Anheuser-Busch Inc. v Budějovický Budvar, národní podnik.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2010:518
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-96/09
Date14 September 2010
Procedure TypeRecurso de casación - fundado
Celex Number62009CC0096

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PEDRO Cruz Villalón

présentées le 14 septembre 2010 (1)

Affaire C‑96/09 P

Anheuser-Busch, Inc.

contre

Budějovický Budvarnárodní podnik

«Pourvoi – Marque communautaire – Article 8, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 40/94 – Opposition du titulaire de l’appellation d’origine Bud – Usage dans la vie des affaires – Signe dont la portée n’est pas seulement locale»





Table des matières


I – Introduction

II – Cadre normatif

A – L’arrangement de Lisbonne

B – La convention bilatérale

C – Le droit de l’Union

III – Les faits devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

A – Le cadre factuel et la procédure devant l’OHMI

B – Synthèse de l’arrêt attaqué

IV – La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

V – Quelques considérations préalables au sujet de l’article 8 du règlement n° 40/94

A – L’opposition fondée sur une marque antérieure enregistrée: article 8, paragraphes 1 et 2

B – L’opposition fondée sur d’autres signes: article 8, paragraphe 4

1. L’article 8, paragraphe 4, couvre des signes très hétérogènes

2. Les conditions de l’article 8, paragraphe 4, sont orientées à garantir la solidité des signes invoqués au titre de cette disposition

C – Sur le bien-fondé d’une application par analogie des conditions prévues à l’article 8, paragraphe 1, au paragraphe 4

VI – Analyse du pourvoi

A – Sur le premier moyen du pourvoi, relatif à la violation de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94

1. Première branche du premier moyen du pourvoi: sur la compétence de l’OHMI pour apprécier la validité du droit invoqué au titre de l’article 8, paragraphe 4

a) Définition des positions

b) Appréciation

2. Deuxième branche du premier moyen du pourvoi: quant à la condition liée à l’«usage dans la vie des affaires»

a) Quantité et qualité de l’usage

i) Définition des positions

ii) Appréciation

b) Territoire pertinent pour attester l’«usage dans la vie des affaires»

i) Définition des positions

ii) Appréciation

c) Période pertinente aux fins de l’appréciation de l’«usage dans la vie des affaires»

i) Définition des positions

ii) Appréciation

d) Corollaire

3. Troisième branche du premier moyen du pourvoi: quant à la condition exigeant qu’il s’agisse d’un signe «dont la portée n’est pas seulement locale»

a) Définition des positions

b) Appréciation

4. Conclusion

B – Sur le second moyen du pourvoi tiré de la violation des articles 8, paragraphe 4, et 74, paragraphe 1, du règlement n° 40/94

1. Définition des positions

2. Appréciation

C – Succès du pourvoi et renvoi de l’affaire au Tribunal

VII – Dépens

VIII – Conclusions

I – Introduction

1. Le présent pourvoi constitue un épisode supplémentaire de la longue saga judiciaire opposant la brasserie américaine Anheuser-Busch, Inc. (ci-après «Anheuser-Busch»), et la brasserie tchèque Budějovický Budvar, národni podnik (ci-après «Budvar»), dans le cadre de laquelle la Cour a déjà eu l’occasion de se prononcer à plusieurs reprises (2). Même si ces décisions préalables sont susceptibles d’avoir une certaine incidence sur quelques-unes des questions soulevées dans le cadre du présent litige, le cas d’espèce pose un problème juridique que notre jurisprudence n’a pas encore examiné.

2. Par son arrêt du 16 décembre 2008, Budějovický Budvar/OHMI (BUD) (3), objet du pourvoi, le Tribunal de première instance a fait droit aux recours en annulation déposés par Budvar contre une série de décisions de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (ci-après l’«OHMI»), par lesquelles avait été rejetée l’opposition formée par Budvar contre la demande d’enregistrement de Bud en tant que marque communautaire, présentée par Anheuser-Busch.

3. La particularité de cette affaire réside dans le fait que Budvar s’était opposée audit enregistrement de Bud en tant que marque communautaire, sur le fondement de l’article 8, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (4), en invoquant l’existence d’un droit antérieur sur la dénomination Bud qui résulterait d’une appellation d’origine protégée en Autriche et en France au titre de deux instruments internationaux.

4. La Cour est ainsi appelée à interpréter pour la première fois l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94. Et elle doit le faire dans un cas de figure qui ne représente pas, me semble-t-il, le cas le plus topique d’application de cette disposition. La logique interne de l’article 8, paragraphe 4, s’accommode en effet mieux aux droits qui naissent du simple usage d’un signe donné (par exemple, les marques non déposées, mais aussi, en fonction de la législation nationale applicable, certains noms d’entreprises, les enseignes et autres signes distinctifs) plutôt qu’aux droits qui jouissent d’une protection de par leur enregistrement formel, comme c’est le cas en l’espèce.

