Josef Geistbeck and Thomas Geistbeck v Saatgut-Treuhandverwaltungs GmbH.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2012:187
Date29 March 2012
Celex Number62010CC0509
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC‑509/10
62010CC0509

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NIILO JÄÄSKINEN

présentées le 29 mars 2012 ( 1 )

Affaire C‑509/10

Josef Geistbeck,

Thomas Geistbeck

contre

Saatgut-Treuhandverwaltungs GmbH

[demande de décision préjudicielleformée par le Bundesgerichtshof (Allemagne)]

«Propriété intellectuelle et industrielle — Règlement (CE) no 2100/94 — Régime de protection communautaire des obtentions végétales — Obligation de verser au titulaire d’une telle protection une rémunération équitable et de réparer le préjudice subi par celui-ci — Critères pour déterminer la rémunération équitable — Contrefaçon — Règlement (CE) no 1768/95 — Privilège des agriculteurs — Frais de contrôle et de surveillance»

I – Introduction

1.

La demande de décision préjudicielle, introduite par le Bundesgerichtshof (Allemagne), concerne notamment l’interprétation des articles 14 et 94 du règlement (CE) no 2100/94 ( 2 ) (ci-après le «règlement de base»), instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales, ainsi que du règlement (CE) no 1768/95 ( 3 ) (ci-après le «règlement d’application»), établissant les modalités d’application de la dérogation prévue à l’article 14, paragraphe 3, du règlement de base.

2.

Le litige dont la juridiction de renvoi est saisie oppose les agriculteurs Josef et Thomas Geistbeck (ci-après «MM. Geistbeck») à la Saatgut-Treuhandverwaltungs GmbH (ci-après la «STV») qui représente les intérêts des titulaires des variétés végétales protégées Kuras, Quarta, Solara, Marabel et Secura. Ce litige porte, en substance, sur le rapport entre la dérogation prévue à l’article 14 du règlement de base — aussi dénommée le «privilège des agriculteurs» — et le calcul de la rémunération équitable au sens de l’article 94, paragraphe 1, du règlement de base due au titulaire d’une variété végétale protégée en cas d’acte constitutif d’une contrefaçon.

3.

Le présent renvoi préjudiciel invite plus particulièrement la Cour à trancher la question tenant à la méthode à retenir pour calculer ladite rémunération équitable due par l’agriculteur au titulaire d’une variété végétale dans une situation où l’agriculteur, ayant l’autorisation, conformément au privilège des agriculteurs, de mettre en culture le produit provenant de sa récolte, a omis de déclarer une partie de cette nouvelle culture, contrairement aux obligations desdits agriculteurs prévues à l’article 14, paragraphe 3, du règlement de base qui donnent effet audit privilège.

4.

Les questions déférées imposent ainsi une mise en balance d’intérêts contradictoires. Comme l’a fait observer l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer, il s’agit de trouver un équilibre entre, d’une part, la nécessité d’accroître les fruits de l’activité agricole et de garantir la production agricole, finalité principale de la politique agricole commune et, d’autre part, la nécessité de garantir les droits des obtenteurs qui sont actifs dans la politique industrielle, de recherche et de développement et qui s’efforcent d’obtenir un cadre normatif adéquat pour stimuler leurs activités dans l’Union européenne, tout en respectant les objectifs poursuivis par la réglementation en question ( 4 ).

5.

Cette affaire permettra donc à la Cour de compléter sa jurisprudence issue de l’arrêt Schulin ( 5 ) et, notamment, de préciser son point de vue en matière de rémunération équitable en cas d’usage d’une variété végétale constitutif d’une contrefaçon ainsi que de se prononcer sur l’équilibre à trouver entre les intérêts sous-tendant la réglementation en matière de protection communautaire des obtentions végétales.

II – Le cadre juridique

A – Le règlement de base

6.

Il ressort du cinquième considérant du règlement de base ( 6 ) que, afin d’encourager la sélection et le développement de nouvelles variétés, tous les obtenteurs de variétés devraient bénéficier d’une meilleure protection par rapport à la situation actuelle.

7.

Selon le dix-septième considérant de ce règlement, l’exercice des droits conférés par la protection communautaire des obtentions végétales doit être soumis à des restrictions prévues par des dispositions adoptées dans l’intérêt public.

8.

À cet égard, le dix-huitième considérant dudit règlement précise que l’intérêt public visé au considérant précédent comporte la sauvegarde de la production agricole et que, dans ce but, l’agriculteur doit être autorisé à utiliser, selon certaines modalités, le produit de sa récolte à des fins de propagation.

9.

Selon l’article 11, paragraphe 1, du règlement de base, le droit à la protection communautaire des obtentions végétales appartient à l’obtenteur, à savoir à «la personne qui a créé ou qui a découvert et développé la variété, ou [à] son ayant droit ou ayant cause».

