Claude Ruiz-Picasso and Others v Office for Harmonisation in the Internal Market (Trade Marks and Designs) (OHIM).

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2005:531
CourtCourt of Justice (European Union)
Date08 September 2005
Docket NumberC-361/04
Celex Number62004CC0361
Procedure TypeRecurso de anulación

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. DÁmaso Ruiz-Jarabo Colomer

présentées le 8 septembre 2005 (1)

Affaire C-361/04 P

Claude Ruiz-Picasso,

Paloma Ruiz-Picasso,

Maya Widmaier-Picasso,

Marina Ruiz-Picasso,

Bernard Ruiz-Picasso,

contre

OHMI

«Pourvoi – Marque communautaire – Marque verbale ‘PICARO’ – Opposition du titulaire de la marque verbale communautaire ‘PICASSO’ – Rejet de l’opposition»





1. Le pourvoi a été formé contre l’arrêt rendu le 22 juin 2004 par le Tribunal de première instance des Communautés européennes (2) qui a rejeté le recours en annulation introduit contre la décision de la troisième chambre de recours de l’office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), laquelle, à son tour, avait rejeté l’opposition présentée par les titulaires de la marque verbale PICASSO, requérants dans le présent pourvoi, contre l’enregistrement du signe verbal PICARO pour des véhicules.

2. Le litige s’inscrit dans le débat sur le risque de confusion et, par conséquent, il a trait à l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 (3). Un seul moyen, composé de quatre branches, a été invoqué au soutien du pourvoi. Dans la première, les requérants font référence à des arrêts du Tribunal de première instance selon lesquels l’importance prise par l’élément conceptuel dans l’évaluation de la similitude peut annuler les éventuelles ressemblances graphiques et phonétiques; dans la deuxième branche, les requérants abordent la question relative à la protection spéciale accordée aux marques qui présentent un caractère distinctif élevé; les troisième et quatrième branche traitent de certains aspects relatifs au risque de confusion après l’achat du produit par le consommateur.

3. Tout d’abord, il est surprenant de voir le nom de Pablo Ruiz Picasso impliqué dans un pourvoi, sans rapport avec les œuvres qu’il a peintes ou sculptées (4), qui porte sur de banales procédures judiciaires relatives à l’utilisation de son second patronyme, qui l’a identifié comme artiste et sous lequel il a signé la plus grande partie de ses œuvres. Il est triste de constater que le mythe le plus marquant du XXe siècle, patrimoine de l’humanité, est réduit à un objet commercial, à une marchandise. S’il n’y a rien à redire quant à l’existence d’un intérêt légitime à défendre ce nom face à toute attaque qui lui porterait atteinte, son utilisation démesurée à des fins mercantiles, hors des domaines dans lesquels il a acquis son prestige, pourrait compromettre le respect dû à l’extraordinaire personnalité de cet homme.

I – Le règlement n° 40/94

4. Le règlement nº 40/94 contient les dispositions applicables à la résolution du litige.

5. Selon l’article 4 de celui‑ci, «p»euvent constituer des marques communautaires tous signes susceptibles d’une représentation graphique, notamment les mots, y compris les noms de personnes, les dessins, les lettres, les chiffres, la forme du produit ou de son conditionnement, à condition que de tels signes soient propres à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises».

6. L’article 8, qui énumère les motifs de refus relatifs, dispose au paragraphe 1, sous b):

«1. Sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement:

a) [...];

b) lorsqu’en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée; le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.»

II – Faits et procédure à l’origine du pourvoi

A – les faits établis en première instance

7. Le 11 septembre 1998, DaimlerChrysler AG, partie intervenante en première instance, a déposé auprès de l’OHMI une demande de marque communautaire portant sur le signe PICARO.

8. Elle a demandé l’enregistrement pour les «automobiles et leurs pièces, les autobus», produits correspondant à la classe 12 de l’arrangement de Nice, concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié (ci‑après l’«arrangement de Nice».

9. Après publication en bonne et due forme au Bulletin des marques communautaires, la «succession Picasso» (5) a formé, en vertu de l’article 42, paragraphe 1, du règlement nº 40/94, une opposition portant sur toutes les catégories de biens énumérées dans la demande et fondée sur le risque de confusion visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94.

10. L’opposition introduite sur le fondement de cet article 42 était fondée sur l’enregistrement antérieur de la marque communautaire nº 614 867 au profit des héritiers de l’artiste. Le signe verbal PICASSO a été enregistré le 26 avril 1999 pour les produits relevant de la classe 12 de l’arrangement de Nice, comportant la description suivante: «véhicules; appareils de locomotion par terre, par air ou par eau, voitures, autobus, camions, camionnettes, caravanes, véhicule remorques».

