Gérald De Cuyper v Office national de l'emploi.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2006:77
Docket NumberC-406/04
Celex Number62004CC0406
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date02 February 2006

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. L. A. GEELHOED

présentées le 2 février 2006 (1)

Affaire C-406/04

Gérald De Cuyper

contre

Office national de l'emploi

[demande de décision préjudicielle formée par le tribunal du travail de Bruxelles (Belgique)]

«Interprétation des articles 17 CE et 18 CE instituant la citoyenneté européenne, à la lumière d'une disposition de droit interne qui subordonne l'octroi d'allocations de chômage à la résidence effective sur le territoire national»





I – Introduction

1. Dans la présente affaire, le tribunal du travail de Bruxelles (Belgique) a, en application de l'article 234 CE, saisi la Cour de questions par lesquelles il demande en substance si une condition de résidence figurant dans une réglementation nationale, qui doit être remplie pour bénéficier d'une allocation, est contraire au droit, conféré par les articles 17 CE et 18 CE, d'un citoyen de l'Union européenne de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres où le demandeur est un chômeur qui n'est pas obligé de se tenir à disposition sur le marché du travail.

2. Cela pose en premier lieu la question de la qualification de l'allocation en droit communautaire.

3. Une fois la qualification effectuée, la principale question à traiter est de savoir si l'allocation peut être exportée en application des règles communautaires sur la sécurité sociale.

II – Le droit communautaire pertinent

4. Les articles 17 CE et 18 CE disposent:

«Article 17

1. Il est institué une citoyenneté de l'Union. Est citoyen de l'Union toute personne ayant la nationalité d'un État membre. […]

2. Les citoyens de l'Union jouissent des droits et sont soumis aux devoirs prévus par le présent traité.

Article 18

1. Tout citoyen de l'Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, sous réserve des limitations et conditions prévues par le présent traité et par les dispositions prises pour son application.

[…]»

5. Aux termes de l'article 7 du règlement (CEE) nº 1612/68 (2):

«1. Le travailleur ressortissant d'un État membre ne peut, sur le territoire des autres États membres, être, en raison de sa nationalité, traité différemment des travailleurs nationaux, pour toutes conditions d'emploi et de travail, notamment en matière de rémunération, de licenciement, et de réintégration professionnelle ou de réemploi s'il est tombé en chômage.

2. Il y bénéficie des mêmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux.

[…]»

6. Le règlement (CEE) nº 1408/71 (3) porte sur l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté.

7. L'article 1er, sous a), i), de ce règlement désigne par les termes «travailleur salarié» toute personne qui est assurée au titre d'une assurance obligatoire ou facultative continuée contre une ou plusieurs éventualités correspondant aux branches d'un régime de sécurité sociale s'appliquant aux travailleurs salariés ou non salariés.

8. Pour ce qui nous intéresse en l'espèce, l'article 1er, sous o), du même règlement définit l'«institution compétente» comme «l'institution à laquelle l'intéressé est affilié au moment de la demande de prestations».

9. L'État membre sur le territoire duquel se trouve l'institution compétente est défini comme l'«État compétent» (4).

10. Aux termes de l'article 10, paragraphe 1, du règlement nº 1408/71:

«À moins que le […] règlement n'en dispose autrement, les prestations en espèces d'invalidité, de vieillesse ou des survivants, les rentes d'accident du travail ou de maladie professionnelle et les allocations de décès acquises au titre de la législation d'un ou de plusieurs États membres ne peuvent subir aucune réduction, ni modification, ni suspension, ni suppression, ni confiscation du fait que le bénéficiaire réside sur le territoire d'un État membre autre que celui où se trouve l'institution débitrice.

[…]»

11. L'article 4, paragraphe 1, du règlement nº 1408/71 dispose:

«Le […] règlement s'applique à toutes les législations relatives aux branches de sécurité sociale qui concernent:

[…]

c) les prestations de vieillesse;

[…]

g) les prestations de chômage;

[…]»

12. Le Titre III, chapitre 6, du règlement nº 1408/71 énonce des dispositions spéciales relatives aux prestations de chômage.

13. La section 2 dudit chapitre 6 comporte des règles relatives aux chômeurs qui se rendent dans un État membre autre que l'État compétent. L'article 69, figurant dans cette section, confère aux chômeurs qui se rendent dans un autre État membre pour chercher du travail un droit, limité, aux prestations de chômage.

14. Dans la section 3 du même chapitre 6 figurent des règles sur les chômeurs qui, au cours de leur dernier emploi, résidaient dans un État membre autre que l'État compétent. Ainsi, l'article 71, paragraphe 1, sous a), porte sur le droit aux prestations de chômage accordé aux travailleurs frontaliers qui sont en chômage partiel ou accidentel ou qui sont en chômage complet. L'article 71, paragraphe 1, sous b), porte, quant à lui, sur le droit aux prestations de chômage conféré aux chômeurs autres que les travailleurs frontaliers qui, au cours de leur dernier emploi, résidaient dans un État membre autre que l'État compétent.