10.

Sous l’intitulé «Droits du titulaire d’une protection communautaire des obtentions végétales et limitations», l’article 13 du règlement de base prévoit:

«1. La protection communautaire des obtentions végétales a pour effet de réserver à son ou ses titulaires, ci-après dénommés ‘titulaire’, le droit d’accomplir les actes indiqués au paragraphe 2.

2. Sans préjudice des articles 15 et 16, l’autorisation du titulaire est requise pour les actes suivants en ce qui concerne les constituants variétaux ou le matériel de récolte de la variété protégée, ci-après dénommés ‘matériel’:

a)

production ou reproduction (multiplication);

[…]

Le titulaire peut subordonner son autorisation à des conditions et à des limitations.»

11.

Le privilège des agriculteurs est visé à l’article 14 du règlement de base en ces termes:

«1. Nonobstant l’article 13 paragraphe 2, et afin de sauvegarder la production agricole, les agriculteurs sont autorisés à utiliser, à des fins de multiplication en plein air dans leur propre exploitation, le produit de la récolte obtenu par la mise en culture, dans leur propre exploitation, de matériel de multiplication d’une variété bénéficiant d’une protection communautaire des obtentions végétales autre qu’une variété hybride ou synthétique.

[…]

3. Les conditions permettant de donner effet à la dérogation prévue au paragraphe 1 et de sauvegarder les intérêts légitimes de l’obtenteur et de l’agriculteur sont fixées […] sur la base des critères suivants:

[…]

les petits agriculteurs ne sont pas tenus de payer une rémunération au titulaire […]

[…]

les autres agriculteurs sont tenus de payer au titulaire une rémunération équitable, qui doit être sensiblement inférieure au montant perçu pour la production sous licence de matériel de multiplication de la même variété dans la même région […]

la responsabilité du contrôle de l’application du présent article ou des dispositions adoptées au titre du présent article incombe exclusivement aux titulaires […]

toute information pertinente est fournie sur demande aux titulaires par les agriculteurs et les prestataires d’opérations de triage à façon […]»

12.

L’article 94 du règlement de base, intitulé «Contrefaçon», dispose:

«1. Toute personne qui:

a)

accomplit, sans y avoir été autorisée, un des actes visés à l’article 13 paragraphe 2 à l’égard d’une variété faisant l’objet d’une protection communautaire des obtentions végétales

[…]

peut faire l’objet d’une action, intentée par le titulaire, en cessation de la contrefaçon ou en versement d’une rémunération équitable ou à ce double titre.

2. Toute personne qui agit de propos délibéré ou par négligence est en outre tenue de réparer le préjudice subi par le titulaire. En cas de faute légère, le droit à réparation du titulaire peut être diminué en conséquence, sans être toutefois inférieur à l’avantage acquis par l’auteur de la contrefaçon du fait de cette contrefaçon.»

B – Le règlement d’application

13.

Selon l’article 3, paragraphe 2, du règlement d’application, les droits et les obligations du titulaire découlant des dispositions de l’article 14 du règlement de base «peuvent être invoqués par un titulaire à titre individuel, par plusieurs titulaires à titre collectif ou par une organisation de titulaires établie dans la Communauté à l’échelon communautaire, national, régional ou local».

14.

Sous l’intitulé «Niveau de la rémunération», l’article 5 du règlement d’application dispose:

«1. Le niveau de la rémunération équitable à payer au titulaire en vertu de l’article 14 paragraphe 3 quatrième tiret du règlement de base peut faire l’objet d’un contrat entre le titulaire et l’agriculteur concernés.

2. Lorsqu’aucun contrat de ce type n’a été conclu ou n’est applicable, le niveau de la rémunération sera sensiblement inférieur au montant perçu pour la production sous licence de matériel de multiplication de la catégorie la plus basse de la même variété susceptible de bénéficier de l’homologation officielle, dans la même région.

[…]

5. Lorsque, dans le cas du paragraphe 2, un accord du type visé au paragraphe 4 n’est pas applicable, la rémunération à verser est de 50 % des montants dus pour la production sous licence de matériel de multiplication, comme indiqué au paragraphe 2.

[…]»

15.

L’article 8 de ce règlement, intitulé «Informations fournies par l’agriculteur», dispose:

«1. Le détail des informations fournies par l’agriculteur au titulaire en vertu de l’article 14 paragraphe 3 sixième tiret du règlement de base peut faire l’objet d’un contrat entre le titulaire et l’agriculteur concernés.

2. Lorsqu’aucun contrat de ce type n’a été conclu ou n’est applicable, l’agriculteur, sans préjudice des obligations d’information applicables au titre de la législation communautaire ou de la législation des États membres...

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