Diego Calì & Figli Srl v Servizi ecologici porto di Genova SpA (SEPG).

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1996:482
Date10 December 1996
Celex Number61995CC0343
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-343/95
EUR-Lex - 61995C0343 - FR 61995C0343

Conclusions de l'avocat général Cosmas présentées le 10 décembre 1996. - Diego Calì & Figli Srl contre Servizi ecologici porto di Genova SpA (SEPG). - Demande de décision préjudicielle: Tribunale di Genova - Italie. - Entreprise portuaire - Prévention de la pollution - Monopole légal - Abus de position dominante. - Affaire C-343/95.

Recueil de jurisprudence 1997 page I-01547


Conclusions de l'avocat général

I - Observations liminaires

1 Le Tribunale di Genova a posé à la Cour, au titre de l'article 177 du traité CE, une série de questions préjudicielles relatives à la compatibilité avec la législation communautaire du monopole institué par l'autorité portuaire au bénéfice d'une société portuaire pour la prestation de services de surveillance/intervention antipollution dans le port de Gênes.

2 La présente affaire requiert l'examen de la question de savoir dans quelle mesure les divers services obligatoires fournis par les ports des États membres sont compatibles avec l'article 86 du traité. Cette question présente certaines similitudes avec celle soulevée par un précédent renvoi opéré par la même juridiction, au sujet de laquelle la Cour a rendu l'arrêt du 10 décembre 1991, Merci convenzionali porto di Genova (1) (ci-après l'«arrêt Merci»), en ce qui concerne tant le cadre réglementaire national que l'organisation des activités dans le port de Gênes.

3 Elle est importante parce qu'elle donne, pensons-nous, à la Cour l'occasion d'indiquer dans quelle mesure la protection de l'environnement fait ou non partie des activités essentielles relevant de la puissance publique et, en conséquence, dans quelle mesure un organisme chargé principalement de prévenir les pollutions exerce une activité constituant une mission étatique.

II - Cadre juridique

A - Dispositions communautaires

4 L'article 86 du traité interdit l'abus de position dominante susceptible d'affecter le commerce entre États membres et le déclare incompatible avec le marché commun. Cet article est formulé dans les termes suivants:

«Est incompatible avec le marché commun et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d'en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci.

Ces pratiques abusives peuvent notamment consister à:

a) imposer de façon directe ou indirecte des prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction non équitables,

b) ...,

c) appliquer à l'égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence,

d) subordonner la conclusion de contrats à l'acceptation, par les partenaires, de prestations supplémentaires, qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n'ont pas de lien avec l'objet de ces contrats.»

5 L'article 90 du traité est formulé dans les termes suivants:

«1. Les États membres, en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, n'édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire aux règles du présent traité, notamment à celles prévues aux articles 6 et 85 à 94 inclus.

2. Les entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général ou présentant le caractère d'un monopole fiscal sont soumises aux règles du présent traité, notamment aux règles de concurrence, dans les limites où l'application de ces règles ne fait pas échec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie. Le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l'intérêt de la Communauté.

3. ...»

B - Législation nationale

6 Le port de Gênes est géré par un organisme public, le Consorzio autonomo del porto (ci-après le «CAP») (2), auquel ont été conférées, par voie législative, des compétences de nature tant administrative qu'économique concernant la gestion du port.

7 Par son ordonnance n_ 14, du 1er juillet 1986, le président du CAP a approuvé le règlement de police et de sécurité portuaires du Porto petroli di Genova-Multedo, c'est-à-dire du terminal pétrolier du port de Gênes (ci-après le «Porto petroli»).

8 L'ordonnance n_ 32 du président du CAP, du 23 juillet 1991, a modifié le règlement précité et a créé un service obligatoire de surveillance et d'intervention immédiate visant à protéger le domaine maritime du port contre une éventuelle pollution due aux déversements d'hydrocarbures.

9 Par le décret n_ 1186 du président du CAP, du 30 août 1991, ce service a été confié, sous la forme d'une concession exclusive, à l'entreprise Servizi ecologici porto di Genova SpA (ci-après «SEPG»).

