Inan Cetinkaya v Land Baden-Württemberg.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2004:366
Date10 June 2004
Celex Number62002CC0467
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-467/02
Conclusions
CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL
M. PHILIPPE LÉGER
présentées le 10 juin 2004(1)



Affaire C-467/02

Inan Cetinkaya
contre
Land Baden-Württemberg


[demande de décision préjudicielle formée par le Verwaltungsgericht Stuttgart (Allemagne)]

«Accord d'association CEE-Turquie – Article 7, premier alinéa, de la décision n° 1/80 du conseil d'association CEE-Turquie – Champ d'application – Enfant né et ayant toujours vécu dans l'État membre d'accueil – Droit de séjour de l'enfant d'un travailleur turc après sa majorité – Condamnation pénale à une peine d'emprisonnement – Conditions d'une décision d'éloignement – Article 14 de la décision n° 1/80 – Prise en compte par le juge national de l'évolution positive de l'intéressé postérieurement à la décision d'expulsion»






1. La présente affaire a pour cadre la contestation par le fils d’un travailleur turc, qui est né et qui a toujours vécu en Allemagne, de la procédure d’expulsion dont il a fait l’objet de la part des autorités de cet État membre à la suite de condamnations à des peines d’emprisonnement, prononcées notamment pour commerce illicite de stupéfiants. Elle porte, par conséquent, sur l’interprétation de la décision n° 1/80, du 19 septembre 1980, relative au développement de l’association (2) , adoptée par le conseil d’association institué par l’accord d’association entre la Communauté économique européenne et la Turquie (3) . 2. Le Verwaltungsgericht Stuttgart (Allemagne) pose ainsi plusieurs questions préjudicielles sur le champ d’application de la décision n° 1/80, sur les conditions dans lesquelles les droits qu’elle confère peuvent être perdus à la suite d’une condamnation à une peine d’emprisonnement et sur le point de savoir si le juge saisi du recours à l’encontre d’une décision d’expulsion peut prendre en compte l’évolution positive de l’intéressé postérieurement à ladite décision. I – Le droit communautaire 3. L’accord d’association a pour objet de promouvoir le renforcement continu et équilibré des relations commerciales et économiques entre la Communauté européenne et la Turquie afin d’assurer le développement accéléré de l’économie de cet État ainsi que le relèvement du niveau de l’emploi et des conditions de vie du peuple turc (4) . Aux termes du préambule de cet accord, l’appui ainsi apporté aux efforts du peuple turc pour améliorer son niveau de vie facilitera ultérieurement l’adhésion de la Turquie à la Communauté. 4. Pour atteindre ces objectifs, l’accord d’association a prévu, notamment, la réalisation graduelle de la libre circulation des travailleurs ainsi que l’élimination des restrictions à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services (5) . Selon l’article 12 dudit accord, aux fins de réaliser progressivement la libre circulation des travailleurs entre elles, les parties contractantes sont convenues de «s’inspirer des articles 48 [ (6) ], 49 [ (7) ] et 50 [ (8) ] du traité CE instituant la Communauté». Cette réalisation devait intervenir entre la fin de la douzième et de la vingt‑deuxième année après l’entrée en vigueur de l’accord d’association, selon les modalités décidées par le conseil d’association (9) . 5. Le conseil d’association a ainsi adopté, tout d’abord, la décision n° 2/76, du 20 décembre 1976, qui se présentait comme une première étape et qui prévoyait, en faveur des travailleurs, un droit progressif d’accès à l’emploi dans l’État d’accueil ainsi que, en faveur des enfants de ces travailleurs, le droit d’accéder dans cet État aux cours d’enseignement général (10) . 6. Il a adopté ensuite la décision n° 1/80 qui a pour objet, selon son troisième considérant, d’améliorer dans le domaine social la situation juridique des travailleurs et de leur famille par rapport au régime institué par la décision n° 2/76. Les dispositions applicables aux travailleurs turcs et aux membres de leur famille sont énoncées, respectivement, aux articles 6 et 7 de ladite décision. 7. L’article 6 de la décision n° 1/80 dispose: «1. Sous réserve des dispositions de l’article 7 relatif au libre accès à l’emploi des membres de sa famille, le travailleur turc, appartenant au marché régulier de l’emploi d’un État membre:
a droit, dans cet État membre, après un an d’emploi régulier, au renouvellement de son permis de travail auprès du même employeur, s’il dispose d’un emploi;
a le droit, dans cet État membre, après trois ans d’emploi régulier et sous réserve de la priorité à accorder aux travailleurs des États membres de la Communauté, de répondre dans la même profession auprès d’un employeur de son choix à une autre offre, faite à des conditions normales, enregistrée auprès des services de l’emploi de cet État membre;
