Joao Filipe da Silva Martins v Bank Betriebskrankenkasse - Pflegekasse.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2011:13
Date13 January 2011
Celex Number62009CC0388
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-388/09

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES Bot

présentées le 13 janvier 2011 (1)

Affaire C‑388/09

Joao Filipe da Silva Martins

contre

Bank Betriebskrankenkasse – Pflegekasse

[demande de décision préjudicielle formée par le Bundessozialgericht (Allemagne)]

«Sécurité sociale – Règlement (CEE) n° 1408/71 – Prestations de maladie – Ancien travailleur migrant ayant acquis un droit, dans l’État d’emploi, à une allocation couvrant le risque de dépendance au titre d’une affiliation obligatoire – Retour dans l’État d’origine – Absence de couverture du risque de dépendance dans l’État d’origine – Possibilité de maintenir, à titre facultatif, l’affiliation au régime de l’assurance dépendance dans l’ancien État d’emploi et d’obtenir le versement de l’allocation de dépendance dans l’État d’origine»





1. La présente demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 9, paragraphe 1, 15 et 28, paragraphe 1, sous b), du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté (2).

2. Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. da Silva Martins, de nationalité portugaise, à la Bank Betriebskrankenkasse – Pflegekasse (caisse de maladie – caisse de dépendance, ci-après la «BBKK») au sujet du refus de cette dernière de maintenir l’affiliation de celui-ci à l’assurance dépendance allemande au titre de l’assurance facultative continuée et de lui verser, à compter de son retour définitif au Portugal, l’allocation de dépendance correspondante.

3. Ladite demande invite la Cour à se prononcer sur la question du maintien d’une telle affiliation alors que l’intéressé est désormais affilié à titre obligatoire au régime de sécurité sociale portugais mais ne bénéficie pas, au titre de cette affiliation, d’une couverture du risque de dépendance au Portugal. Elle invite également la Cour à se prononcer une nouvelle fois sur la question de l’exportabilité d’une telle allocation de dépendance dans un État membre autre que l’État d’affiliation.

4. Dans les présentes conclusions, nous indiquerons que, au vu des principes fixés aux articles 9, paragraphe 1, et 15, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71, M. da Silva Martins peut, à notre sens, maintenir son affiliation facultative continuée à l’assurance dépendance allemande même si, au cours de la même période, il est également affilié à titre obligatoire au régime de sécurité sociale portugais, dès lors qu’il n’existe pas, dans ce dernier régime, de couverture du risque de dépendance. En outre, au vu de l’arrêt du 5 mars 1998, Molenaar (3), et de l’article 28, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1408/71, nous considérerons que M. da Silva Martins doit pouvoir continuer à percevoir, au titre de l’assurance facultative continuée au régime de l’assurance dépendance allemande, l’allocation de dépendance pour laquelle il a régulièrement cotisé depuis le 1er janvier 1995.

I – Le cadre juridique de l’Union

A – La prise en charge de la dépendance des personnes âgées

5. Les progrès sanitaires et sociaux ainsi que l’augmentation générale de l’espérance de vie ont pour conséquence qu’un nombre de plus en plus important de personnes âgées perdent peu à peu leur autonomie et se trouvent dans une situation de dépendance à l’égard d’autrui pour accomplir les gestes essentiels de leur vie quotidienne (se lever, marcher, s’habiller, faire leur toilette, se nourrir ou bien encore se soigner). Jusqu’à présent, la prise en charge de la dépendance était généralement assurée de façon informelle par les membres de la famille.

6. Le règlement n° 1408/71 ne contient pas de règles spécifiques applicables à la coordination des prestations couvrant le risque de dépendance. En effet, en 1971, la prise en charge des personnes en situation de dépendance n’était pas en débat et, à notre connaissance, aucun des régimes de sécurité sociale des États membres n’assurait la couverture de ce risque. La procédure de modification de ce règlement requérant l’unanimité au sein du Conseil de l’Union européenne, celui-ci n’a pas expressément tenu compte de l’introduction, dans certains États membres, de ces nouvelles formes de prestations sociales, qui ne correspondent pas aux branches classiques de la sécurité sociale figurant dans ledit règlement. Face à cette lacune, le Parlement européen a craint que, dans la pratique, ces prestations ne soient pas exportables dans l’État de résidence du travailleur (4). De la même façon, la Commission européenne, dans sa communication du 12 mars 1997 intitulée «Moderniser et améliorer la protection sociale dans l’Union européenne» (5), a signalé que le système de coordination prévu par le règlement n° 1408/71 risquait «d’être bientôt dépassé et de perdre contact avec un certain nombre d’évolutions», remarquant que les nouveaux types de prestations, telles que celles destinées à la population âgée dépendante, ne pouvaient pas s’inscrire aisément dans les concepts juridiques de ce règlement, lequel repose sur les branches classiques de la sécurité sociale (6).