10 De l'article 1er de l'ordonnance n_ 32 du président du CAP, il résulte que les compétences suivantes ont été conférées à SEPG:

a. l'exercice d'une surveillance constante des eaux, en raison de la présence de navires-citernes accostant ou amarrés aux quais, afin de repérer immédiatement d'éventuels risques de déversements d'hydrocarbures ou d'autres substances polluantes résultant de fautes délictuelles ou quasi-délictuelles;

b. en cas de pollution, que ce soit au départ d'un navire ou de la terre ferme, survenue au cours des opérations de chargement ou de déchargement et dans toute autre circonstance possible:

1) la dénonciation immédiate du fait aux autorités compétentes, s'accompagnant de la communication de toutes les informations utiles à l'évaluation du phénomène;

2) l'exécution en temps opportun, sous réserve de l'imputation des frais y afférents aux responsables de la pollution, de toutes les interventions nécessaires ou opportunes pour contenir le déversement et les risques qui y sont liés et pour procéder à l'enlèvement et/ou à la neutralisation des substances déversées, ainsi qu'à l'assainissement complet des eaux concernées.

11 Le décret n_ 1191 du président du CAP, du 30 août 1991, a approuvé les tarifs pratiqués par SEPG pour la fourniture des services concernés aux navires utilisant les installations du Porto petroli, tarifs fondés sur la jauge du navire et sur les quantités transportées ainsi que sur la durée de l'intervention lorsqu'il y a intervention effective. Ce décret a imposé à tout navire se disposant à utiliser les terminaux du Porto petroli pour le chargement ou le déchargement de produits pétroliers ou pétrochimiques, quels que soient son lieu de provenance et sa nationalité, l'obligation d'acquitter, en contrepartie des services de prévention de la pollution, les sommes qui leur sont imputées dans les factures émises par SEPG.

12 Cependant, les décisions précitées du président du CAP n'ont pas prévu l'application du tarif à la société portuaire Porto petroli, à laquelle le CAP a confié l'exécution des opérations techniques de chargement et de déchargement des produits pétroliers, chimiques et pétrochimiques dans le Porto petroli.

III - Cadre factuel

13 La société Diego Calì & Figli (ci-après «Calì»), société de droit italien qui exerce une activité de transport maritime de produits pétrochimiques, pour le compte de tiers, au moyen de navires-citernes, a utilisé à plusieurs reprises, au cours des années 1992 à 1994, les quais Ouest 2 et Ouest 3 du Porto petroli (3) pour le déchargement d'acétone (4).

14 Dans la région du golfe de Ligurie, il n'existe pas d'autres terminaux destinés au chargement et au déchargement des produits chimiques et pétrochimiques (5).

15 Les opérations matérielles de déchargement n'ont pas été effectuées par Calì, mais par la société portuaire Porto petroli di Genova. Cependant, les navires de Calì étaient dotés de leurs propres équipements et systèmes antipollution.

16 SEPG a adressé à Calì des factures pour un montant total de 8 708 928 LIT, correspondant aux «services fournis» par elle à cette société. Calì a refusé de payer cette somme, en faisant valoir qu'elle ne s'était jamais adressée à SEPG pour lui demander la prestation de quelque service que ce soit en vue de prévenir la pollution dans le port de Gênes.

17 Le 22 décembre 1994, SEPG a obtenu du président du Tribunale di Genova qu'il enjoigne à Calì de payer la somme susmentionnée.

IV - Questions préjudicielles

18 Dans le cadre de la procédure d'opposition à cette injonction de payer engagée par la société Calì, le Tribunale di Genova a soumis trois questions préjudicielles à la Cour, par ordonnance du 12 octobre 1995:

«1) Existe-t-il une `position dominante sur le marché ou dans une partie substantielle de celui-ci', dans le cas où une société par actions, constituée à l'initiative d'une autorité portuaire nationale, est chargée d'assurer, et assure effectivement, sur la base d'une concession administrative reçue de ladite autorité, la gestion exclusive, dans le cadre d'un secteur portuaire spécialisé dans le chargement et le déchargement de produits pétroliers, d'un service de `surveillance antipollution', en appliquant aux utilisateurs de ce service, c'est-à-dire aux navires accostant en vue d'effectuer les opérations susdites, le tarif y afférent, fixé unilatéralement par l'autorité portuaire, sur la base de la jauge du navire et des quantités de produits débarqués ou embarqués?

2) Compte tenu de la situation décrite au point 1) et en présence d'une position dominante sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci, y a-t-il exploitation abusive de cette `position dominante', au sens de l'article 86 du traité et, en particulier, des hypothèses définies sous a), c) et d) et des pratiques correspondantes, de la part d'une entreprise à laquelle ce service a été confié sous la forme d'une concession exclusive et qui impose (même si c'est sur la base d'une décision de l'organisme concédant), des tarifs:

- qui sont obligatoires et indépendants de la prestation d'un service de surveillance et/ou...

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