Syndicat français de l'Express international (SFEI) and others v La Poste and others.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1995:445
Date14 December 1995
Celex Number61994CC0039
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-39/94
61994C0039

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. F. G. JACOBS

présentées le 14 décembre 1995 ( *1 )

1.

Dans la présente affaire, le tribunal de commerce de Paris demande à la Cour de statuer à titre préjudiciel sur une série de questions qui concernent, en particulier, les pouvoirs des juridictions nationales dans les procédures introduites par les concurrents d'une entreprise dont il est allégué qu'elle a reçu une aide d'État non notifiée. Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'une procédure introduite contre l'administration française des postes (ci-après la « Poste ») et contre d'autres parties par le Syndicat français de l'express international (ci-après le « SFEI ») et par plusieurs entreprises de courrier rapide.

Les faits

2.

En plus des fonctions légales sur lesquelles elle dispose d'un monopole, la Poste, qui est un organisme de droit public, exerce certaines activités ouvertes aux entreprises commerciales. En 1985, Sofipost (la société par l'intermédiaire de laquelle la Poste détient ses différentes filiales) a, conjointement avec la Société de transport aérien transrégional (ci-après « TAT »), créé la Société française de messagerie internationale (ci-après la « SFMI »), dans le but de fournir un service de courrier rapide. Sofipost et TAT détenaient respectivement 66 % et 34 % de la SFMI. Celle-ci exerçait ses activités sous la marque « Chronopost ».

3.

En 1992, la structure de l'activité a été modifiée. Sofipost et TAT ont créé une nouvelle société, Chronopost SA, dans laquelle leurs participations respectives étaient à nouveau de 66 % et 34 %. Chronopost SA a repris l'activité de la SFMI sur le territoire français. L'activité de la SFMI a été transformée et est devenue une activité commune internationale de courrier rapide exercée par les administrations des postes française, allemande, néerlandaise, canadienne et suédoise, conjointement avec une entreprise australienne, TNT. La SFMI est devenue une filiale à 100 % de GD Express Worldwide France, qui est elle-même une filiale à 100 % de GD Express Worldwide NV. Cette dernière est détenue à parts égales par TNT et par GD Net BV, qui est une société détenue par les différentes administrations nationales des postes. Sofipost détient 25 % des parts de GD Net BV. Il s'ensuit que, par l'intermédiaire de Sofipost, la Poste détient actuellement 66 % de l'activité interne de courrier rapide exercée par Chronopost SA et, indirectement, 12,5 % (25 % x 50 % x 100 % x 100 %) de l'activité internationale de courrier exercée par la SFMI.

4.

Dans le cadre de la nouvelle structure, Chronopost SA agit en qualité de prestataire de services et d'agent de la SFMI, en collectant et en distribuant en France des colis adressés par le réseau de GD Express Worldwide. En vertu des accords conclus lors de la création de GD Express Worldwide, Chronopost ne pouvait pas faire concurrence à la SFMI et était son agent exclusif jusqu'au 1er janvier 1995; en outre, la Poste a accordé à la SFMI (et donc en réalité à Chronopost SA) l'accès exclusif au réseau postal jusqu'à cette date.

5.

Le 21 décembre 1990, le SFEI, qui est une association regroupant plusieurs entreprises fournissant des services de courrier rapide, a saisi la Commission d'une plainte contre la République française au titre de l'article 92 du traité. Lors d'une réunion ultérieure entre les représentants du SFEI et la Commission, la question d'une éventuelle violation de l'article 86 par la Poste en tant qu'entreprise a également été soulevée. Le 10 mars 1992, la Commission a adressé au SFEI deux lettres l'informant de son intention de clôturer les procédures d'enquête relatives à l'aide d'État et à l'article 86.

6.

Par une requête déposée le 16 mai 1992, le SFEI et trois entreprises de courrier rapide ont demandé, devant le Tribunal de première instance, l'annulation de la lettre relative à l'enquête au titre de l'article 86. Par une ordonnance rendue le 30 novembre 1992, le Tribunal de première instance a rejeté le recours comme irrecevable, notamment au motif que la lettre de la Commission était dépourvue d'effets juridiques. Les parties requérantes ont formé un pourvoi devant la Cour de justice qui, par un arrêt du 16 juin 1994 ( 1 ), a annulé l'arrêt du Tribunal de première instance et a renvoyé l'affaire devant celui-ci. La Commission a ensuite retiré la lettre et, par ordonnance du 3 octobre 1994, le Tribunal de première instance a déclaré qu'il n'y avait pas lieu de statuer. Le 30 décembre 1994, la Commission a adopté une nouvelle décision clôturant la procédure d'enquête relative à l'article 86; cette décision fait l'objet de l'affaire T-77/95, qui est actuellement pendante devant le Tribunal de première instance.

