Telefónica O2 Czech Republic a.s. v Czech On Line a.s.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2007:118
Date27 February 2007
Celex Number62006CC0064
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-64/06

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. DÁMASO Ruiz-Jarabo Colomer

présentées le 27 février 2007 (1)

Affaire C‑64/06

Telefónica 02 Czech Republic as, anciennement Český Telecom as

contre

Czech On Line as

[demande de décision préjudicielle formée par l’Obvodní soud pro Prahu 3 (République tchèque)]

«Communications électroniques – Réseaux et services – Cadre réglementaire commun – Entreprise dominante – Obligation d’interconnexion avec d’autres opérateurs – Analyse préalable du marché – Absence d’effet direct de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2002/19/CE et de l’article 16, lu en combinaison avec les articles 6 et 7, de la directive 2002/21/CE»





I – Introduction

1. Conformément à l’article 234 CE, l’Obvodní soud pro Prahu 3 (République tchèque) saisit la Cour d’une série de questions dont l’articulation est complexe, mais qui masquent un problème juridique beaucoup plus simple.

2. En réalité, la juridiction de renvoi cherche à savoir si, après l’adhésion de la République tchèque aux Communautés européennes (le 1er mai 2004) et à l’issue d’une procédure administrative engagée avant cette date, on peut obliger une entreprise dominante dans le secteur des télécommunications à interconnecter son réseau et celui d’une autre société sans avoir effectué l’analyse du marché qu’exigent la directive 2002/21/CE, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive‑cadre), et la directive 2002/19/CE, relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu’à leur interconnexion (directive accès) (2). C’est cet aspect qu’évoquent les trois premières questions préjudicielles.

3. Comme la réglementation nationale ne prévoit pas une telle analyse et que la demanderesse au principal invoque les directives précitées pour s’opposer à l’obligation en cause, la juridiction de renvoi interroge la Cour sur leur éventuel effet direct dans la quatrième question.

II – Le cadre juridique

A – Les télécommunications en droit communautaire

1. Une vision d’ensemble

4. Dans les conclusions présentées le 27 octobre 2005 dans l’affaire Nuova società di telecomunicazioni (points 3 et suivants) (3), j’ai souligné l’effort entrepris par la Communauté européenne à l’aube de la dernière décennie du siècle passé pour libéraliser la fourniture de communications électroniques, en s’engageant à cet effet dans une double voie: la flexibilisation des marchés et le rapprochement des réglementations nationales.

5. C’est ainsi qu’a commencé la libéralisation des télécommunications, qui s’est concrétisée le 1er janvier 1998, tout en étant assortie de périodes de transition pour certains États membres (4). La dimension communautaire naissante de ce secteur exigeait que les conditions d’accès et d’utilisation des infrastructures soient harmonisées et que l’interconnexion entre les réseaux publics et leurs fournisseurs soit garantie.

6. C’est dans ce but qu’a été adoptée, entre autres (5), la directive 97/33/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 juin 1997, relative à l’interconnexion dans le secteur des télécommunications en vue d’assurer un service universel et l’interopérabilité par l’application des principes de fourniture d’un réseau ouvert (6).

7. Dès lors que les conditions d’une concurrence effective avaient été créées, il fallait adopter un nouveau corpus réglementaire. Le 7 mars 2002, le Parlement européen et le Conseil ont adopté quatre textes, à commencer par la directive‑cadre et la directive accès (7).

2. L’obligation d’interconnexion (8)

8. La directive 97/33 reconnaissait aux organismes autorisés à fournir des réseaux publics de télécommunications ou des services de télécommunications le droit, en même temps qu’elle leur imposait l’obligation, de négocier leur interconnexion, de façon à garantir la fourniture de ces réseaux et services dans l’ensemble de la Communauté (article 4, paragraphe 1). Les organismes puissants sur le marché étaient tenus de répondre à toutes les demandes raisonnables de connexion (article 4, paragraphe 2).

9. On retrouve des dispositions similaires dans la directive accès de 2002 (articles 4, paragraphe 1, et 5, paragraphes 1 et 4), qui prévoit elle aussi des obligations précises à la charge des opérateurs disposant d’une puissance significative sur le marché (article 8 lu en combinaison avec l’article 12).