III – Le droit national pertinent

15. Aux termes de l'article 66, paragraphe 1, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991, portant réglementation du chômage (5):

«Pour bénéficier des allocations de chômage, le chômeur doit avoir sa résidence habituelle en Belgique; en outre, il doit résider effectivement en Belgique.

Le ministre détermine, après avis du comité de gestion, les cas et les conditions dans lesquels les allocations peuvent être accordées au chômeur qui ne réside pas effectivement en Belgique.»

16. Les dérogations ministérielles à l'obligation de résidence effective (ci-après la «condition de résidence» ou l'«obligation de résidence») figurent à l'article 39 de l'arrêté ministériel du 26 novembre 1991, portant modalités d'application de la réglementation du chômage, lequel vise quatre situations spécifiques dans lesquelles un séjour provisoire et de courte durée, c'est-à-dire ne dépassant pas quatre semaines, n'exclut pas la liquidation des prestations.

17. Selon l'article 89, paragraphe 1, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991, tel que modifié par un arrêté royal du 22 novembre 1995 (6), un chômeur complet âgé de 50 ans au moins peut être dispensé à sa demande de certaines obligations énoncées dans d'autres dispositions de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 s'il a bénéficié d'au moins 312 versements d'allocations comme chômeur complet au cours des deux années précédant cette demande. Ces obligations incluent celle d'être disponible sur le marché du travail et d'accepter tout emploi convenable, l'obligation de se présenter en personne au service de placement compétent ou de participer à un plan d'accompagnement, ainsi que l'obligation de s'inscrire comme demandeur d'emploi.

18. L'article 89 de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 a été récemment modifié par un arrêté royal du 27 mai 2002 (7), entré en vigueur le 1er juillet 2002. D'après cette modification, la dispense des obligations énoncées dans l'arrêté royal du 25 novembre 1991 et dont bénéficient les chômeurs d'un certain âge varie selon que le chômeur est âgé de plus de 50 ans ou de plus de 58 ans. Ainsi, les chômeurs âgés de 50 à 58 ans peuvent être dispensés de certaines obligations, mais pas de celle d'être disponible sur le marché du travail et d'accepter tout emploi convenable, de l'obligation de se présenter en personne au service de placement compétent ou de participer à un plan d'accompagnement, et de l'obligation de s'inscrire comme demandeur d'emploi. En revanche, les chômeurs de plus de 58 ans sont dispensés de ces trois obligations, en plus d'autres.

IV – Les faits et la procédure nationale

19. M. De Cuyper, né en 1942, est de nationalité belge. Il était auparavant employé en Belgique et a été admis au bénéfice des allocations de chômage en 1997.

20. En 1998, il a été dispensé de l'obligation de se soumettre au contrôle communal sur la base de l'article 89, paragraphe 1, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991. Cette dispense emportait les conséquences suivantes:

– dans l'éventualité de l'exercice d'une activité accessoire, il ne se trouvait pas tenu de démontrer qu'il avait déjà exercé celle-ci durant la période pendant laquelle il avait été occupé comme travailleur salarié, pendant les trois mois précédant sa demande d'allocations;

– il ne se trouvait plus soumis à l'obligation d'être disponible sur le marché de l'emploi et d'accepter tout emploi convenable, à celle de se présenter au service de placement ou encore à celle de participer à un plan d'accompagnement;

– il était autorisé à effectuer, pour son propre compte et sans but lucratif, toute activité concernant ses biens propres;

– il se trouvait dispensé de l'obligation d'inscription comme demandeur d'emploi.

21. Dans une déclaration portant sur sa situation personnelle et familiale effectuée en 1999, M. De Cuyper a confirmé être célibataire et résider à Bruxelles.

22. À la suite d'une enquête de routine menée au mois d'avril 2000 pour vérifier l'exactitude des déclarations faites par le bénéficiaire, l'Office national de l'emploi (ci-après l'«ONEM») a convoqué M. De Cuyper pour un entretien à Bruxelles aux fins de vérifier sa situation familiale, entretien auquel il s'est rendu comme prévu. Par la suite, il a été entendu à l'ONEM. Lors de son audition, il a déclaré qu'il résidait depuis le mois de janvier 1999 dans le sud de la France où il avait acheté un bateau qu'il rénovait pour en faire son habitation.

23. M. De Cuyper a reconnu qu'il retournait environ tous les trois mois en Belgique où il disposait d'une chambre meublée et qu'il n'avait pas informé l'ONEM de ce changement intervenu dans sa situation personnelle.

24. Sur la base de ses...

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