Kingdom of Sweden v Association de la presse internationale ASBL (API) and European Commission (C-514/07 P), Association de la presse internationale ASBL (API) v European Commission (C-528/07 P) and European Commission v Association de la presse internationale ASBL (API) (C-532/07 P).

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2009:592
CourtCourt of Justice (European Union)
Date01 October 2009
Docket NumberC-528/07,C-532/07,C-514/07
Procedure TypeRecurso de casación - inadmisible
Celex Number62007CC0514

CONCLUSIONS DE M. POIARES MADURO – AFFAIRES JOINTES C-514/07 P, C-528/07 P et C-532/07 P

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. M. Poiares Maduro

présentées le 1er octobre 2009 (1)

Affaires jointes

C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P

Royaume de Suède

contre

Association de la presse internationale ASBL (API) (C-514/07 P)

et

Association de la presse internationale ASBL (API)

contre

Commission des Communautés européennes (C-528/07 P)

et

Commission des Communautés européennes

contre

Association de la presse internationale ASBL (API) (C-532/07 P)

«Pourvoi – Droit d’accès aux documents des institutions – Mémoires déposés par la Commission dans des procédures devant la Cour et le Tribunal de première instance»





1. Dans quelle mesure les principes de transparence des procédures juridictionnelles et de publicité des procès exigent-ils que le public puisse avoir accès aux actes de procédure déposés auprès de la Cour par les parties à une affaire? Cela constitue l’essentiel de la problématique soulevée par les présents pourvois, formés respectivement par le Royaume de Suède, une association de journalistes et la Commission à l’encontre d’un arrêt du Tribunal de première instance.

I – Les faits et l’arrêt du Tribunal de première instance

2. Les pourvois ont pour objet un litige opposant l’Association de la presse internationale ASBL (ci-après «API») à la Commission des Communautés européennes, concernant l’accès à certains actes de procédure déposés par la Commission dans le cadre de procédures devant le Tribunal de première instance et la Cour de justice.

3. L’API, une organisation à but non lucratif de journalistes, qui a pour objet d’aider ses membres à informer leur pays d’origine sur l’Union européenne, a demandé à la Commission, par lettre du 1er août 2003, l’accès auxdits actes de procédure, en vertu de l’article 6 du règlement (CEE) n° 1049/2001 (2). Par décision du 20 novembre 2003, la Commission a rejeté cette demande.

4. D’après la Commission, les documents en question relevaient de différentes catégories. S’agissant des documents présentés dans le cadre de trois affaires toujours pendantes (3), la Commission a affirmé que leur divulgation porterait atteinte à sa position en tant que partie défenderesse, en l’exposant à d’éventuelles pressions extérieures, en particulier de la part du public. En conséquence, les documents relevaient de l’exception prévue par le règlement n° 1049/2001 en matière de divulgation de documents qui «porterait atteinte à la protection […] des procédures juridictionnelles et des avis juridiques (4)». La Commission a également refusé, au même motif, l’accès à des actes déposés dans le cadre d’une quatrième affaire, qui, bien que close, était étroitement liée à une affaire pendante (5).

5. S’agissant des procédures d’infraction, la Commission a également conclu que la divulgation de ses actes de procédure «porterait atteinte à la protection des […] objectifs […] d’enquête[s]», au sens de l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001, ledit objectif étant de parvenir à un règlement amiable du différend. La Commission a appliqué ce raisonnement aussi bien à des affaires dans lesquelles les procédures d’infraction étaient ouvertes (6) qu’à des affaires dans lesquelles les procédures étaient closes, mais alors que les États membres ne s’étaient pas encore conformés à l’arrêt (7).

6. La Commission a admis que, conformément au règlement n° 1049/2001, un intérêt public supérieur justifiant la divulgation des documents visés l’emporterait sur son intérêt à la confidentialité des actes de procédure. Cependant, elle a estimé que l’API n’avait fait valoir aucun argument démontrant un tel intérêt. Enfin, elle a examiné et rejeté la possibilité d’un accès partiel aux documents.

7. L’API a introduit un recours contre la décision de la Commission auprès du greffe du Tribunal de première instance le 2 février 2004. La grande chambre du Tribunal de première instance a été saisie de l’affaire et a rendu, le 12 septembre 2007, l’arrêt faisant l’objet du présent pourvoi.

8. Dans son arrêt, le Tribunal de première instance a souligné que l’objectif du règlement n° 1049/2001 était d’accorder un large accès aux documents et que les exceptions devaient être strictement interprétées. Toutefois, il a estimé que la Commission pouvait refuser l’accès aux mémoires écrits dans toutes les affaires dans lesquelles les plaidoiries n’avaient pas encore été entendues, car son intérêt à agir indépendamment de toute influence extérieure suffisait à couvrir l’ensemble des actes de procédure jusqu’à ce que l’affaire atteigne le stade de l’audience. Cependant, lorsque le refus d’accès était basé sur le lien existant entre une affaire close et une seconde affaire toujours pendante, la Commission ne pouvait refuser l’accès aux documents visés sans fournir de raisons spécifiques justifiant le fait que la divulgation porterait atteinte à la procédure dans l’affaire pendante. S’agissant des procédures d’infraction, le Tribunal de première instance a affirmé que l’intérêt à parvenir à un règlement du différend avec les États membres pouvait justifier un refus généralisé de divulguer des documents, uniquement tant que l’arrêt n’était pas intervenu. Une fois l’arrêt prononcé, les États membres ont l’obligation de s’y conformer et le sujet n’est plus susceptible de faire l’objet de négociations.