5. Il est possible que cette circonstance ait pesé sur le sens général de la décision rendue par le Tribunal, mais j’estime qu’elle ne devrait pas influer sur la solution au pourvoi. Certes, il faut que l’interprétation de l’article 8, paragraphe 4, soit suffisamment flexible pour pouvoir s’adapter à la grande variété de signes susceptibles de relever de son champ d’application. Cependant, cette interprétation doit également aspirer à n’aller que dans un seul sens. Autrement, les conditions prescrites par cette disposition ne sauraient remplir leur fonction de base qui est de garantir la solidité et la nature réelle de ces signes, et qui est celle que le législateur leur a assignée.

6. Ces conditions s’inscrivent, en effet, dans un contexte à dominance factuelle et c’est sous cet angle qu’il y a lieu de vérifier leur respect. Il doit en être également ainsi, à mon sens, dans des cas comme celui de l’espèce, dans lequel l’existence d’une protection juridique formalisée et internationale pourrait, le cas échéant, donner l’impression qu’il est nécessaire d’aménager les conditions de l’«usage» et de la «portée» du signe.

II – Cadre normatif

A – L’arrangement de Lisbonne

7. L’arrangement de Lisbonne concernant la protection des appellations d’origine et leur enregistrement international (5) dispose, en son article 1er, paragraphe 2, que les pays participant à cet accord (6) s’engagent à protéger, sur leurs territoires, les appellations d’origine des produits des autres pays de l’«Union particulière», reconnues à ce titre dans le pays d’origine et enregistrées au Bureau international visé dans la convention instituant l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (ci-après l’«OMPI»).

8. Conformément à l’article 5 de l’arrangement, l’enregistrement des appellations d’origine est effectué à la requête des administrations des pays contractants, au nom des personnes physiques ou morales, publiques ou privées, titulaires du droit d’user de ces appellations selon leur législation nationale. À cet égard, les administrations des pays contractants peuvent déclarer, en précisant les motifs, dans un délai d’une année à compter de la réception de la notification de l’enregistrement, qu’elles ne peuvent assurer la protection d’une appellation d’origine.

9. Aux termes des articles 6 et 7, paragraphe 1, l’appellation d’origine enregistrée au titre de l’arrangement de Lisbonne ne peut être considérée comme devenue générique, aussi longtemps qu’elle se trouve protégée comme appellation d’origine dans le pays d’origine.

10. D’autre part, conformément à la règle 16 du règlement d’exécution de l’arrangement de Lisbonne, lorsque les effets d’un enregistrement international sont invalidés dans un pays contractant et que l’invalidation ne peut plus faire l’objet d’aucun recours, ladite invalidation doit être notifiée au Bureau international par l’administration compétente de ce pays contractant.

11. L’appellation d’origine «Bud» a été enregistrée auprès de l’OMPI le 10 mars 1975 sous le n° 598, au titre de l’arrangement de Lisbonne.

B – La convention bilatérale

12. Le 11 juin 1976, la République d’Autriche et la République socialiste tchécoslovaque ont conclu un traité relatif à la protection des indications de provenance, des appellations d’origine et des autres appellations indiquant la provenance de produits agricoles et industriels (7) (ci-après la «convention bilatérale»).

13. Selon son article 2, on entend par indications de provenance, appellations d’origine et autres appellations indiquant la provenance, au sens de la convention, toutes les indications qui se rapportent directement ou indirectement à la provenance d’un produit.

14. Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, «les appellations tchécoslovaques énumérées dans un accord conclu en vertu de l’article 6 sont réservées en Autriche exclusivement aux produits tchécoslovaques». L’article 5, paragraphe 1, B, point 2, mentionne la bière parmi les catégories de produits tchèques concernés par la protection instaurée par la convention bilatérale; et l’annexe B de cet accord, auquel fait référence l’article 6 de la convention, fait figurer «Bud» dans les appellations tchécoslovaques pour des produits agricoles et industriels (sous le titre «bière»).

C – Le droit de l’Union

15. Depuis le 13 avril 2009, la marque communautaire est régie par le nouveau règlement (CE) n° 207/2009 (8). Néanmoins, aux fins de la solution au présent pourvoi, les dispositions du règlement n° 40/94 sont applicables rationae temporis.

16. L’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, dont l’interprétation est demandée dans le cadre de ce pourvoi, dispose ce qui suit:

«Sur opposition du titulaire d’une marque non enregistrée ou d’un autre signe utilisé dans la vie des affaires dont la portée n’est pas seulement locale, la marque demandée est refusée à l’enregistrement, lorsque et dans la mesure où, selon la législation communautaire ou le droit de l’État membre qui est applicable à ce signe:

a) des droits à ce...

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