11. La division compétente de l’OHMI a autorisé l’enregistrement en cause en faisant valoir l’absence de risque de confusion entre les marques litigieuses. En application de l’article 59 du règlement nº 40/94, la succession Picasso a introduit un recours devant la chambre de recours de l’OHMI tendant à l’annulation de l’enregistrement effectué et au refus de dépôt de la marque.

12. Par une décision du 18 mars 2002 (6), la troisième chambre de recours n’a pas fait droit à cette prétention et a considéré que, compte tenu du niveau élevé d’attention du public pertinent, les signes litigieux ne présentaient aucune similitude auditive ou visuelle. De surcroît, elle a estimé que l’impact conceptuel de la marque antérieure permettait de neutraliser toute affinité phonétique ou visuelle entre les deux signes.

13. Le 13 juin 2002, les héritiers de Picasso ont déposé au greffe du Tribunal de première instance une requête tendant à l’annulation de la décision rendue par la chambre de recours.

B – L’arrêt attaqué

14. La requérante invoquait deux moyens, l’un fondé sur la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94 et l’autre faisant valoir que la chambre de recours avait statué au-delà des limites du litige définies par les parties dans le cadre de la procédure d’opposition.

15. L’arrêt attaqué n’ayant pas fait l’objet d’un pourvoi portant sur le second moyen, aucun développement n’y sera consacré.

16. Pour ce qui a trait à la violation de la disposition précitée du règlement nº 40/94, le Tribunal a, en premier lieu, porté une appréciation globale sur le risque de confusion à la lumière des critères qu’il avait fixés dans son arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI‑Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS) (7). Cette appréciation d’ensemble a révélé l’identité ou la similitude partielles des produits désignés par les marques en conflit (8).

17. Par la suite, s’appuyant sur des arrêts précédemment rendus (9), le Tribunal s’est attaché à l’examen du degré de similitude entre les signes, lequel a révélé des similitudes visuelles et phonétiques, même si ces dernières étaient faibles. S’agissant de la similitude conceptuelle entre les marques en cause, le Tribunal a relevé les différences notoires qui existent entre, d’une part, le nom du peintre célèbre (10) et, d’autre part, le mot «pícaro», et il a souligné que, excepté pour le public hispanophone, le second terme était dépourvu de sens (11), bien qu’il n’ait pas analysé son origine (12).

18. En raison des divergences conceptuelles exposées et au regard de la signification claire du nom de celui qui a peint Les demoiselles d’Avignon (13), le Tribunal a considéré que le contenu sémantique, en tant que marque de véhicule, ne pouvait pas se superposer à celui du créateur de Guernica (14), dans la perception du consommateur moyen, lequel n’associera jamais, de prime abord, un tel patronyme avec une marque d’automobiles. Le Tribunal en déduit que la disparité conceptuelle totale entre les signes litigieux doit primer les similitudes visuelles et phonétiques (15).

19. Invoquant la notoriété du nom Picasso, les héritiers du génie ont réclamé la protection étendue qu’offre la jurisprudence aux marques présentant un caractère distinctif élévé (16). Le Tribunal a refusé de l’accorder au motif que l’important degré de notoriété de l’artiste ne pouvait pas augmenter le risque de confondre les produits en cause (17).

20. Enfin, le Tribunal a analysé le degré d’attention du public concerné lors de l’achat au regard du développement technologique et du prix de ce type de produit, et il l’a qualifié de particulièrement élevé. En revanche, le Tribunal s’est borné à évaluer le niveau d’attention lors de l’acquisition, en omettant de l’apprécier à des moments différents, notamment postérieurement à la vente, alors que ces périodes peuvent être pertinentes pour apprécier un risque de confusion après la vente (18).

III – La procédure devant la Cour et les prétentions des parties

21. La requête introduite par l’indivision héréditaire Picasso a été déposée au greffe de la Cour le 19 août 2004 et l’OHMI y a répondu le 6 décembre. Il n’y a pas eu de mémoire en réplique ni de mémoire en duplique.

22. Les représentants des deux parties ainsi que ceux de DaymlerChrysler AG, partie intervenante en première instance et dans la procédure de pourvoi, ont assisté à l’audience, qui s’est tenue le 14 juillet 2005.

23. Les requérants ont conclu à ce qu’il plaise à la Cour:

– annuler l’arrêt attaqué;

– annuler la décision rendue par la troisième chambre de recours de l’OHMI le 18 mars 2002 dans la procédure de recours R 247/2001‑3 dans la mesure où elle a rejeté l’opposition formée par la requérante contre...

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