Criminal proceedings against Dennis Mac Quen, Derek Pouton, Carla Godts, Youssef Antoun and Grandvision Belgium SA, being civilly liable, intervener: Union professionnelle belge des médecins spécialistes en ophtalmologie et chirurgie oculaire.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2000:131
Date16 March 2000
Celex Number61996CC0108
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-108/96
EUR-Lex - 61996C0108 - FR 61996C0108

Conclusions de l'avocat général Mischo présentées le 16 mars 2000. - Procédure pénale contre Dennis Mac Quen, Derek Pouton, Carla Godts, Youssef Antoun et Grandvision Belgium SA, civilement responsable, en présence de l' Union professionnelle belge des médecins spécialistes en ophtalmologie et chirurgie oculaire. - Demande de décision préjudicielle: Tribunal de première instance de Bruxelles - Belgique. - Interprétation des articles 5 du traité CE (devenu article 10 CE) ainsi que 30, 52 et 59 du traité CE (devenus, après modification, articles 28 CE, 43 CE et 49 CE) - Législation nationale interdisant aux opticiens de procéder à certains examens optiques - Législation nationale restreignant la commercialisation d'appareils permettant de procéder à certains examens optiques qui sont réservés aux seuls ophtalmologues. - Affaire C-108/96.

Recueil de jurisprudence 2001 page I-00837


Conclusions de l'avocat général

I - Les faits et la réglementation nationale applicable

1. La société Grandvision Belgium SA (ci-après «Grandvision») est une société anonyme de droit belge, ayant son siège social à Bruxelles, fondée en 1990 sous la dénomination de Vision Express Belgium par la société néerlandaise VE Holdings BV. Contrôlée en fait par la société de droit anglais Vision Express UK Ltd, elle fait partie d'un groupe de sociétés qui commercialise des produits et des services dans le domaine de l'optique.

2. En 1991, l'union professionnelle belge des médecins spécialisés en ophtalmologie et chirurgie oculaire (ci-après l'«UPBMO») a porté plainte avec constitution de partie civile, notamment du chef d'exercice illégal de l'art de guérir, à l'encontre de Grandvision. Celle-ci avait diffusé des prospectus publicitaires par lesquels elle proposait à sa clientèle des examens de la vue permettant, entre autres, de dépister une éventuelle hypertension intraoculaire (tonométrie informatisée), de constater l'état de la rétine (rétinoscopie), d'estimer le champ visuel ou encore de déterminer l'état de la cornée, de la conjonctive, des paupières et des larmes (biomicroscopie), à l'instar de la société Vision Express UK Ltd, qui procède en toute légalité à ce genre d'examens.

3. Au terme d'une instruction pénale, M. MacQuen, de nationalité américaine, et M. Pouton, de nationalité britannique, qui, successivement, ont assumé les fonctions d'administrateur délégué de Grandvision, ainsi que M. Antoun, un opticien de nationalité britannique, et Mme Godts, une secrétaire de nationalité belge, ont été renvoyés, conjointement avec la société Grandvision elle-même, prise en sa qualité de civilement responsable, devant le Tribunal de première instance de Bruxelles siégeant en matière correctionnelle.

4. Les dispositions nationales applicables ressortent, d'une part, de l'arrêté royal du 30 octobre 1964, tel que modifié par la suite, relatif à la profession d'opticien et, d'autre part, de l'arrêté royal n° 78, du 10 novembre 1967, relatif à l'exercice de l'art de guérir .

5. Aux termes de l'article 2, paragraphe 1, de l'arrêté royal du 30 octobre 1964:

«La profession d'opticien ... consiste à exercer de manière habituelle et indépendante une ou plusieurs des activités suivantes:

a) la proposition au choix du public, la vente, l'entretien et la réparation d'articles d'optiques destinés à la correction et/ou la compensation de la vision,

a bis) l'essai, l'adaptation, la vente et l'entretien des yeux artificiels,

b) l'exécution des prescriptions délivrées par les médecins-oculistes en vue de la correction de la vision.»

6. Par arrêt du 28 juin 1989 , la Cour de cassation belge a jugé qu'il y a lieu d'interpréter cette disposition en tenant compte des dispositions de l'arrêté royal n° 78 relatif à l'exercice de l'art de guérir.