9. Des pourvois à l’encontre de l’arrêt du Tribunal de première instance ont été formés par la Commission (C-532/07), l’API (C‑528/07) et le Royaume de Suède (C-514/07). Le Royaume-Uni, le Royaume du Danemark et la République de Finlande sont par la suite intervenus.

10. Dans son pourvoi, la Commission fait valoir que le Tribunal de première instance a commis une erreur de droit en affirmant que, lorsque l’accès à des mémoires est demandé après l’audience, les demandes de cette nature doivent être examinées au cas par cas. D’après la Commission, le Tribunal de première instance s’est fondé sur un raisonnement incohérent et s’est trompé en omettant de prendre en considération l’intérêt de la justice, les intérêts d’autres personnes concernées par la procédure et les droits de la Commission. La Commission fait également valoir que le Tribunal de première instance s’est trompé en demandant un examen au cas par cas des demandes d’accès à des mémoires dans le cadre de procédures d’infraction au titre de l’article 226 CE, après le prononcé de l’arrêt, et dans toutes les procédures ayant été tranchées mais liées à des affaires pendantes. La Commission maintient que l’arrêt faisant l’objet du présent pourvoi affaiblit son aptitude à mettre en œuvre le droit communautaire et à garantir que les États membres respectent leurs obligations. En conséquence, la Commission demande à la Cour de casser l’arrêt contesté en ce qu’il annule la décision de la Commission refusant l’accès aux documents.

11. L’API, en revanche, demande à la Cour d’annuler l’arrêt contesté pour autant qu’il confirme le droit de la Commission de ne pas divulguer ses mémoires avant les audiences et également d’annuler la décision de la Commission du 20 novembre 2003, ou de renvoyer l’affaire au Tribunal de première instance afin qu’il statue de nouveau. L’API fait valoir que l’exception prévue par le règlement n° 1049/2001, en ce qui concerne les procédures juridictionnelles, exige un examen au cas par cas; l’association conteste la conclusion contraire du Tribunal de première instance, aux motifs: (i) qu’elle est contraire à des principes bien établis d’interprétation de ladite exception; (ii) qu’elle est fondée sur un droit inexistant de la Commission à défendre ses intérêts indépendamment de toute influence extérieure; (iii) que le Tribunal de première instance s’est trompé en appliquant le principe de l’égalité des armes; (iv) que le Tribunal n’a pas accordé l’importance appropriée à la pratique d’autres juridictions et (v) que le Tribunal invoque à tort la nécessité de protéger les procédures à huis clos. L’API fait également valoir que le Tribunal de première instance a mal interprété les termes d’«intérêt public supérieur» au sens de l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001.

12. Comme l’API, le Royaume de Suède demande à la Cour d’annuler l’arrêt contesté en ce qu’il rejette l’action de l’API et d’annuler la décision de la Commission du 20 novembre 2003. La Suède fait valoir que les exceptions aux exigences de divulgation doivent être interprétées strictement et que rien ne justifie un refus généralisé à l’accès du public aux documents.

II – Analyse

A – Remarques liminaires

13. En sollicitant l’accès aux documents en question dans la présente affaire, l’API a mis en avant d’importantes questions concernant la transparence dans l’Union européenne. Le problème de l’API ne réside pas nécessairement dans la réponse à ces questions, mais dans la procédure à travers laquelle elle les a soulevées. En suivant la procédure prévue par le règlement n° 1049/2001 (8) afin d’obtenir des mémoires déposés dans le cadre d’affaires pendantes, l’API s’est tournée vers la Commission avec une requête qu’elle aurait dû présenter à la Cour.

14. Au cours de la procédure contentieuse, il devrait appartenir à la Cour, et non à la Commission, de décider si le public devrait avoir accès à des documents versés au dossier d’une affaire en particulier. C’est l’approche qui a été retenue dans le traité d’Amsterdam, alors que les États membres ont choisi de ne pas mentionner l’institution judiciaire à l’article 255. Une telle décision appartient à la Cour, non pas parce que, comme la Commission semble le penser, les valeurs de transparence ne s’appliquent pas au pouvoir judiciaire; c’est plutôt parce qu’au cours de la procédure contentieuse, la Cour est maîtresse de l’affaire. Seule la Cour est en mesure de mettre en balance les intérêts divergents et de déterminer si la divulgation de documents occasionnerait un préjudice...

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