3. La notion d’opérateur disposant d’une «puissance significative sur le marché» et ses conséquences

10. Aux termes de la directive 97/33, était réputé puissant sur le marché l’organisme qui détenait une part supérieure à 25 % du marché en cause, sauf si, en raison de sa capacité d’avoir une influence sur ce marché, de son chiffre d’affaires, du contrôle qu’il exerce sur les moyens d’accès à l’utilisateur final, de ses ressources financières et de son expérience, il avait mérité ce qualificatif sans atteindre ce taux ou, à l’inverse, n’en remplissait pas les conditions bien qu’il ait dépassé ce même taux (article 4, paragraphe 3).

11. La directive accès renvoie à la directive‑cadre pour conférer la qualité d’opérateur disposant d’une puissance significative sur le marché aux entreprises qui, individuellement ou collectivement, se trouvent dans une position équivalante à une position dominante, c’est-à-dire à des entreprises qui sont à même de se comporter, dans une mesure appréciable, de manière indépendante de leurs concurrents, de leurs clients, et, en fin de compte, des consommateurs (article 14, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive‑cadre).

12. En particulier, pour déterminer si deux ou plusieurs entreprises jouissent conjointement d’une telle position, les autorités réglementaires nationales se conforment au droit communautaire, en tenant le plus grand compte des «lignes directrices sur l’analyse du marché et l’évaluation de la puissance sur le marché» publiées par la Commission conformément à l’article 15 de la directive‑cadre (article 14, paragraphe 2, deuxième alinéa).

13. L’article 15 de la directive‑cadre, intitulé «Procédure de définition du marché», définit une méthode en vertu de laquelle la Commission, après consultation publique et consultation des autorités réglementaires nationales, adopte une recommandation, réexaminée périodiquement, qui recense les marchés – définis conformément aux principes du droit de la concurrence – de nature à justifier, en raison de leurs caractéristiques, l’imposition d’obligations spécifiques (paragraphe 1), et publie les lignes directrices susmentionnées (paragraphe 2). Les autorités réglementaires nationales définissent les marchés pertinents en tenant compte de la recommandation et des lignes directrices (paragraphe 3), tandis que la Commission, après avoir consulté lesdites autorités, agit de même en ce qui concerne les marchés transnationaux (paragraphe 4).

14. Aux termes de l’article 16 de la directive‑cadre, les autorités réglementaires nationales effectuent ensuite leur analyse des marchés pertinents en coopération avec les organismes chargés de la concurrence (paragraphe 1), en déterminant ceux qui sont effectivement concurrentiels (paragraphe 2), auquel cas elles s’abstiennent d’imposer des obligations réglementaires spécifiques ou suppriment celles qui ont déjà été mises en œuvre (paragraphe 3). Dans le cas contraire, elles recensent les entreprises puissantes sur le marché en cause et agissent en conséquence (paragraphe 4). L’analyse des marchés transnationaux est effectuée conjointement par les autorités réglementaires des États membres concernés, qui se prononcent de manière concertée sur ces obligations (paragraphe 5).

15. Tant la définition que l’analyse des marchés sont effectuées selon les modalités procédurales énoncées dans les articles 6 et 7 de la directive‑cadre (articles 15, paragraphe 3, et 16, paragraphe 6).

4. La transition de la directive 97/33 aux directives de 2002

16. La directive accès vise à reprendre les obligations édictées dans la réglementation antérieure, sans préjudice de leur réexamen immédiat (douzième considérant et article 7, paragraphe 1); à cet effet, la Commission indique les marchés concernés dans la recommandation initiale et dans la décision relative aux marchés transnationaux (article 7, paragraphe 2). Dans le même but, les administrations nationales agissent de manière similaire (article 7, paragraphe 3).

17. La directive‑cadre est imprégnée du même esprit: son article 27, paragraphe 1, impose aux États membres de maintenir les obligations prévues à l’article 7 de la directive accès – en se référant aux obligations en matière d’accès et d’interconnexion qui incombent aux fournisseurs en vertu de l’article 4 de la directive 97/33 – jusqu’à ce qu’une autorité réglementaire nationale se prononce quant à ces obligations conformément à l’article 16 de la directive‑cadre.

B – Les télécommunications en République tchèque

18. La loi n° 151/2000 relative aux télécommunications (Zákon o telekomunikacích), qui a régi ce secteur en République tchèque entre le 1er juillet 2000 et le 30 avril 2005, a transposé la directive 97/33, en particulier dans son article 37, paragraphe 1, lequel, à l’instar de l’article 4, paragraphe 2, de ladite directive, obligeait les opérateurs dominants à répondre aux demandes d’interconnexion. À défaut d’accord entre les opérateurs concernés, l’article 40, paragraphe 5, de la loi habilitait le Český telekomunikační úřad (autorité tchèque de régulation des télécommunications), l’autorité...

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