Metronome Musik GmbH v Music Point Hokamp GmbH.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1998:18
Date22 January 1998
Celex Number61996CC0200
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-200/96
EUR-Lex - 61996C0200 - FR 61996C0200

Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 22 janvier 1998. - Metronome Musik GmbH contre Music Point Hokamp GmbH. - Demande de décision préjudicielle: Landgericht Köln - Allemagne. - Droit d'auteur et droits voisins - Droit de location et de prêt - Validité de la directive 92/100/CEE. - Affaire C-200/96.

Recueil de jurisprudence 1998 page I-01953


Conclusions de l'avocat général

1 Par ordonnance du 18 avril 1996, le Landgericht Köln demande à la Cour de se prononcer sur la validité de certaines dispositions contenues dans la directive 92/100/CEE du Conseil, du 19 novembre 1992, relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d'auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle (ci-après la «directive»).

Le juge national demande plus précisément si l'attribution d'un droit exclusif d'autoriser ou d'interdire la location des oeuvres protégées, visé aux articles 1er et 2 de la directive, est compatible avec les droits fondamentaux garantis par l'ordre juridique communautaire, et notamment avec le droit au libre exercice d'une activité économique.

Le contexte normatif

2 La directive, ainsi que les autres directives en la matière ayant pour objet le rapprochement des législations (1), a été adoptée par le Conseil à la suite de la publication de la communication de la Commission (livre vert) «Le droit d'auteur et le défi technologique - Problèmes de droits d'auteur appelant une action immédiate » (2). Ces directives ont pour objectif de contribuer à l'harmonisation des réglementations internes en matière de droit d'auteur et de droits voisins, tout en assurant une protection des droits qui soit appropriée au nouveau contexte technologique. La directive a pour base juridique les articles 57, 66 et 100 A du traité CE.

3 Revêtent de l'importance, aux fins de la présente procédure, certaines dispositions contenues dans le chapitre I de la directive, consacré à la réglementation du droit de location et du droit de prêt (3). La disposition de caractère général, figurant à l'article 1er, paragraphe 1, est consacrée à l'objet de l'harmonisation. Elle dispose que les États membres reconnaissent «le droit d'autoriser ou d'interdire la location et le prêt d'originaux et de copies d'oeuvres protégées par le droit d'auteur ainsi que d'autres objets mentionnés à l'article 2, paragraphe 1». Cette dernière disposition identifie les personnes auxquelles est attribué un droit de location exclusif: l'auteur, en ce qui concerne l'original et les copies de son oeuvre; l'artiste interprète ou exécutant, en ce qui concerne les fixations de son exécution; le producteur de phonogrammes, en ce qui concerne ses phonogrammes; le producteur de la première fixation d'un film, en ce qui concerne l'original et les copies d'un film. L'article 2, paragraphe 4, précise en outre que les droits en question peuvent être transférés, cédés ou donnés en licence contractuelle.

L'article 1er définit, aux paragraphes 2 et 3, les droits attribués par le chapitre I de la directive. Il dispose que l'«on entend par `location' d'objets leur mise à disposition pour l'usage, pour un temps limité et pour un avantage économique ou commercial direct ou indirect», tandis que l'«on entend par `prêt' d'objets leur mise à disposition pour l'usage, pour un temps limité et non pour un avantage économique ou commercial direct ou indirect, lorsqu'elle est effectuée par des établissements accessibles au public». La procédure pendante devant la juridiction nationale concerne exclusivement la réglementation du droit de location. Le même article 1er, paragrpahe 4, exclut expressément que l'exercice du droit de vente ou de distribution des oeuvres protégées, sous quelque forme que ce soit, ait pour conséquence l'épuisement du droit de location et de prêt (4). La directive confère ainsi une autonomie totale au droit de location, dans la mesure où il constitue une forme d'exploitation différente de la distribution de l'original ou des copies de l'oeuvre protégée.

4 Le chapitre II de la directive, nous le rappelons, a pour objet l'harmonisation des dispositions nationales portant sur certains droits voisins du droit d'auteur, notamment le droit de fixation (article 6), le droit de reproduction (article 7), le droit de radiodiffusion et de communication au public (article 8) et le droit de distribution (article 9). Les producteurs de phonogrammes jouissent du droit exclusif d'autoriser ou d'interdire la reproduction et la distribution de leurs réalisations, ainsi que du droit à une rémunération équitable en cas de radiodiffusion par la voie des ondes, et de toute communication au public du phonogramme ou d'une copie de ce dernier.

L'article 13, figurant dans le chapitre IV intitulé «Dispositions communes», a pour objet l'applicabilité dans le temps de l'ensemble des dispositions protectrices contenues dans la directive. Il convient de tenir compte, aux fins de la présente instance, du paragraphe 3 de cet article, qui contient une disposition de nature transitoire destinée à faciliter l'application du régime organisé par la réglementation, dans les États où le droit exclusif de location n'était pas encore attribué aux auteurs et aux titulaires des droits voisins (5). Enfin, rappelons qu'aux termes de l'article 15, les États membres étaient tenus d'adopter les mesures d'exécution de la directive avant le 1er juillet 1994.

