Georg Dörr v Sicherheitsdirektion für das Bundesland Kärnten and Ibrahim Ünal v Sicherheitsdirektion für das Bundesland Vorarlberg.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2004:651
Docket NumberC-136/03
Celex Number62003CC0136
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date21 October 2004
Conclusions
CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL
M. M. POIARES MADURO
présentées le 21 octobre 2004(1)



Affaire C-136/03

1) Georg Dörr,
2) Ibrahim Ünal
contre
1) Sicherheitsdirektion für das Bundesland Kärnten,

2) Sicherheitsdirektion für das Bundesland Vorarlberg



[demande de décision préjudicielle formée par le Verwaltungsgerichtshof (Autriche)]

«Libre circulation des personnes – Ordre public – Interprétation des articles 8 et 9 de la directive 64/221/CEE – Accord d'association CEE-Turquie – Libre circulation des travailleurs – Interprétation des articles 6, paragraphe 1, et 14, paragraphe 1, de la décision n° 1/80 du conseil d'association»






1. La présente affaire porte sur deux questions préjudicielles posées par le Verwaltungsgerichtshof (Autriche). Par la première, le juge de renvoi cherche à savoir si les articles 8 et 9 de la directive 64/221/CEE (2) s’opposent à un système qui ne prévoit que des recours de légalité et sans effet suspensif à l’encontre des décisions d’éloignement des ressortissants communautaires, en l’absence d’autorité compétente mise en place conformément à l’article 9, paragraphe 1, de ladite directive. Par la seconde question, il demande si les garanties procédurales prévues par la directive peuvent être transposées aux ressortissants turcs en vertu de la décision nº 1/80, du 19 septembre 1980, relative au développement de l’association (3) , adoptée par le conseil d’association institué par l’accord d’association entre la Communauté économique européenne et la Turquie (4) . I – Le cadre juridique A – Le droit communautaire 1. La directive 64/221 2. Aux termes de son article 1 er , cette directive vise les ressortissants d’un État membre qui séjournent ou se rendent dans un autre État membre de la Communauté, soit en vue d’exercer une activité salariée ou non salariée, soit en qualité de destinataires de services. Elle concerne, selon son article 2, les dispositions relatives à la délivrance ou au renouvellement du titre de séjour, ou à l’éloignement du territoire, qui sont prises par les États membres pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique. 3. Selon son article 8, «[l]’intéressé doit pouvoir introduire contre la décision d’entrée, de refus de délivrance ou de refus de renouvellement du titre de séjour, ou contre la décision d’éloignement du territoire, les recours ouverts aux nationaux contre les actes administratifs». 4. Aux termes de son article 9: «1. En l’absence de possibilités de recours juridictionnels ou si ces recours ne portent que sur la légalité de la décision ou s’ils n’ont pas effet suspensif, la décision de refus de renouvellement du titre de séjour ou la décision d’éloignement du territoire d’un porteur d’un titre de séjour n’est prise par l’autorité administrative, à moins d’urgence, qu’après avis donné par une autorité compétente du pays d’accueil devant laquelle l’intéressé doit pouvoir faire valoir ses moyens de défense et se faire assister ou représenter dans les conditions de procédure prévues par la législation nationale. Cette autorité doit être différente de celle qualifiée pour prendre la décision de refus de renouvellement du titre de séjour ou la décision d’éloignement. 2. Les décisions de refus de délivrance du premier titre de séjour ainsi que les décisions d’éloignement avant toute délivrance d’un tel titre sont soumises, à la demande de l’intéressé, à l’examen de l’autorité dont l’avis préalable est prévu au paragraphe 1. L’intéressé est alors autorisé à présenter en personne ses moyens de défense à moins que des raisons de sûreté de l’État ne s’y opposent.» 2. L’association CEE-Turquie 5. L’accord d’association a pour objet, conformément à son article 2, paragraphe 1, de promouvoir le renforcement continu et équilibré des relations commerciales et économiques entre les parties contractantes, y compris dans le domaine de la main-d’œuvre, notamment par la réalisation graduelle de la libre circulation des travailleurs (article 12), en vue d’améliorer le niveau de vie du peuple turc et de faciliter ultérieurement l’adhésion de la république de Turquie à la Communauté (quatrième considérant du préambule et article 28). 6. Les articles 6, 7 et 14 de la décision n° 1/80 figurent au chapitre II de celle-ci, intitulé «Dispositions sociales», section 1, concernant les «Questions relatives à l’emploi et à la libre circulation des travailleurs». 7. L’article 6, paragraphe 1, est ainsi libellé: «Sous réserve des dispositions de l’article 7 relatif au libre accès à l’emploi des membres de sa famille, le travailleur turc, appartenant au marché régulier de l’emploi d’un État membre:
