Maurice Leone and Blandine Leone v Garde des Sceaux, ministre de la Justice and Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2014:117
Docket NumberC-173/13
Celex Number62013CC0173
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date27 February 2014
62013CC0173

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NIILO JÄÄSKINEN

présentées le 27 février 2014 ( 1 )

Affaire C‑173/13

Maurice Leone,

Blandine Leone

contre

Garde des Sceaux, Ministre de la Justice,

Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales

[demande de décision préjudicielle formée par la cour administrative d’appel de Lyon (France)]

«Politique sociale — Article 141 CE — Égalité des rémunérations entre travailleurs féminins et travailleurs masculins — Retraite anticipée avec jouissance immédiate de la pension — Bonification d’ancienneté — Avantages accordés, sans distinction de sexe, sous condition d’interruption de l’activité professionnelle pour éduquer des enfants — Absence de cadre légal permettant aux fonctionnaires masculins de bénéficier d’un congé équivalent au congé de maternité ouvert aux fonctionnaires féminins — Discrimination indirecte — Justification éventuelle — Mesures d’action positive»

I – Introduction

1.

La demande de décision préjudicielle présentée par la cour administrative d’appel de Lyon (France) est relative au principe de l’égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins. Compte tenu de la date des données du litige au principal, l’interprétation sollicitée doit être comprise comme concernant l’article 141 CE plutôt que l’article 157 TFUE, qui est visé par la juridiction de renvoi mais n’est applicable qu’à compter du 1er décembre 2009, la teneur de ces dispositions étant au demeurant quasiment identique.

2.

Cette demande est formée dans le cadre d’une action en responsabilité ayant été introduite par les époux Leone contre l’État français sur le fondement d’une violation alléguée du droit de l’Union. Leur action fait suite au refus, opposé par la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (ci‑après la «CNRACL»), d’appliquer au profit de M. Leone des dispositions du droit français accordant des avantages en matière de pensions de retraite, faute pour lui d’avoir dûment interrompu sa carrière afin d’éduquer ses enfants. Ils soutiennent, notamment, que M. Leone aurait été victime d’une discrimination indirecte, en raison du fait que les conditions d’accès auxdits avantages seraient, selon eux, plus favorables pour les fonctionnaires féminins, malgré leur apparence neutre.

3.

Les deux types d’avantages concernés par ce renvoi préjudiciel, à savoir la possibilité d’une retraite anticipée avec jouissance immédiate de la pension – faisant l’objet de la première question – et le droit à une bonification d’ancienneté au titre de la retraite – faisant l’objet de la deuxième question –, sont subordonnés à des conditions similaires. Dans les deux cas, il est exigé que le titulaire de la pension ait interrompu son activité professionnelle pendant une durée continue d’au moins deux mois et dans le cadre de l’un des types de congés liés à l’éducation d’enfants qui sont énumérés par les dispositions nationales en cause. La problématique principale est de savoir si de telles dispositions, qui sont applicables sans distinction de sexe, sont néanmoins indirectement discriminatoires au détriment des travailleurs masculins, en ce qu’elles prévoient une condition afférente à un éloignement du travail dont la durée coïncide avec le congé de maternité obligatoire.

4.

Une problématique similaire a déjà été soumise à la Cour récemment. En effet, une règle de bonification analogue à celle visée par la présente deuxième question avait donné lieu à un renvoi préjudiciel, dans l’affaire Amédée, au sujet de laquelle j’ai présenté des conclusions ( 2 ), avant que celle‑ci ne fasse l’objet d’une radiation ( 3 ). Les avis et les arguments que j’ai exposés dans le cadre de ladite affaire seront, selon moi, pertinents mutatis mutandis pour examiner la présente affaire. C’est la raison pour laquelle il me paraît opportun, d’une part, d’évoquer ladite question en premier lieu et, d’autre part, d’inviter le lecteur à prendre préalablement connaissance de la teneur de ces autres conclusions.

5.

La troisième question n’est posée qu’à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où les discriminations indirectes envisagées dans les deux précédentes questions seraient avérées. En substance, la Cour est interrogée sur le point de savoir si de tels facteurs de discrimination pourraient être justifiés, sur le fondement de l’article 141, paragraphe 4, CE ( 4 ), en tant que mesures destinées à compenser des désavantages subis par les femmes dans leur carrière professionnelle.

II – Le cadre juridique français

A – Les dispositions pertinentes relatives à la retraite anticipée

6.

Il résulte du code des pensions civiles et militaires de retraite (ci‑après le «code des pensions») que les fonctionnaires civils peuvent bénéficier d’une retraite anticipée avec jouissance immédiate de leur pension, sans avoir atteint l’âge légal de la retraite, sous réserve de remplir certaines conditions.

