Balbiino AS v Põllumajandusminister and Maksu- ja Tolliameti Põhja maksu- ja tollikeskus.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2009:97
Docket NumberC-560/07
Celex Number62007CC0560
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date17 February 2009

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. DÁMASO RUIZ-JARABO COLOMER

présentées le 17 février 2009 1(1)

Affaire C‑560/07

Balbiino AS

contre

EV Põllumajandusministeerium

et

Maksu- ja Tolliameti Põhja maksu- ja tollikeskus

[demande de décision préjudicielle formée par le Tallinna halduskohus (Estonie)]

«Adhésion de la République d’Estonie – Mesures transitoires – Produits agricoles – Absence de traduction d’un règlement dans la langue d’un État membre – Taxe sur les stocks excédentaires»






I – Introduction

1. Le Tallinna halduskohus (tribunal administratif de Tallin, Estonie) a saisi la Cour de six questions préjudicielles relatives aux mesures transitoires prises en vue de faciliter l’adhésion de dix nouveaux États membres à l’Union européenne, le 1er mai 2004.

2. Les questions portent sur trois règlements communautaires visant à convaincre les opérateurs nationaux d’éviter l’accumulation de stocks excédentaires de produits agricoles, compte tenu des effets perturbateurs que ces stocks pourraient avoir sur l’organisation commune des marchés. En résumé, ces mécanismes restrictifs consistent à soumettre à une taxe les stocks excédentaires constitués dans les nouveaux États membres et, dans certains cas, à supprimer ces stocks (sucre, isoglucose et fructose).

3. Dans le contexte des adhésions de 1994, la Cour s’est prononcée sur des mesures semblables, qui prévoyaient également une taxe sur ces stocks excédentaires de produits agricoles (2). L’arrêt Weidacher (3) a confirmé la compétence de la Commission pour adopter ce règlement après avoir constaté le large pouvoir d’appréciation dont disposent les institutions communautaires pour atteindre les objectifs de la politique agricole commune et rejeté tout soupçon de nullité du règlement pour violation du principe de proportionnalité ou du principe de protection de la confiance légitime.

4. Jusqu’à aujourd’hui, l’arrêt Weidacher constitue le seul précédent en la matière, mais il ne s’agira pas du dernier. Parallèlement et en marge du présent renvoi préjudiciel, six des dix nouveaux États membres ont attaqué, devant le Tribunal de première instance des Communautés européennes, les trois règlements précités et une décision de la Commission. Les recours sont actuellement pendants (4).

II – Le cadre juridique

A – La réglementation communautaire

1. L’acte d’adhésion (5)

5. Selon l’article 41, premier alinéa, de l’acte d’adhésion, les mesures de transition vers le régime de la politique agricole commune sont adoptées par la Commission des Communautés européennes «durant une période de trois ans à compter de la date de l’adhésion» et sont limitées à cette période.

6. Sur le fondement de l’article précité de l’acte d’adhésion, la Commission a adopté trois règlements.

2. Le règlement (CE) n° 1972/2003 (6)

7. Le règlement n° 1972/2003 contient une série de dispositions transitoires en vue «d’éviter les risques de détournement de trafic au détriment de l’organisation commune des marchés agricoles résultant de l’adhésion de dix nouveaux États à l’Union européenne, le 1er mai 2004» (premier considérant).

8. Le troisième considérant attire l’attention sur la nécessité de taxer de manière dissuasive les stocks excédentaires de produits agricoles situés dans les nouveaux États membres, car les détournements «susceptibles de perturber les organisations communes des marchés portent souvent sur des produits qui sont déplacés artificiellement en vue de l’élargissement et qui ne font donc pas partie des stocks habituels de l’État concerné», même si «[l]es stocks excédentaires [proviennent] de la production nationale».

9. L’article 4, paragraphe 1, du règlement n° 1972/2003 exige que les États membres qui ne disposent pas d’une législation plus sévère taxent les «détenteurs de stocks excédentaires de produits en libre pratique au 1er mai 2004».

10. L’article 4, paragraphe 2, mentionne trois facteurs dont les nouveaux États membres doivent tenir compte dans le cadre de la détermination des stocks excédentaires de chaque opérateur: a) la moyenne des stocks au cours des années précédant l’adhésion; b) les flux commerciaux existant au cours de ces années, et c) les circonstances qui ont présidé à la constitution de ces stocks.

11. Conformément à l’article 4, paragraphe 4, dudit règlement, pour que la taxe soit correctement appliquée, les nouveaux États membres doivent procéder «sans délai» à un inventaire des stocks disponibles au 1er mai 2004.

12. Le règlement n° 1972/2003 est entré en vigueur à la même date que le traité d’adhésion et était applicable «jusqu’au 30 avril 2007» (article 10).

3. Le règlement (CE) n° 60/2004 (7)

13. Le règlement n° 60/2004 prévoit des règles spécifiques pour le secteur du sucre en raison du risque considérable de perturbation des marchés dans ce secteur résultant d’agissements à des fins spéculatives (cinquième considérant).