a droit, dans cet État membre, après un an d’emploi régulier, au renouvellement de son permis de travail auprès du même employeur, s’il dispose d’un emploi;
a le droit, dans cet État membre, après trois ans d’emploi régulier et sous réserve de la priorité à accorder aux travailleurs des États membres de la Communauté, de répondre dans la même profession auprès d’un employeur de son choix à une autre offre, faite à des conditions normales, enregistrée auprès des services de l’emploi de cet État membre;
bénéficie, dans cet État membre, après quatre ans d’emploi régulier, du libre accès à toute activité salariée de son choix.»
8. L’article 7 de cette même décision porte sur le libre accès à l’emploi des membres de la famille des travailleurs turcs. 9. Selon l’article 14, paragraphe 1, de ladite décision, «[l]es dispositions de la présente section sont appliquées sous réserve des limitations justifiées par des raisons d’ordre public, de sécurité et de santé publiques». B – Le droit national 10. L’article 10, paragraphe 2, point 3, du Fremdengesetz (loi fédérale sur l’entrée, le séjour et l’établissement des étrangers), dans sa version en vigueur à l’époque des faits au principal, prévoit qu’il y a lieu de refuser la délivrance d’un titre de séjour notamment si le séjour de l’étranger est susceptible de menacer la tranquillité, l’ordre et la sécurité publics. 11. En vertu de l’article 34, paragraphe 1, point 2, du Fremdengesetz, les étrangers séjournant sur le territoire fédéral en vertu d’un titre de séjour ou y séjournant durant la procédure en vue d’octroi d’un nouveau titre de séjour peuvent être expulsés dès lors qu’un motif de refus s’oppose à l’octroi d’un nouveau titre de séjour. 12. L’article 36, paragraphe 1, points 1 et 2, du Fremdengesetz dispose qu’un étranger peut se voir signifier une interdiction de séjour si certains faits permettent de supposer que son séjour menace la sécurité et l’ordre publics ou s’oppose à d’autres intérêts publics mentionnés à l’article 8, paragraphe 2, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. En vertu du paragraphe 2, point 1, de ce même article, un fait au sens du paragraphe 1 peut notamment consister dans la circonstance qu’un étranger a été définitivement condamné par une juridiction nationale à une peine de prison ferme de plus de trois mois, à une peine de prison assortie en partie d’un sursis, à une peine de prison assortie d’un sursis de plus de six mois ou a été condamné plus d’une fois pour des délits reposant sur le même comportement délictueux. 13. L’article 48, paragraphe 1, du Fremdengesetz prévoit qu’une interdiction de séjour prononcée à l’encontre d’un citoyen de l’Espace économique européenne ou d’un ressortissant d’un État tiers privilégié n’est recevable que si le comportement de l’intéressé menace l’ordre ou la sécurité publics. Le paragraphe 3 de ce même article prévoit qu’il y a lieu d’accorder d’office auxdites personnes, visées par une décision d’expulsion ou par une interdiction de séjour, un sursis d’un mois à l’exécution de la décision, sauf si des considérations d’ordre public ou de sûreté nationale exigent le départ immédiat de l’intéressé. 14. En vertu de l’article 88, paragraphe 1, du Fremdengesetz, les autorités administratives de district (Bezirksverwaltungsbehörde) statuent, sauf disposition contraire, sur les interdictions de séjour. 15. Ces décisions peuvent faire l’objet de recours. Le système autrichien de recours est organisé de la manière suivante. En un premier temps, le recours est porté devant les Sicherheitsdirektionen. En vertu des articles 78a et 78b du Bundesverfassungsgesetz (loi constitutionnelle fédérale) (ci-après «B‑VG»), les Sicherheitsdirektionen sont des autorités administratives liées par les instructions du ministère de l’Intérieur. À leur tête se trouve le Sicherheitsdirektor, qui est désigné par ce ministère, en accord avec le Landeshauptmann. 16. À cet égard, l’article 66 de l’Allgemeine Verwaltungsverfahrensgesetz (code de procédure administrative) dispose: «1) L’autorité saisie d’un recours doit charger une autorité de rang inférieur de procéder à un complément d’enquête ou doit y procéder elle-même. 2) Si les faits de l’espèce sont à ce point insuffisants pour l’autorité saisie du recours, de sorte qu’il semble inévitable d’organiser une audience ou de procéder à une nouvelle audience, l’autorité saisie du recours peut annuler la décision attaquée et renvoyer l’affaire, aux fins d’une nouvelle instruction et d’une nouvelle décision, à l’autorité de rang inférieur. 3) Cependant, l’autorité saisie du recours peut organiser elle-même une audience et procéder directement à l’instruction de l’affaire si cela permet d’économiser du temps et des frais. 4) En dehors du cas prévu au paragraphe 2, l’autorité saisie du recours peut toujours statuer elle-même sur l’affaire, dans la mesure où le recours ne doit pas être rejeté au motif qu’il est irrecevable ou tardif. Elle est autorisée à...

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