bénéficie, dans cet État membre, après quatre ans d’emploi régulier, du libre accès à toute activité salariée de son choix.
2. Les congés annuels et les absences pour cause de maternité, d’accident de travail ou de maladie de courte durée sont assimilés aux périodes d’emploi régulier. Les périodes de chômage involontaire, dûment constatées par les autorités compétentes, et les absences pour cause de maladie de longue durée, sans être assimilées à des périodes d’emploi régulier, ne portent pas atteinte aux droits acquis en vertu de la période d’emploi antérieure. […]» 8. L’article 7 de la décision n° 1/80 énonce: «Les membres de la famille d’un travailleur turc appartenant au marché régulier de l’emploi d’un État membre, qui ont été autorisés à le rejoindre:
ont le droit de répondre, sous réserve de la priorité à accorder aux travailleurs des États membres de la Communauté, à toute offre d’emploi lorsqu’ils y résident régulièrement depuis trois ans au moins,
y bénéficient du libre accès à toute activité salariée de leur choix lorsqu’ils y résident régulièrement depuis cinq ans au moins.
Les enfants des travailleurs turcs ayant accompli une formation professionnelle dans le pays d’accueil pourront, indépendamment de leur durée de résidence dans cet État membre, à condition qu’un des parents ait légalement exercé un emploi dans l’État membre intéressé depuis trois ans au moins, répondre dans ledit État membre à toute offre d’emploi.» 9. L’article 14 de la décision n° 1/80 définit les limitations qui peuvent être apportées à l’exercice de ces droits. Il prévoit à son paragraphe 1: «Les dispositions de la présente section sont appliquées sous réserve des limitations justifiées par des raisons d’ordre public, de sécurité et de santé publiques.» II – Les faits et la procédure 10. M. Inan Cetinkaya est un ressortissant turc qui est né en Allemagne en 1979 et qui a toujours vécu dans cet État membre. Il a achevé sa scolarité en juillet 1995 avec un diplôme de l’enseignement secondaire. De 1996 à décembre 1999, il a occupé plusieurs emplois auprès de différents employeurs pendant de courtes périodes. Depuis le 9 mars 1995, il possède un permis de séjour illimité en Allemagne. Ses parents et ses sœurs vivent également dans cet État membre, où son père a été employé jusqu’à l’âge de la retraite. 11. Entre 1996 et 2000, M. Cetinkaya a été condamné à cinq reprises, dont quatre fois à des peines d’emprisonnement. Sa dernière condamnation, en date du 26 septembre 2000, a été de trois ans d’«emprisonnement pour mineurs» pour commerce illicite de stupéfiants. 12. M. Cetinkaya a été emprisonné du 7 janvier 2000 au 22 janvier 2001, date à laquelle il a été libéré afin de suivre une cure de désintoxication. Il a terminé celle‑ci avec succès durant l’été 2002. Depuis le mois d’août 2002, il a repris des études et effectue un travail à temps partiel. Par décision du 20 août 2002, l’Amtsgericht Schwäbisch Hall (Allemagne) a ordonné le sursis du reliquat de sa peine d’emprisonnement. 13. Le 3 novembre 2000, le Regierungspräsidium Stuttgart (autorité administrative allemande compétente en matière d’expulsion), a pris à l’encontre de M. Cetinkaya une décision d’expulsion immédiate d’Allemagne. Selon cette autorité, l’expulsion était nécessaire parce qu’il existait des motifs graves pris de la sécurité et de l’ordre publics qui justifiaient l’application d’une présomption légale en faveur de cette mesure. L’expulsion était donc nécessaire pour des motifs de prévention particulière et générale. En outre, M. Cetinkaya ne pourrait plus se prévaloir du droit de séjour inhérent à l’article 7, premier alinéa, de la décision n° 1/80 parce que, du fait de son emprisonnement et de la cure de désintoxication qu’il devra suivre, il ne se trouve plus à la disposition du marché de l’emploi. M. Cetinkaya a formé un recours contre cette décision le 8 décembre 2000. Le 3 septembre 2002, le Regierungspräsidium Stuttgart a modifié son ordonnance du 3 novembre 2000 en ce sens que M. Cetinkaya s’est vu accordé un délai jusqu’au 4 octobre 2002 pour quitter volontairement le territoire. L’intéressé a également formé un recours contre cette modification. Le Verwaltungsgericht a joint les deux procédures introduites par M. Cetinkaya. III – Les questions préjudicielles 14. Dans sa décision de renvoi, le Verwaltungsgericht expose que, si M. Cetinkaya ne relève pas de la décision n° 1/80, son recours contre la décision du 3 novembre 2000, telle que modifiée le 3 septembre 2002, doit être rejeté en application de la réglementation nationale applicable aux étrangers. En effet, selon la juridiction de renvoi, d’une part, il résulte de la jurisprudence constante du Bundesverwaltungsgericht (Allemagne) que l’évolution positive de l’intéressé postérieurement au 3 novembre 2000, date à laquelle la décision d’expulsion a été adoptée, ne peut pas être prise en compte. C’est donc à la date du 3 novembre 2000 que...

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