14. Le règlement répartit certaines obligations entre la Commission et les États membres.

15. La Commission devait déterminer «au plus tard le 31 octobre 2004», pour chaque nouvel État membre, la quantité de sucre pur ou transformé, d’isoglucose et de fructose «dépassant la quantité considérée comme un stock de report normal au 1er mai 2004 et qui doit être éliminée du marché aux frais des nouveaux États membres. Afin de déterminer cette quantité excédentaire, il est particulièrement tenu compte de l’évolution observée au cours de l’année précédant l’adhésion par rapport aux années précédentes quant: a) aux quantités importées et exportées de sucre en l’état ou de sucre sous forme de produits transformés, tels que l’isoglucose et le fructose; b) à la production, à la consommation et aux stocks de sucre et d’isoglucose; c) aux circonstances dans lesquelles les stocks se sont constitués» (article 6, paragraphe 1, du règlement).

16. Les nouveaux États membres étaient tenus d’assurer, sans intervention communautaire, l’élimination du marché d’une quantité de sucre ou d’isoglucose égale à la quantité excédentaire visée au paragraphe 1, «au plus tard le 30 avril 2005» (article 6, paragraphe 2). À cet effet, les autorités étatiques compétentes devaient disposer, le 1er mai 2004, d’un système d’identification des quantités excédentaires, échangées ou transformées, de sucre en l’état ou de produits transformés, d’isoglucose et de fructose, auprès des principaux opérateurs concernés. Conformément à l’article 6, paragraphe 3, de ce règlement, ce système pouvait reposer «notamment […] sur le traçage des importations, le suivi fiscal, les enquêtes basées sur les comptes et les stocks physiques des opérateurs, et comporter des mesures telles que des garanties couvrant les risques». De même, suivant cette disposition, «ce système d’identification [est] fondé sur l’évaluation des risques, qui tient dûment compte des critères suivants: le type d’activité des opérateurs concernés; la capacité des équipements destinés au stockage; le niveau d’activités».

4. Le règlement (CE) n° 832/2005 (8)

17. Par le règlement n° 832/2005, la Commission a fixé les quantités excédentaires de sucre, d’isoglucose et de fructose que chaque nouvel État membre devait détruire.

B – La réglementation nationale

18. En exécution de cette réglementation communautaire, le parlement estonien a adopté, le 7 avril 2004, la loi relative à la taxe sur les stocks excédentaires (Üleliigse laovaru tasu seadus, ci-après l’«ÜLTS»).

19. Par arrêt du 5 octobre 2006, le Riigikohus (Cour suprême estonienne) a jugé que certaines dispositions de l’ÜLTS étaient contraires au règlement n° 1972/2003 et a annulé l’article 6, paragraphe 1, de l’ÜLTS au motif que l’obligation d’appliquer un coefficient de 1,2 dans le cadre du calcul du stock de report qu’instaurait cette disposition ne permettait pas un traitement suffisamment différencié de chaque opérateur. De même, le Riigikohus a censuré l’article 6, paragraphe 2, de l’ÜLTS au motif que le droit communautaire ne prévoit pas d’obligation, pour l’opérateur dont l’activité n’a pas débuté avant 2004 ou qui exerce son activité depuis moins de quatre ans, de prouver que le stock de produits agricoles qu’il détient en date du 1er mai 2004 correspond au stock de produits agricoles qu’il peut normalement produire, vendre, céder ou acquérir d’une autre manière, que ce soit à titre onéreux ou gratuit.

20. À la suite de cet arrêt, le Riigikogu (parlement estonien) a, le 16 juin 2005 et le 25 janvier 2007, apporté d’importantes modifications au texte de l’ÜLTS, qui sont entrées en vigueur, respectivement, le 30 avril 2005 et le 16 février 2007.

21. L’article 7, paragraphe 1, de l’ÜLTS apporte une nuance selon laquelle les stocks excédentaires correspondent à la «différence entre le stock de produits agricoles effectivement détenu par l’opérateur en date du 1er mai 2004 et le stock de report». La réforme a ajouté un paragraphe 2 à cet article, en vertu duquel «on considère que le stock excédentaire correspond à l’intégralité du stock de produits agricoles de l’opérateur» lorsque cela est nécessaire «pour atteindre l’objectif du règlement (CE) n° 1972/2003 ou du règlement (CE) n° 60/2004».

22. L’article 6, paragraphe 1, de l’ÜLTS définit le «stock de report» comme le stock moyen détenu en date du 1er mai au cours des quatre années précédant l’année 2004, multiplié par le coefficient 1,2. Les paragraphes 2 et 3 de cet article atténuent la rigueur de cette règle de calcul pour les opérateurs n’atteignant pas quatre années d’activité.

23. Ainsi, conformément à l’article 6, paragraphe 2, si, avant 2004, l’opérateur n’a pas exercé d’activité dans le domaine en question ou s’il a exercé une telle activité pendant une période inférieure à quatre ans, il doit prouver que le stock de produits agricoles qu’il détient en date du 1er mai 2004 correspond au stock de produits agricoles qu’il peut normalement produire, vendre, céder ou acquérir d’une autre manière, que ce soit à titre onéreux ou gratuit.

2...

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