European Commission v French Republic.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2010:72
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-492/08
Date11 February 2010
Procedure TypeRecurso por incumplimiento – fundado
Celex Number62008CC0492

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NIILO Jääskinen

présentées le 11 février 2010 (1)

Affaire C‑492/08

Commission européenne

contre

République française

«Directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée – Taux réduit de TVA – Catégories de services visés au point 15 de l’annexe III pouvant bénéficier d’un taux réduit – Prestations fournies par des avocats et assimilés pour lesquelles ils sont indemnisés par l’État français dans le cadre de l’aide juridictionnelle»





I – Introduction

1. La République française applique, depuis le 1er avril 1991, en vertu de l’article 279 du code général des impôts, un taux de taxe sur la valeur ajoutée (ci‑après la «TVA») réduit à 5,5 % à l’égard des prestations rendues par les avocats, les avocats au Conseil d’État (France) et à la Cour de cassation (France) et les avoués (ci‑après les «avocats») pour lesquelles ceux‑ci sont indemnisés totalement ou partiellement par l’État dans le cadre de l’aide juridictionnelle.

2. Par sa requête, la Commission des Communautés européennes a demandé à la Cour de constater que, en appliquant un tel taux réduit, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 96 et 98, paragraphe 2, de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO L 347, p. 1, ci‑après la «directive TVA»).

3. En défense, la République française a soutenu que les prestations fournies par les avocats dans le cadre de l’aide juridictionnelle relèvent de «la prestation de services par des organismes reconnus comme ayant un caractère social par les États membres et engagés dans des œuvres d’aide et de sécurité sociales» visées au point 15 de l’annexe III de la directive TVA, de sorte que ces prestations peuvent bénéficier d’un taux réduit de TVA.

II – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union européenne (2)

4. La directive TVA a procédé, dans un souci de clarté et de rationalité, à la refonte des dispositions de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci‑après la «sixième directive»), étant donné que cette dernière avait été modifiée de façon substantielle à plusieurs reprises.

5. Les dispositions de la directive TVA, qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2007, ont abrogé et remplacé celles de la sixième directive, avec effet à compter de cette date. La continuité entre les deux textes ressort clairement de l’article 411, paragraphe 2, de la directive TVA, notamment en ce qu’il renvoie au tableau de correspondance figurant à l’annexe XII.

6. Les articles 96 et suivants de la directive TVA correspondent en substance à l’article 12, paragraphe 3, sous a), de la sixième directive.

7. L’article 96 de la directive TVA prévoit:

«Les États membres appliquent un taux normal de TVA fixé par chaque État membre à un pourcentage de la base d’imposition qui est le même pour les livraisons de biens et pour les prestations de services.»

8. L’article 97, paragraphe 1, de la directive TVA prévoit qu’à partir du 1er janvier 2006 et jusqu’au 31 décembre 2010, le taux normal ne peut être inférieur à 15 %.

9. Aux termes de l’article 98 de la directive TVA:

«1. Les États membres peuvent appliquer soit un, soit deux taux réduits.

2. Les taux réduits s’appliquent uniquement aux livraisons de biens et aux prestations de services des catégories figurant à l’annexe III.

[...]».

10. L’annexe III de la directive TVA, qui est intitulée «Liste des livraisons de biens et des prestations de services pouvant faire l’objet des taux réduits visés à l’article 98», mentionne, au point 15, «la livraison de biens et la prestation de services par des organismes reconnus comme ayant un caractère social par les États membres et engagés dans des œuvres d’aide et de sécurité sociales, dans la mesure où ces opérations ne sont pas exonérées en vertu des articles 132, 135 et 136» (3).

B – La législation nationale

11. L’article 279 du code général des impôts, tel qu’issu de l’article 32 IV de la loi de finances pour 1991 (loi n° 90‑1168 du 29 décembre 1990), dispose, avec effet à compter du 1er avril 1991 (4):

«La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5,50 % en ce qui concerne: [...]

f. les prestations pour lesquelles les avocats, les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation et les avoués sont indemnisés totalement ou partiellement par l’Etat dans le cadre de l’aide juridictionnelle; […]» (5).

III – La procédure précontentieuse

12. Considérant que l’application d’un taux réduit de TVA aux prestations fournies par les avocats, par les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation et par les avoués dans le cadre de l’aide juridictionnelle, conformément à l’article 279, sous f., du code général des impôts, devait être considérée comme incompatible avec les dispositions de l’article 12, paragraphe 3, sous a), de la sixième directive, combinées avec celles de son annexe H, la Commission a décidé d’engager la procédure prévue à l’article 226 CE et a mis en demeure la République française par lettre du 10 avril 2006.

