PepsiCo, Inc. v Grupo Promer Mon Graphic SA.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2011:302
CourtCourt of Justice (European Union)
Date12 May 2011
Docket NumberC-281/10
Procedure TypeRecurso de casación - infundado
Celex Number62010CC0281

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO Mengozzi

présentées le 12 mai 2011 (1)

Affaire C‑281/10 P

PepsiCo Inc.

«Pourvoi – Dessins ou modèles communautaires – Étendue du contrôle juridictionnel sur les décisions de l’OHMI en matière de dessins ou modèles – Degré de liberté du créateur – Notion d’‘utilisateur averti’»






1. La présente affaire est la première dans laquelle la Cour est appelée à se prononcer sur le règlement (CE) n° 6/2002 (2) dans le cadre d’un pourvoi contre une décision rendue par le Tribunal de l’Union européenne (3). Au-delà de la solution concrète à apporter dans l’affaire en question, il s’agit de la première occasion dans laquelle pourront être clarifiés certains points déterminants pour définir les limites et les modalités du contrôle que les juges de l’Union peuvent exercer sur les décisions prises par l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) en matière de dessins et de modèles communautaires.

I – Le cadre juridique

2. Le règlement est le résultat d’un processus législatif long et accidenté, qu’il n’est pas nécessaire de résumer ici, dont on peut faire remonter le début à la fin des années 50 (4). L’article 3 du règlement définit le «dessin ou modèle» (5) comme «l’apparence d’un produit ou d’une partie de produit que lui confèrent, en particulier, les caractéristiques des lignes, des contours, des couleurs, de la forme, de la texture et/ou des matériaux du produit lui-même et/ou de son ornementation».

3. L’article 4 du règlement, intitulé «Conditions de protection», prévoit ce qui suit:

«1. La protection d’un dessin ou modèle par un dessin ou modèle communautaire n’est assurée que dans la mesure où il est nouveau et présente un caractère individuel.

[…]»

4. Les articles 5 et 6 du règlement définissent les deux critères indiqués à l’article 4 du règlement, à savoir respectivement celui de la nouveauté et celui du caractère individuel du dessin ou du modèle.

5. Ledit article 5, intitulé «Nouveauté», dispose:

«1. Un dessin ou modèle est considéré comme nouveau si aucun dessin ou modèle identique n’a été divulgué au public:

a) dans le cas d’un dessin ou modèle communautaire non enregistré, avant la date à laquelle le dessin ou modèle pour lequel la protection est revendiquée a été divulgué au public pour la première fois;

b) dans le cas d’un dessin ou modèle communautaire enregistré, avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement du dessin ou modèle pour lequel la protection est demandée ou, si une priorité est revendiquée, la date de priorité.

2. Des dessins ou modèles sont considérés comme identiques lorsque leurs caractéristiques ne diffèrent que par des détails insignifiants.»

6. L’article 6 du règlement, intitulé «Caractère individuel», prévoit ce qui suit:

«1. Un dessin ou modèle est considéré comme présentant un caractère individuel si l’impression globale qu’il produit sur l’utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public:

a) dans le cas d’un dessin ou modèle communautaire non enregistré, avant la date à laquelle le dessin ou modèle pour lequel la protection est revendiquée a été divulgué au public la première fois;

b) dans le cas d’un dessin ou modèle communautaire enregistré, avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement ou, si une priorité est revendiquée, avant la date de priorité.

2. Pour apprécier le caractère individuel, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle.»

7. La notion d’«impression globale» produite par le dessin et celle de «degré de liberté» du créateur se retrouvent, outre dans l’article 6 du règlement, également dans l’article 10 suivant du règlement qui porte le titre «Étendue de la protection». Ce dernier énonce:

«1. La protection conférée par le dessin ou modèle communautaire s’étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l’utilisateur averti une impression visuelle globale différente.

2. Pour apprécier l’étendue de la protection, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle.»

8. L’article 25 du règlement, consacré aux «Motifs de nullité», prévoyait, dans la version applicable aux faits faisant l’objet du présent litige, ce qui suit:

«1. Un dessin ou modèle communautaire ne peut être déclaré nul que:

a) si le dessin ou modèle ne répond pas à la définition visée à l’article 3, point a);

b) s’il ne remplit pas les conditions fixées aux articles 4 à 9;

c) si, en vertu d’une décision de justice, le titulaire ne possède pas le droit au dessin ou modèle communautaire au sens de l’article 14;

d) si le dessin ou modèle communautaire est en conflit avec un dessin ou modèle antérieur qui a fait l’objet d’une divulgation au public après la date de dépôt de la demande d’enregistrement ou après la date de priorité du dessin ou modèle communautaire, si une priorité est revendiquée, et qui est protégé depuis une date antérieure par l’enregistrement d’un dessin ou modèle communautaire ou par une demande d’enregistrement d’un tel dessin ou modèle, ou par l’enregistrement d’un dessin ou modèle dans un État membre ou par une demande d’obtention du droit afférent;

[…]»

9. Le contrôle juridictionnel sur les décisions de l’OHMI en matière de dessins et de modèles est prévu à l’article 61 du règlement, qui est intitulé «Recours devant la Cour de justice» et qui prévoit ce qui suit:

«1. Les décisions des chambres de recours statuant sur un recours sont susceptibles d’un recours devant la Cour de justice.