7. Saisie de plusieurs questions préjudicielles portant sur l’exportabilité de l’allocation de dépendance allemande dans l’affaire Molenaar et de l’allocation de soins autrichienne dans l’affaire Jauch (7), la Cour a étendu le champ d’application matériel du règlement n° 1408/71 aux prestations couvrant le risque de dépendance, en les qualifiant de prestations de maladie au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de ce règlement. Selon la Cour, de telles prestations «ont essentiellement pour objet de compléter les prestations de l’assurance maladie, à laquelle elles sont d’ailleurs liées sur le plan de l’organisation, afin d’améliorer l’état de santé et la vie des personnes dépendantes» (8).

8. Il faut attendre l’entrée en vigueur, le 1er mai 2010, du règlement (CE) n° 883/2004 (9) pour que cette question fasse enfin l’objet d’une règle spécifique, reflétant non seulement la jurisprudence de la Cour, mais également toute la particularité de la prise en charge du risque de dépendance. Néanmoins, ce règlement n’est pas applicable à la présente affaire et la question qui nous est soumise par le juge de renvoi doit donc être examinée au regard des seules dispositions du règlement n° 1408/71.

B – Les dispositions pertinentes du règlement n° 1408/71

9. Le règlement n° 1408/71 a été pris en application de l’article 42 CE, aux termes duquel le Conseil «adopte, dans le domaine de la sécurité sociale, les mesures nécessaires pour l’établissement de la libre circulation des travailleurs, en instituant notamment un système permettant d’assurer aux travailleurs migrants […] le paiement des prestations aux personnes résidant sur les territoires des États membres».

10. Ainsi que l’énoncent les deuxième et quatrième considérants du règlement n° 1408/71, l’objectif de celui-ci est d’assurer la libre circulation des travailleurs salariés et non salariés dans l’Union européenne, tout en respectant les caractéristiques propres aux législations nationales de sécurité sociale. À cet effet, ainsi qu’il résulte des cinquième, sixième et dixième considérants dudit règlement, celui-ci retient pour principe l’égalité de traitement des travailleurs au regard des différentes législations nationales et vise à garantir au mieux l’égalité de traitement de tous les travailleurs occupés sur le territoire d’un État membre ainsi qu’à ne pas pénaliser les travailleurs qui exercent leur droit à la libre circulation. Afin d’éviter les cumuls des législations nationales applicables et les complications qui peuvent en résulter, le huitième considérant du règlement n° 1408/71 précise que les dispositions de ce règlement tendent à ce que les intéressés soient, en principe, soumis au régime de la sécurité sociale d’un seul État membre.

11. Les dispositions générales de ce règlement sont insérées dans le titre I, aux articles 1er à 12.

12. Conformément à l’article 2, paragraphe 1, dudit règlement, celui-ci s’applique «aux travailleurs salariés ou non salariés et aux étudiants qui sont ou ont été soumis à la législation de l’un ou de plusieurs États membres et qui sont des ressortissants d’un des États membres». En l’occurrence, il n’est pas contesté que M. da Silva Martins relève du champ d’application personnel du règlement n° 1408/71, la Cour ayant itérativement jugé que la notion de «travailleur», au sens de l’article 2, paragraphe 1, de ce règlement, vise également des travailleurs à la retraite (10).

13. En vertu de l’article 4, paragraphe 1, sous a), dudit règlement, celui-ci s’applique à toutes les législations relatives aux branches de sécurité sociale qui concernent les prestations de maladie et de maternité. En l’occurrence, il n’est pas non plus contesté que les prestations fournies dans le cadre du régime allemand d’assurance dépendance constituent des «prestations de maladie» au sens de ladite disposition et, plus particulièrement, des «prestations en espèces» de l’assurance maladie visées, entre autres, à l’article 28, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1408/71 (11).

14. En ce qui concerne l’admission à l’assurance volontaire ou facultative continuée, l’article 9, paragraphe 1, de ce règlement est rédigé comme suit:

«Les dispositions de la législation d’un État membre qui subordonnent l’admission à l’assurance volontaire ou facultative continuée à la résidence sur le territoire de cet État ne sont pas opposables aux personnes qui résident sur le territoire d’un autre État membre, pourvu qu’elles aient été soumises, à un moment quelconque de leur carrière passée, à la législation du premier État, en qualité de travailleurs salariés ou non salariés.»

15. L’article 12 dudit règlement interdit que soit conféré ou maintenu le droit de bénéficier de plusieurs prestations de même nature...

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