7. Celui-ci dispose en son article 2, paragraphe 1, premier alinéa, que «nul ne peut exercer l'art médical s'il n'est porteur du diplôme légal de docteur en médecine, chirurgie et accouchements obtenu conformément à la législation sur la collation des grades académiques et le programme des examens universitaires ou s'il n'en est légalement dispensé et s'il ne réunit pas, en outre, les conditions imposées par l'article 7, paragraphe 1 ou paragraphe 2».

8. Il est précisé, au deuxième alinéa, que «constitue l'exercice illégal de l'art médical l'accomplissement habituel par une personne ne réunissant pas l'ensemble des conditions requises par l'alinéa 1er du présent paragraphe de tout acte ayant pour objet ou présenté comme ayant pour objet à l'égard d'un être humain, soit l'examen de l'état de santé, soit le dépistage de maladies et déficiences, soit l'établissement du diagnostic, l'instauration ou l'exécution du traitement d'un état pathologique, physique ou psychique, réel ou supposé, soit la vaccination».

9. Selon la Cour de cassation, il «s'ensuit que, s'il est permis aux opticiens non médecins d'accomplir des actes tendant à la correction des défectuosités purement optiques de la vision, qu'ils fassent ou non usage à cet effet d'appareils ou d'instruments, il leur est toutefois interdit d'examiner l'état de la vision de leurs clients autrement qu'en recourant à une méthode selon laquelle seul le patient détermine les défectuosités optiques dont il souffre, notamment à partir d'échelles typographiques éventuellement incorporées dans un instrument de contrôle et dont le patient assure lui-même la correction en choisissant, sur leur proposition, les verres qui lui donnent satisfaction, l'opticien ayant l'obligation de conseiller à son client de consulter un médecin oculiste si les indications ainsi obtenues laissent paraître un doute sur le caractère de la défectuosité constatée».

10. Le Tribunal de première instance de Bruxelles a éprouvé des doutes quant à la compatibilité de la législation belge ainsi interprétée avec les libertés reconnues par le droit communautaire en matière d'établissement, de prestation de services et de circulation des marchandises, et a décidé de surseoir à statuer afin de vous soumettre les questions préjudicielles suivantes au regard des articles 5 du traité CE (devenu article 10 CE), 30, 52 et 59 du traité CE (devenus, après modification, articles 28 CE, 43 CE et 49 CE):

«1) Une interdiction, résultant de l'interprétation ou de l'application d'une disposition de droit national, faite aux opticiens dans d'autres États membres d'offrir, à l'intérieur d'un État membre, dans le cadre de la correction de défectuosités purement optiques de la vision, des services consistant en un examen objectif de la vision, c'est-à-dire autrement qu'en recourant à une méthode selon laquelle seul le client détermine les défectuosités optiques dont il souffre et assure seul la correction à apporter, est-elle compatible avec les articles 5, 52 et 59 du traité CE?

2) Les obstacles à la commercialisation, à l'intérieur d'un État membre, des appareils permettant un examen objectif de la vision en vue de la correction de défectuosités purement optiques de la vision, tel par exemple un autoréfracteur, résultant de l'interdiction faite par la législation nationale aux opticiens établis dans d'autres États membres d'offrir, à l'intérieur de cet État membre, des services consistant en un examen objectif de la vision, c'est-à-dire autre que subjectif, et ce dans le cadre de la correction de défectuosités pourtant purement optiques de la vision, est-elle compatible avec l'article 30 du traité CE

II - La première question préjudicielle

1. Remarques liminaires

11. L'UPBMO soutient que le litige au principal concerne une situation purement interne qui, en l'absence de tout élément de rattachement au droit communautaire, ne tombe pas dans le champ d'application de celui-ci.

12. Il est bien établi que le droit communautaire en général, et les dispositions sur les libertés fondamentales en particulier, ne s'applique pas aux activités dont tous les éléments pertinents se cantonnent à l'intérieur d'un seul État membre .

13. En l'espèce, il résulte cependant des faits constatés par le juge de renvoi et rappelés aux points 1 et 3 ci-dessus que le litige dont celui-ci est saisi comporte des éléments transfrontaliers suffisants. La Cour est donc compétente pour statuer sur les deux questions préjudicielles.

14. Cette question préliminaire résolue, il nous faut déterminer quelles dispositions du droit communautaire trouvent à s'appliquer en l'espèce.

15. L'article 5 du traité ne saurait entrer en ligne de compte, car...

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