7.

Par une requête déposée devant la Cour le 16 mai 1992, le SFEI et les trois mêmes entreprises ont demandé l'annulation de la décision clôturant la procédure d'enquête relative à l'aide d'État. A la suite du retrait par la Commission de cette lettre au mois de juillet 1992, la Cour a déclaré, par une ordonnance rendue le 18 novembre 1992 dans l'affaire C-222/92, qu'il n'y avait pas lieu de statuer, et a condamné la Commission aux dépens. La Commission doit encore prendre position en la matière.

8.

Le présent renvoi préjudiciel trouve son origine dans une action introduite le 16 juin 1993 devant le tribunal de commerce de Paris par le SFEI et d'autres parties contre la Poste, Sofipost, la SFMI, TAT, TAT Express et Chronopost. Les parties demanderesses demandent à la juridiction nationale:

de dire et juger que l'assistance logistique et l'assistance commerciale consenties par la Poste à la SFMI et à Chronopost sans contrepartie sérieuse constituent une aide d'État au sens de l'article 92 du traité;

de déclarer que cette aide est illicite au motif qu'elle n'a pas été préalablement notifiée à la Commission conformément à l'article 93, paragraphe 3, du traité;

de déclarer que les parties défenderesses ont commis des actes de concurrence déloyale;

de déclarer que la Poste, Sofipost, la SFMI et Chronopost ont commis un abus de position dominante au sens de l'article 86 du traité;

de constater que les parties défenderesses ont violé le principe d'égalité dans la concurrence;

d'enjoindre à la Poste de cesser immédiatement de consentir à la SFMI et à Chronopost les aides d'État illicites (sous astreinte de 250000 FF par jour);

d'ordonner à la SFMI de restituer à la Poste l'intégralité des aides d'État illicites perçues depuis sa création, qui s'élèvent à 2139000000 FF pour la période comprise entre 1986 et 1991, et

de condamner les parties défenderesses à payer aux parties demanderesses la somme de 216000000 FF à titre de dommages et intérêts.

9.

Les parties défenderesses ont notamment fait valoir que la juridiction nationale devait se déclarer incompétente au profit de la Commission ou, à titre subsidiaire, au profit des juridictions administratives françaises.

10.

L'ordonnance de renvoi n'expose pas le contexte factuel de la thèse du SFEI selon laquelle la Poste a accordé de manière illicite une aide à la SFMI et à Chronopost. Dans ses observations écrites, le SFEI donne de l'assistance logistique alléguée la présentation résumée qui suit:

« La SFMI dispose, en échange d'une contrepartie anormalement faible, des infrastructures postales, comprenant 300000 personnes, 73000 tournées quotidiennes de facteurs, 16835 bâtiments, 50000 véhicules, 300 wagons et 22 avions;

La SFMI bénéficie d'une procédure privilégiée de dédouanement;

La SFMI bénéficie de termes de paiement envers la Poste anormalement favorables. »

L'assistance commerciale alléguée consiste dans le fait que:

« La SFMI bénéficie d'un accès à la clientèle de la Poste et de son achalandage; et

La SFMI bénéficie des opérations de promotion et de publicité effectuées par la Poste. »

11.

Par une lettre du 13 juillet 1995, la Cour a demandé à la Commission d'expliquer pourquoi, depuis le retrait de sa décision en juillet 1992, elle n'avait pas encore été à même de prendre position sur la nature d'aide d'État ou non de l'assistance logistique et commerciale fournie par la Poste à la SFMI et à Chronopost. Par une lettre du 29 août 1995, la Commission a répondu que les plaignants avaient essentiellement fondé leur argumentation sur une étude de consultants qu'ils avaient eux-mêmes financée. La Commission a mis en doute certaines des prémisses sur lesquelles reposaient la conclusion selon laquelle il existait une aide sous forme d'assistance logistique et la quantification de cette aide; en outre, les autorités françaises avaient réfuté certaines allégations de fait, et en particulier celles qui concernaient la procédure privilégiée de dédouanement. La Commission exprimait également des doutes sérieux en ce qui concerne les allégations relatives à l'existence d'une aide sous la forme d'une assistance commerciale.

Les questions de la juridiction nationale

12.

Avant de se prononcer sur la question de sa propre compétence ou de procéder à un examen des faits, la juridiction nationale a décidé de demander à la Cour de se prononcer à titre préjudiciel sur les questions suivantes:

« 1)

Des mesures prises par un État membre consistant notamment, au travers du ministère de l'Économie et des Finances et du ministère des Postes et Télécommunications de cet État membre, à subventionner une société de messagerie express en lui fournissant une assistance logistique et commerciale et en renonçant à demander une compensation normale en rémunération de ses prestations techniques...

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