2. Le recours est ouvert pour incompétence, violation des formes substantielles, violation du traité, du présent règlement ou de toute règle de droit relative à leur application, ou détournement de pouvoir.

3. La Cour de justice est compétente aussi bien pour annuler que pour réformer la décision attaquée.

[…]»

II – Les faits et la procédure devant l’OHMI

10. Le 17 juillet 2003, Grupo Promer Mon Graphic SA (ci-après «Promer») a présenté une demande à l’OHMI pour l’enregistrement d’un dessin ou modèle communautaire se rapportant à un produit décrit comme une «feuille métallique pour jeux» (6). Le dessin a été enregistré sous le n° 53186 – 01. La représentation graphique du dessin est la suivante:

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11. Dans la demande a été revendiquée la priorité du modèle espagnol n° 157098 pour lequel a été présentée une demande en date du 8 juillet 2003.

12. Le 9 septembre 2003, PepsiCo Inc. (ci-après «PepsiCo») a déposé auprès de l’OHMI une demande d’enregistrement d’un dessin sous le n° 74463 – 01, relatif à un produit identifié en tant qu’«article promotionnel pour jeux» («promotional item for games»). Dans ce cas également a été revendiqué la priorité d’un dessin espagnol, le n° 157156, pour lequel avait été déposé une demande le 23 juillet 2003. La représentation graphique du dessin est la suivante:

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13. Les deux dessins visent de petits jeux collectionnables par des enfants, souvent distribués en cadeau dans des emballages d’autres produits. Il s’agit de ce que l’on appelle des «pogs» (désignés généralement en espagnol sous le nom de tazos).

14. Le 4 février 2004, Promer a attaqué le dessin enregistré par PepsiCo devant la division d’annulation de l’OHMI, en invoquant un conflit avec son propre dessin antérieur au titre de l’article 25, paragraphe 1, sous d), du règlement. Ladite division d’annulation a accueilli la demande par une décision du 20 juin 2005, déclarant par conséquent nul le dessin enregistré par PepsiCo. Selon la division d’annulation, les deux dessins en conflit présentent en effet des similitudes de nature à produire la même impression globale chez l’utilisateur averti.

15. PepsiCo a attaqué avec succès la décision de la division d’annulation devant la chambre de recours. Celle-ci a notamment observé que, en appréciant l’impression globale fournie par les dessins en conflit, il faut, en application du règlement, tenir compte du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou du modèle. La division d’annulation avait estimé que dans le cas d’espèce, ce degré de liberté était très large, puisqu’elle avait considéré, en tant que cadre de référence, tout l’éventail des articles promotionnels possibles, qui sont bien entendu extrêmement nombreux. Selon la chambre de recours, au contraire, le cadre de référence à prendre en considération dans la présente affaire est celui plus restreint des «pogs» (ou «tazos»). En conséquence, puisque des éléments tels que la forme circulaire sont obligatoires pour de tels produits, dans la mesure où ils constituent une de leurs caractéristiques constantes, le degré de liberté réel du créateur est beaucoup plus restreint que celui pris en compte par la division d’annulation. Eu égard à ce qui précède, la chambre de recours a jugé que les différences pourtant limitées entre les deux dessins en conflit étaient suffisantes pour exclure qu’ils produisent, chez un utilisateur averti, la même impression globale. La chambre de recours a donc annulé la décision de la division d’annulation et affirmé la validité du dessin enregistré par PepsiCo.

III – L’arrêt attaqué

16. Promer a attaqué la décision de la chambre de recours devant le Tribunal qui s’est prononcé par l’arrêt du 18 mars 2010, Grupo Promer Mon Graphic/OHMI – PepsiCo (Représentation d’un support promotionnel circulaire) (T-9/07) (7) (ci-après «l’arrêt attaqué»).

17. Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a, en large partie, confirmé les appréciations juridiques de la chambre de recours. Il a notamment confirmé que la notion de «conflit» entre dessins, au sens de l’article 25 du règlement, implique qu’ils produisent la même impression globale chez l’utilisateur averti (8). Il a en outre confirmé que le cadre de référence pour déterminer le degré de liberté du créateur est constitué non pas par l’ensemble de tous les articles promotionnels, mais spécifiquement...

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