Krystyna Alder and Ewald Alder v Sabina Orlowska and Czeslaw Orlowski.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2012:583
Docket NumberC-325/11
Celex Number62011CC0325
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date20 September 2012
62011CC0325

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES BOT

présentées le 20 septembre 2012 ( 1 )

Affaire C‑325/11

Krystyna Alder,

Ewald Alder

contre

Sabina Orlowska,

Czeslaw Orlowski

[demande de décision préjudicielle formée par le Sąd Rejonowy w Koszalinie (Pologne)]

«Signification et notification des actes judiciaires et extrajudiciaires — Règlement (CE) no 1393/2007 — Portée — Détermination des cas dans lesquels un acte doit être transmis d’un État membre à l’autre — Disposition nationale prévoyant une fiction de signification par remise au dossier de la procédure à défaut de désignation par la partie domiciliée sur le territoire d’un autre État membre d’un représentant chargé de recevoir les significations domicilié sur le territoire national»

1.

La présente demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation du règlement (CE) no 1393/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 13 novembre 2007, relatif à la signification et à la notification dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale («signification ou notification des actes»), et abrogeant le règlement (CE) no 1348/2000 du Conseil ( 2 ).

2.

La question porte plus précisément sur le point de savoir si les États membres disposent ou non d’une marge de manœuvre pour définir les cas dans lesquels un acte doit faire l’objet d’une signification transfrontière selon les modalités prévues par le règlement no 1393/2007.

3.

L’application uniforme des règles de signification et de notification des actes judiciaires dans tous les États membres constituant un enjeu majeur de la construction d’un espace judiciaire européen, l’aspect technique et la complexité de la matière, caractérisée tant par l’enchevêtrement de normes nationales, internationales ou issues du droit de l’Union que par la coexistence, au sein même de l’ordre juridique de l’Union européenne, des règles issues du règlement no 1393/2007 et de règles issues d’autres instruments, ne doivent pas masquer l’importance certaine que revêt cette question, qui offre à la Cour l’occasion de préciser les modalités d’articulation entre les droits procéduraux internes et l’ordre juridique de l’Union.

4.

La présente affaire trouve son origine dans une action en paiement présentée le 20 novembre 2008 devant le Sąd Rejonowy w Koszalinie (Pologne) par Mme Alder et M. Alder ( 3 ), qui résident en Allemagne, à l’encontre de Mme Orlowska et M. Orlowski, qui résident en Pologne.

5.

Cette juridiction a informé les époux Alder de leur obligation de désigner, dans le délai d’un mois, un représentant autorisé à recevoir les significations, en application de l’article 11355 du code de procédure civile polonais (Kodeks postępowania cywilnego), qui prévoit que, à défaut de désignation, par la partie dont la résidence se situe à l’étranger, d’un mandataire ad litem ou d’un représentant autorisé à recevoir ces significations, les actes judiciaires destinés à cette partie sont conservés au dossier et réputés signifiés.

6.

Les époux Alder n’ayant pas désigné de mandataire ad litem ou de représentant autorisé à recevoir les significations, leur demande a été rejetée par jugement du 5 juin 2009, à l’issue d’une audience à laquelle ils n’ont pas comparu.

7.

Les époux Alder ont, le 29 octobre 2009, présenté une demande de réouverture de la procédure et de rétractation du jugement, en faisant valoir qu’ils avaient été privés de la possibilité d’agir faute d’avoir été effectivement convoqués à l’audience et que, en s’abstenant de signifier les actes judiciaires à leur adresse en Allemagne, le Sąd Rejonowy w Koszalinie avait enfreint le principe de non-discrimination en raison de la nationalité. Cette juridiction a, le 23 juin 2010, rejeté leur demande.

8.

Sur appel interjeté par les époux Alder, le Sąd Okręgowy w Koszalinie (Pologne) a, le 19 avril 2011, cassé ce jugement et renvoyé l’affaire devant la juridiction initialement saisie afin qu’elle statuât à nouveau, en considérant que la fiction de la signification était contraire au règlement no 1393/2007.

9.

Le Sąd Rejonowy w Koszalinie, qui ne partage pas cette analyse, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«L’article 1er, paragraphe 1, du règlement […] no 1393/2007 […] et l’article 18 TFUE doivent-ils être interprétés en ce que les actes judiciaires destinés à une partie dont la résidence ou le lieu de séjour habituel se situe dans un autre État membre peuvent être conservés au dossier, en étant réputés signifiés, lorsque ladite partie n’a pas désigné un représentant autorisé à recevoir les significations qui réside dans l’État membre dans lequel se déroule la procédure juridictionnelle?»

I – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

1. L’article 18 TFUE

10.

L’article 18 TFUE prévoit:

«Dans le domaine d’application des traités, et sans préjudice des dispositions particulières qu’ils prévoient, est interdite toute discrimination exercée en raison de la nationalité.

Le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, peuvent prendre toute réglementation en vue de l’interdiction de ces discriminations.»

2. Le règlement no 1393/2007

11.

Le règlement no 1393/2007, qui abroge et remplace le règlement (CE) no 1348/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif à la signification et à la notification dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale ( 4 ), établit un système de signification et de notification des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale dans les États membres de l’Union. Destiné à accélérer et à faciliter la transmission des actes, le règlement no 1393/2007 prévoit la transmission directe des actes dans les meilleurs délais ( 5 ) par l’entremise d’entités d’origine et d’entités requises, désignées par les États membres ( 6 ), tout en admettant d’autres modes de transmission ( 7 ) sans établir de hiérarchie entre eux ( 8 ), tels que la transmission par voie consulaire ou diplomatique, en cas de circonstances exceptionnelles ( 9 ), la signification ou la notification par les agents diplomatiques ou consulaires ( 10 ), la signification ou la notification par l’intermédiaire des services postaux ( 11 ) ou la signification ou la notification directe par l’huissier de justice à la demande de toute personne intéressée ( 12 ).

12.

Les considérants 6 à 9 du règlement no 1393/2007 sont rédigés comme suit:

«(6)

L’efficacité et la rapidité des procédures judiciaires en matière civile impliquent que la transmission des actes judiciaires et extrajudiciaires soit effectuée directement et par des moyens rapides entre les entités locales désignées par les États membres. […]

(7)

La rapidité de la transmission justifie l’utilisation de tout moyen approprié, pour autant que soient respectées certaines conditions quant à la lisibilité et à la fidélité du document reçu. […]

(8)

Le présent règlement ne devrait pas s’appliquer à la signification et à la notification d’un acte au représentant mandaté d’une partie dans l’État membre où l’instance a lieu, quel que soit le lieu de résidence de cette partie.

(9)

La signification ou la notification d’un acte devraient être effectuées dans les meilleurs délais, et, en tout état de cause, dans un délai d’un mois à compter de la réception par l’entité requise.»

13.

L’article 1er de ce règlement prévoit:

«1. Le présent règlement est applicable en matière civile et commerciale, lorsqu’un acte judiciaire ou extrajudiciaire doit être transmis d’un État membre à un autre pour y être signifié ou notifié. Il ne couvre notamment pas les matières fiscales, douanières ou administratives, ni la responsabilité de l’État pour des actes ou des omissions commis dans l’exercice de la puissance publique (‘acta jure imperii’).

2. Le présent règlement ne s’applique pas lorsque l’adresse du destinataire de l’acte n’est pas connue.

3. Aux fins du présent règlement, on entend par ‘État membre’, les États membres, à l’exception du Danemark.»

14.

Aux termes de l’article 26, dernier alinéa, dudit règlement, celui-ci est «obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans les États membres conformément au traité instituant la Communauté européenne».

B – Le droit polonais

15.

Aux termes de l’article 11355 du code de procédure civile polonais:

«1. La partie dont la résidence, le lieu de séjour habituel ou le siège se situe à l’étranger, et qui n’a pas désigné de mandataire ad litem résidant en Pologne, est tenue d’y nommer un représentant autorisé à recevoir les significations.

2. Si aucun représentant autorisé à recevoir les significations n’a été nommé, les actes judiciaires destinés à cette partie sont conservés au dossier et réputés signifiés. La partie doit en être informée lors de la première signification. Elle doit également être informée de la possibilité de répondre à l’acte introductif d’instance et de déposer des observations écrites, ainsi que des personnes qu’elle peut désigner comme représentants.»

II – Notre analyse

16.

La question posée par le Sąd Rejonowy w Koszalinie implique d’examiner la compatibilité de l’article 11355 du code de procédure civile polonais avec le droit de l’Union d’un double point de vue. Il convient, d’une part, de rechercher si la fiction de signification à défaut de désignation d’un représentant est autorisée au regard du règlement no 1393/2007 et en particulier de son article 1er. Il y a lieu, d’autre part, de...

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