7.

L’article L. 24 de ce code, dans sa version issue de l’article 136 de la loi no 2004‑1485 du 30 décembre 2004 ( 5 ) (ci‑après la «loi no 2004‑1485»), dispose:

«I. – La liquidation de la pension intervient: [...]

Lorsque le fonctionnaire civil est parent de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, ou d’un enfant vivant, âgé de plus d’un an et atteint d’une invalidité égale ou supérieure à 80 %, à condition qu’il ait, pour chaque enfant, interrompu son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.

Sont assimilées à l’interruption d’activité mentionnée à l’alinéa précédent les périodes n’ayant pas donné lieu à cotisation obligatoire dans un régime de retraite de base, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.

Sont assimilés aux enfants mentionnés au premier alinéa les enfants énumérés au II de l’article L. 18 que l’intéressé a élevés dans les conditions prévues au III dudit article; [...]»

8.

L’article L. 18, paragraphe II, dudit code, tel que modifié par la loi no 91‑715 du 26 juillet 1991 ( 6 ), définit les catégories d’enfants ouvrant droit à un tel avantage, parmi lesquelles figurent, en particulier, «[l]es enfants légitimes, les enfants naturels dont la filiation est établie et les enfants adoptifs du titulaire de la pension». Le paragraphe III de ce même article ajoute, notamment, qu’«à l’exception des enfants décédés par faits de guerre, les enfants devront avoir été élevés pendant au moins neuf ans, soit avant leur seizième anniversaire, soit avant l’âge où ils ont cessé d’être à charge au sens des articles L. 512‑3 et R. 512‑2 à R. 512‑3 du code de la sécurité sociale».

9.

L’article R. 37 du code des pensions, dans sa rédaction issue du décret no 2005‑449 du 10 mai 2005 ( 7 ) (ci‑après le «décret no 2005‑449»), prévoit:

«I. –

L’interruption d’activité prévue au premier alinéa du 3° du I de l’article L. 24 doit avoir eu une durée continue au moins égale à deux mois et être intervenue alors que le fonctionnaire était affilié à un régime de retraite obligatoire. [...]

Cette interruption d’activité doit avoir eu lieu pendant la période comprise entre le premier jour de la quatrième semaine précédant la naissance ou l’adoption et le dernier jour de la seizième semaine suivant la naissance ou l’adoption.

[...] [ ( 8 )]

II. –

Sont prises en compte pour le calcul de la durée d’interruption d’activité les périodes correspondant à une suspension de l’exécution du contrat de travail ou à une interruption du service effectif, intervenues dans le cadre:

a)

Du congé pour maternité [...];

b)

Du congé de paternité [...];

c)

Du congé d’adoption [...];

d)

Du congé parental [...];

e)

Du congé de présence parentale [...];

f)

D’une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans [...].

III. –

Les périodes visées au deuxième alinéa du 3° du I de l’article L. 24 sont les périodes n’ayant pas donné lieu à cotisation de l’intéressé et pendant lesquelles celui‑ci n’exerçait aucune activité professionnelle.»

B – Les dispositions pertinentes relatives à la bonification d’ancienneté

10.

Aux termes de l’article 15 du décret no 2003‑1306, du 26 décembre 2003, relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales ( 9 ) (ci‑après le «décret relatif aux fonctionnaires des collectivités locales»):

«I. – Aux services effectifs s’ajoutent, dans les conditions prévues pour les fonctionnaires civils de l’État, les bonifications suivantes: [...]

Une bonification fixée à quatre trimestres, à condition que les fonctionnaires aient interrompu leur activité, pour chacun de leurs enfants légitimes et de leurs enfants naturels nés avant le 1er janvier 2004, pour chacun de leurs enfants dont l’adoption est antérieure au 1er janvier 2004 et, sous réserve qu’ils aient été élevés pendant neuf ans au moins avant leur vingt et unième anniversaire, pour chacun des autres enfants énumérés au paragraphe II de l’article 24 dont la prise en charge a débuté avant le 1er janvier 2004.

Cette interruption d’activité doit être d’une durée continue au moins égale à deux mois et intervenir dans le cadre d’un congé pour maternité, d’un congé pour adoption, d’un congé parental ou d’un congé de présence parentale [...], ou d’une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans [...];

Les dispositions du 2° s’appliquent aux pensions liquidées à compter du 28 mai 2003;

La bonification prévue au 2° est acquise aux femmes fonctionnaires ayant accouché au cours de leurs années d’études avant le 1er janvier 2004 et avant leur recrutement dans la fonction...

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