13. N’étant pas convaincue par l’argumentation avancée par les autorités françaises dans leur réponse du 12 juin 2006, la Commission leur a adressé, par courrier daté du 15 décembre 2006, un avis motivé les invitant à prendre les mesures requises pour s’y conformer dans un délai de deux mois à compter de la réception de celui‑ci.

14. Par lettre du 13 février 2007, la République française a indiqué qu’elle estimait que le grief formulé n’était pas fondé. Ayant constaté que l’État membre n’avait pas remédié à l’infraction reprochée, la Commission a introduit le présent recours en manquement, sur le fondement des articles 96 et 98, paragraphe 2, de la directive TVA, qui ont remplacé l’article 12, paragraphe 3, sous a), de la sixième directive à compter du 1er janvier 2007.

IV – La procédure devant la Cour

15. Par sa requête, la Commission demande à la Cour de constater que, en appliquant un taux réduit de TVA aux prestations rendues par les avocats pour lesquelles ceux‑ci sont indemnisés totalement ou partiellement par l’État dans le cadre de l’aide juridictionnelle, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 96 et 98, paragraphe 2, de la directive TVA. Elle fait valoir que lesdits prestataires de services ne peuvent être considérés comme des «organismes reconnus comme ayant un caractère social par les États membres et engagés dans des œuvres d’aide et de sécurité sociales» au sens de cette directive. La Commission conclut également à ce que la République française soit condamnée aux dépens.

16. L’État membre défendeur conclut au rejet du recours en retenant une interprétation différente des dispositions concernées, ainsi qu’à la condamnation de la Commission aux dépens.

V – Analyse du manquement

17. Il me semble nécessaire de rappeler d’emblée le caractère de droit fondamental dont l’aide juridictionnelle est revêtue, ainsi que le régime dont elle relève en France. J’aborderai ensuite les aspects économiques de l’affaire, puis les méthodes d’interprétation pertinentes en la cause, avant d’analyser les dispositions concernées. Mais, au préalable, une précision s’impose quant à l’application dans le temps de ces dispositions.

A – Les dispositions applicables ratione temporis

18. En préambule, comme la Commission l’a relevé, sans que cette prise de position ne suscite d’opposition de la part de la République française, il y a lieu de préciser qu’il doit être fait application des dispositions de la directive TVA, et non de celles de la sixième directive, dès lors que le délai imparti aux autorités françaises pour se conformer à l’avis motivé expirait à une date postérieure à celle de l’abrogation de la sixième directive, intervenue le 1er janvier 2007.

B – L’aide juridictionnelle, élément du droit fondamental d’accéder à un juge

19. Le droit d’accéder de façon effective à un tribunal, notamment grâce à la suppression d’un éventuel obstacle financier à cet accès, a été reconnu comme un droit fondamental, tant par la Convention européenne des droits de l’homme (6) (ci-après la «CEDH») que par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies (7). La possibilité d’être assisté sans frais par un avocat désigné d’office n’est expressément garantie par ces textes qu’au profit d’une personne accusée, donc dans le cadre du procès pénal.

20. Néanmoins, la Cour européenne des droits de l’homme a étendu cette prérogative aux procédures civiles (8). Elle a précisé, dans un arrêt rendu le 9 octobre 1979 (9), que l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH n’astreint les États contractants à prendre les mesures nécessaires pour pourvoir à une assistance judiciaire gratuite que lorsque celle‑ci se révèle indispensable pour assurer un accès effectif au juge, soit parce que la loi prescrit la représentation par un avocat, soit en raison de la complexité de la procédure ou de la cause (10). La Cour a interprété cet article comme consacrant le principe selon lequel l’aide juridictionnelle est un instrument utile, mais non systématiquement nécessaire, pour rendre effectif le droit d’accéder au juge, et pour rendre ainsi équitable un procès au sens de ce texte. Ce droit n’est donc pas absolu. Il est impératif qu’une aide judiciaire soit accordée seulement lorsque l’absence d’un tel soutien rendrait inefficiente la garantie d’un recours effectif au juge.

21. Il m’apparaît que l’aide juridictionnelle est de plus en plus considérée comme un élément social nécessaire pour assurer l’efficacité du droit fondamental que représente l’accès à la justice et, partant, l’accès au droit de...

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