Szabolcs-Szatmár-Bereg Megyei Rendőrkapitányság Záhony Határrendészeti Kirendeltsége v Oskar Shomodi.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2012:773
Date06 December 2012
Celex Number62011CC0254
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-254/11
62011CC0254

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PEDRO CRUZ VILLALÓN

présentées le 6 décembre 2012 ( 1 )

Affaire C‑254/11

Szabolcs-Szatmár-Bereg Megyei Rendőrkapitányság Záhony Határrendészeti Kirendeltsége

contre

Oskar Shomodi

[demande de décision préjudicielle formée par la Magyar Köztársaság Legfelsőbb Bírósága (Hongrie)]

«Espace de liberté, de sécurité et de justice — Petit trafic frontalier aux frontières terrestres extérieures de l’Union — Règlement (CE) no 1931/2006 — Article 5 — Frontaliers — Calcul de la durée maximale de séjour ininterrompu autorisé — Convention bilatérale — Durée maximale de séjour ininterrompu de trois mois sur une période de six mois — Respect de la vie privée — Article 7 de la Charte — Article 8 de la CEDH — Liberté de franchissement de la frontière — Raisons légitimes — Prévention et sanction des abus — Juste équilibre»

1.

La Cour est pour la première fois invitée à interpréter les dispositions du règlement (CE) no 1931/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 20 décembre 2006, fixant des règles relatives au petit trafic frontalier aux frontières terrestres extérieures des États membres et modifiant les dispositions de la convention de Schengen ( 2 ).

2.

Le régime propre au petit trafic frontalier, qui déroge aux règles générales régissant le contrôle des personnes aux frontières terrestres extérieures des États membres, s’efforce, d’une manière générale, de répondre à la situation des populations établies dans les zones frontalières, qui souvent perçoivent le tracé des frontières étatiques comme une circonstance artificielle portant préjudice ou, à tout le moins, constitutive d’un obstacle pratique au développement de leur vie sociale dans ses différentes dimensions. Cette constatation vaut tout particulièrement pour les populations qui ont été affectées par des déplacements des frontières relativement fréquents au cours du siècle dernier.

3.

La ratio legis de cette réglementation singulière, qui présente la particularité de déléguer aux États membres le soin de conclure avec les États tiers concernés des accords bilatéraux de mise en œuvre du régime qu’il établit, nous conduira à inviter la Cour à déclarer qu’un régime de franchissement des frontières institué dans le contexte du petit trafic frontalier, tel que celui en cause dans l’affaire au principal, ne peut, eu égard à la logique propre au régime établi par le règlement no 1931/2006 et aux impératifs découlant, notamment, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ( 3 ) et de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 ( 4 ), trouver un appui dans les dispositions de l’article 5 dudit règlement, quand bien même cette disposition serait lue en combinaison avec l’article 20 de la convention d’application de l’accord de Schengen, signée à Schengen le 19 juin 1990 ( 5 ).

I – Le cadre juridique

4.

La présente affaire s’inscrit dans un cadre juridique singulier. Ce cadre est, en effet, principalement constitué, d’une part, d’un acte de droit international, en l’occurrence l’accord relatif au petit trafic frontalier, signé le 18 septembre 2007 à Oujgorod entre le gouvernement hongrois et le cabinet des ministres de l’Ukraine ( 6 ), et, d’autre part, d’un acte de droit dérivé de l’Union, le règlement no 1931/2006, le premier adopté sur «autorisation» du second. Seules les principales dispositions pertinentes dudit accord bilatéral et dudit règlement sont reprises ci-dessous, bien qu’ils s’inscrivent dans un cadre juridique plus général, constitué notamment de l’acquis de Schengen ( 7 ), du code frontières Schengen ( 8 ) et du code des visas ( 9 ).

A – Le droit international: l’accord bilatéral conclu par la Hongrie

5.

L’article 1er, paragraphes 1 et 5, de l’accord bilatéral conclu par la Hongrie dispose:

«1. Les personnes qui résident depuis au moins trois ans de façon permanente dans les lieux situés dans la zone frontalière énumérés dans l’annexe 1 au présent accord en possession du permis de franchissement local de la frontière visé à l’article 2 peuvent entrer et séjourner sans autre autorisation dans la zone frontalière de l’État de l’autre partie contractante.

[…]

5. Le permis prévu à l’article 2 autorise son titulaire à des entrées multiples et à un séjour non interrompu d’une durée maximale de trois mois au cours d’une période de six mois dans la zone frontalière de l’État de l’autre partie contractante, en particulier pour des raisons sociales, culturelles ou familiales, ou pour des raisons économiques justifiées qui ne sont pas qualifiables d’activités professionnelles au sens de la législation nationale. Les frontaliers entrés avec ledit permis ne sont pas autorisés à séjourner en dehors de la zone frontalière de l’État de l’autre partie contractante.