5 La directive a été transposée en droit allemand par une loi du 23 juin 1995, portant modification de l'Urheberrechtsgesetz (loi générale relative au droit d'auteur et aux droits voisins) du 9 septembre 1965 (ci-après l'«UrhG»).

Avant l'entrée en vigueur de la loi de transposition, la location d'oeuvres protégées par le droit d'auteur n'était autorisée en droit allemand qu'à la condition que le support matériel des oeuvres protégées ait été mis en circulation avec le consentement des titulaires du droit de diffusion (article 17, paragraphe 2, de l'UrhG, ancienne version); au nombre de ces derniers, conformément à l'article 85 de l'UrhG, figure le producteur en ce qui concerne ses phonogrammes. L'article 27 de la loi imposait aux loueurs le versement d'une rémunération équitable en faveur des titulaires de droit de diffusion, et donc également en faveur du producteur.

6 L'article 17, paragraphe 2, de l'UrhG a ainsi été modifié à la suite de l'entrée en vigueur de la loi du 23 juin 1995. Dans la nouvelle version, cette disposition exclut expressément que la location puisse être considérée comme une nouvelle diffusion, autorisée, de l'original ou des copies d'une oeuvre protégée mise en circulation de façon légitime sur le territoire de l'un des États membres de la Communauté. La location d'oeuvres protégées nécessite donc le consentement des titulaires du droit, c'est-à-dire des auteurs, des artistes interprètes et exécutants et des producteurs des phonogrammes. Conformément à l'article 4 de la directive, lorsque le droit de location attribué aux auteurs a été cédé aux producteurs de phonogrammes, la nouvelle version de l'article 27 reconnaît aux premiers un droit à une rémunération équitable auquel il ne peut être renoncé. L'obligation de verser ladite rémunération incombe à la personne qui exerce l'activité de location.

Les faits et la question préjudicielle

7 La société de droit allemand Metronome Musik (ci-après «Metronome»), qui a produit le disque compact «Planet Punk», et qui est donc titulaire des droits voisins du droit d'auteur correspondants reconnus par la loi allemande, a demandé au Landgericht Köln une mesure d'urgence à l'encontre de Music Point Hokamp GmbH (ci-après «Music Point»). Metronome se plaignait de ce que Music Point offrait en location, dans son établissement commercial, des exemplaires du disque compact susmentionné en violation du droit exclusif de location reconnu par l'article 17, paragraphe 2, de l'UrhG. Par ordonnance du 4 décembre 1995, le Landgericht a accueilli la demande de mesure d'urgence et a donc interdit à Music Point de continuer d'offrir en location le produit en question. Cette ordonnance a fait l'objet d'une opposition. Music Point a contesté le fondement constitutionnel et communautaire de la réglementation qui attribue aux producteurs d'enregistrements phonographiques le droit exclusif d'autoriser ou d'interdire la location d'oeuvres protégées.

8 Le juge national a estimé que les arguments avancés par la partie ayant formé opposition n'étaient pas infondés. Ne pouvant écarter certains doutes quant à la compatibilité de la directive avec le principe général, reconnu par le droit communautaire, du libre exercice d'une activité économique, il a posé à la Cour la question préjudicielle suivante:

«L'introduction d'un droit de location exclusif, en violation du principe de l'épuisement des droits de distribution, par l'article 1er, paragraphe 1, de la directive 92/100/CEE du Conseil, du 19 novembre 1992, relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d'auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle, est-elle compatible avec le droit communautaire, et plus particulièrement avec les droits fondamentaux qui le sous-tendent?»

Observations préliminaires

9 Eu égard à la formulation imprécise de la question, nous estimons qu'il convient tout d'abord de procéder à sa délimitation, de manière à bien identifier ce qui fonde la validité de la directive qui fait l'objet de la présente procédure.

10 Il faut observer en premier lieu que le juge a quo ne met pas en cause le droit de prêt, également attribué au producteur de phonogrammes par les articles 1er et 2 de la directive. Au demeurant, une contradiction avec le principe du libre exercice d'une activité économique n'apparaît pas envisageable en l'espèce, sachant que le droit de prêt est par définition exercé par des institutions accessibles au public (par exemple, des...

To continue reading

Request your trial
1 practice notes
  • Metronome Musik GmbH contra Music Point Hokamp GmbH.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 28 April 1998
    ...Köln - Allemagne. - Droit d'auteur et droits voisins - Droit de location et de prêt - Validité de la directive 92/100/CEE. - Affaire C-200/96. Recueil de jurisprudence 1998 page I-01953 Sommaire Parties Motifs de l'arrêt Décisions sur les dépenses Dispositif Mots clés 1 Rapprochement des lé......
1 cases
  • Metronome Musik GmbH contra Music Point Hokamp GmbH.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 28 April 1998
    ...Köln - Allemagne. - Droit d'auteur et droits voisins - Droit de location et de prêt - Validité de la directive 92/100/CEE. - Affaire C-200/96. Recueil de jurisprudence 1998 page I-01953 Sommaire Parties Motifs de l'arrêt Décisions sur les dépenses Dispositif Mots clés 1 Rapprochement des lé......

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT