effectué par les États membres:
i)
soit, pour une période de trente jours:
-
-
- –
- au moins égal à 10 dans les établissements employant habituellement plus de 20 et moins de 100 travailleurs,
-
-
- –
- au moins égal à 10 % du nombre des travailleurs dans les établissements employant habituellement au moins 100 et moins de
300 travailleurs,
-
-
- –
- au moins égal à 30 dans les établissements employant habituellement au moins 300 travailleurs;
ii)
soit, pour une période de quatre-vingt-dix jours, au moins égal à 20, quel que soit le nombre des travailleurs habituellement
employés dans les établissements concernés.»
4.
L’article 1
er, paragraphe 1, second alinéa, de la directive concerne lesdits licenciements par assimilation. Il prévoit que, «[p]our le
calcul du nombre de licenciements prévus au premier alinéa, point a), sont assimilées aux licenciements les cessations du
contrat de travail intervenues à l’initiative de l’employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne des travailleurs,
à condition que les licenciements soient au moins au nombre de cinq.»
5.
L’article 3 énonce à son tour:
«1. L’employeur est tenu de notifier par écrit tout projet de licenciement collectif à l’autorité publique compétente.
Toutefois, les États membres peuvent prévoir que, dans le cas d’un projet de licenciement collectif lié à une cessation des
activités de l’établissement qui résulte d’une décision de justice, l’employeur n’est tenu de le notifier par écrit à l’autorité
publique compétente que sur la demande de celle-ci.
La notification doit contenir tous renseignements utiles concernant le projet de licenciement collectif et les consultations
des représentants des travailleurs prévues à l’article 2, notamment les motifs de licenciement, le nombre des travailleurs
à licencier, le nombre des travailleurs habituellement employés et la période au cours de laquelle il est envisagé d’effectuer
les licenciements.
2. L’employeur est tenu de transmettre aux représentants des travailleurs copie de la notification prévue au paragraphe 1.
Les représentants des travailleurs peuvent adresser leurs observations éventuelles à l’autorité publique compétente.»
6.
L’article 4 dispose enfin:
«1. Les licenciements collectifs dont le projet a été notifié à l’autorité publique compétente prennent effet au plus tôt
trente jours après la notification prévue à l’article 3, paragraphe 1, sans préjudice des dispositions régissant les droits
individuels en matière de délai de préavis.
Les États membres peuvent accorder à l’autorité publique compétente la faculté de réduire le délai visé au premier alinéa.
2. L’autorité publique compétente met à profit le délai visé au paragraphe 1 pour chercher des solutions aux problèmes posés
par les licenciements collectifs envisagés.
3. Dans la mesure où le délai initial prévu au paragraphe 1 est inférieur à soixante jours, les États membres peuvent accorder
à l’autorité publique compétente la faculté de prolonger le délai initial jusqu’à soixante jours après la notification lorsque
les problèmes posés par les licenciements collectifs envisagés risquent de ne pas trouver de solution dans le délai initial.
Les États membres peuvent accorder à l’autorité publique compétente des facultés de prolongation plus larges.
L’employeur doit être informé de la prolongation et de ses motifs avant l’expiration du délai initial prévu au paragraphe
1.
4. Les États membres peuvent ne pas appliquer le présent article aux licenciements collectifs intervenant à la suite d’une
cessation des activités de l’établissement qui résulte d’une décision de justice.»
B –
La réglementation nationale
7.
La directive a été transposée dans l’ordre juridique portugais par le décret‑loi n° 64-A/89, du 27 février 1989, relatif au
régime juridique de la cessation du contrat individuel de travail et de la conclusion et
expiration du contrat de travail à terme (ci-après la «LCCT»), tel que modifié par la loi n° 32/99, du 18 mai 1999.
8.
Le droit portugais connaît deux formes de licenciement collectif: a) «le licenciement collectif» au sens strict (section I,
articles 16 et suivants de la LCCT) et b) «la cessation du contrat de travail pour suppression d’emploi pour des raisons
d’ordre économique ou commercial, technologique ou conjoncturel
(3)
, dans les cas différents du licenciement collectif» (section II, articles 26 et suivants de la LCCT).
9.
Le licenciement collectif au sens strict est défini par l’article 16 de la LCCT comme:
«la cessation de contrats de travail individuels, à l’initiative de l’employeur, affectant simultanément ou successivement,
sur une période de trois mois, de 2 ou 5 employés, selon qu’il s’agit d’une entreprise de 2 à 50 employés ou de plus de 50
employés, pour autant que cette cessation soit fondée sur la fermeture définitive de l’entreprise, d’un ou plusieurs départements
ou sur une compression d’effectifs
pour des raisons de nature structurelle, technologique ou conjoncturelle» 4 –C'est nous qui soulignons..
10.
On a en revanche une suppression d’emploi pour des raisons d’ordre structurel, technologique ou conjoncturel, au sens de la
section II, lorsque les conditions figurant à l’article 16 de la LCCT ne sont pas réunies, c’est-à-dire lorsque le nombre
des travailleurs licenciés est inférieur au minimum nécessaire pour le licenciement collectif.
11.
Pour ce qui nous intéresse ici, il faut ensuite rappeler l’article 3 de la LCCT qui, après avoir énoncé l’interdiction de
licenciements sans juste cause, énumère les causes de cessation du contrat de travail. Parmi celles-ci figure
l’expiration
(5)
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