[…]»

B – Le droit de l’Union: le règlement no 1931/2006

6.

Les considérants 2 à 4, 9 et 13 du règlement no 1931/2006 prévoient:

«(2)

Il est de l’intérêt de la Communauté élargie de faire en sorte que les frontières avec ses voisins ne soient pas une barrière aux échanges commerciaux, sociaux et culturels, ni à la coopération régionale. C’est pourquoi il convient de mettre en place un régime efficace pour le petit trafic frontalier.

(3)

Le régime propre au petit trafic frontalier constitue une dérogation aux règles générales régissant le contrôle des personnes aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne qui sont fixées dans le [code frontières Schengen].

(4)

La Communauté devrait arrêter les critères et conditions à remplir lorsque le franchissement des frontières terrestres extérieures des États membres en vertu du régime propre au petit trafic frontalier est facilité pour les frontaliers. Ces critères et conditions devraient assurer un équilibre entre, d’une part, le franchissement facilité de la frontière par les frontaliers de bonne foi qui ont des raisons légitimes de franchir fréquemment une frontière terrestre extérieure et, d’autre part, la nécessité d’empêcher l’immigration clandestine et de contrer les menaces potentielles que les activités criminelles font peser sur la sécurité.

[…]

(9)

Afin d’assurer l’application du régime propre au petit trafic frontalier, les États membres devraient être autorisés à maintenir ou à conclure bilatéralement, en tant que de besoin, des accords bilatéraux avec des pays tiers voisins, sous réserve que ces accords soient conformes aux règles fixées par le présent règlement.

[…]

(13)

Le présent règlement respecte les libertés et droits fondamentaux et observe les principes qui sont notamment reconnus par la [Charte].»

7.

L’article 2, sous a) et b), du règlement no 1931/2006 dispose:

«Le présent règlement s’applique sans préjudice des dispositions de droit communautaire et de droit national applicables aux ressortissants de pays tiers en matière:

a)

de séjour de longue durée;

b)

d’accès à une activité économique et d’exercice d’une telle activité».

8.

L’article 5 du règlement no 1931/2006, intitulé «Durée du séjour dans la zone frontalière», dispose:

«Les accords bilatéraux visés à l’article 13 précisent la durée maximale autorisée dans le cadre du régime propre au petit trafic frontalier pour chaque séjour non interrompu effectué, celle-ci ne pouvant dépasser trois mois.»

9.

La conclusion par les États membres des accords bilatéraux avec les pays tiers voisins visés à l’article 5 du règlement no 1931/2006 est régie par l’article 13 dudit règlement, qui prévoit:

«1. Aux fins de la mise en œuvre du régime propre au petit trafic frontalier, les États membres sont autorisés à conclure avec les pays tiers voisins des accords bilatéraux conformes aux règles énoncées dans le présent règlement.

Les États membres peuvent aussi maintenir des accords bilatéraux déjà conclus avec les pays tiers voisins en matière de petit trafic frontalier. Si ces accords ne sont pas compatibles avec le présent règlement, les États membres concernés les modifient de manière à éliminer les incompatibilités constatées.

2. Avant de conclure ou de modifier tout accord bilatéral en matière de petit trafic frontalier avec un pays tiers voisin, l’État membre concerné consulte la Commission afin d’en vérifier la compatibilité avec le présent règlement.

Si la Commission estime que l’accord est incompatible avec le présent règlement, elle en informe l’État membre concerné. L’État membre prend toutes les mesures nécessaires afin de modifier ledit accord dans un délai raisonnable, de manière à éliminer les incompatibilités constatées.

3. Lorsque la Communauté ou l’État membre concerné n’a pas conclu un accord général de réadmission avec un pays tiers, les accords bilatéraux en matière de petit trafic frontalier conclus avec ce pays tiers comportent des dispositions visant à faciliter la réadmission des personnes ayant fait une utilisation abusive du régime propre au petit trafic frontalier établi par le présent règlement.»

10.

L’article 14 du règlement no 1931/2006 dispose:

«Dans les accords bilatéraux visés à l’article 13, les États membres font en sorte que les pays tiers accordent aux personnes jouissant du droit communautaire à la libre circulation et aux ressortissants de pays tiers qui résident légalement dans la zone frontalière de l’État membre concerné un traitement au moins comparable à celui qui est accordé aux frontaliers du pays tiers concerné.»

11.

L’article 20 du règlement no 1931/2006 a, par ailleurs, modifié l’article 136, paragraphe 3, de la CAAS. Ledit article 136, tel que modifié, dispose:

«1. Une...

To continue reading

Request your trial
1 practice notes

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT