Mehmet Sedef v Freie und Hansestadt Hamburg.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2005:499
Date06 September 2005
Celex Number62003CC0230
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-230/03

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. DÁMASO Ruiz-Jarabo Colomer

présentées le 6 septembre 2005 (1)

Affaire C-230/03

Mehmet Sedef

contre

Freie und Hansestadt Hamburg

[demande de décision préjudicielle formée par le Bundesverwaltungsgericht (Allemagne)]

«Accord d’association CEE-Turquie – Article 6 de la décision n° 1/80 du conseil d’association – Système d’octroi progressif de droits – Nécessité d’occuper un emploi sans interruption – Travailleur turc employé comme marin sous le pavillon d’un État membre – Non-pertinence des particularités de la profession»





1. Le Bundesverwaltungsgericht (Allemagne) a soumis à la Cour, au titre de l’article 234 CE, deux questions préjudicielles sur l’interprétation de l’article 6 de la décision n° 1/80 du conseil d’association, du 19 septembre 1980, relative au développement de l’association créée entre la Communauté économique européenne et la Turquie (2) (ci-après la «décision n° 1/80»).

2. Cette disposition confère aux travailleurs turcs certains droits, dont la portée dépend de la durée de l’emploi qu’ils ont occupé dans l’un des États membres.

3. Les doutes de la juridiction de renvoi portent sur les effets de certaines interruptions de la vie professionnelle d’un marin sur le décompte des périodes d’emploi nécessaires pour bénéficier du libre accès à toute activité salariée.

I – Le droit applicable

4. Les relations entre la République de Turquie et l’Union européenne varient au gré des circonstances politiques et économiques du moment (3), mais leur cadre juridique reste immuable (4).

A – L’accord d’association

5. Le 12 septembre 1963 a été conclu à Ankara l’accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie, approuvé et confirmé au nom de la Communauté par la décision 64/732/CEE du Conseil, du 23 décembre 1963 (5) (ci-après l’«accord d’association»).

6. Comme je l’ai déjà mentionné dans les conclusions dans l’affaire Öztürk (6), l’accord d’association vise à promouvoir l’accroissement continu et équilibré des liens commerciaux entre les deux parties, à assurer le développement accéléré de l’économie turque, ainsi qu’à relever le niveau de l’emploi et à favoriser les conditions de vie dans ce pays. Le préambule reconnaît que l’appui apporté par la Communauté aux efforts du peuple turc pour améliorer son niveau de bien-être facilitera ultérieurement l’adhésion de cet État (7).

7. Pour matérialiser ces aspirations, l’accord d’association a distingué une phase préparatoire, afin que la République de Turquie renforce son économie avec l’aide communautaire (article 3), une phase transitoire visant à la mise en place progressive d’une union douanière (8), en rapprochant les différentes politiques financières (article 4), et une phase définitive destinée à renforcer la coordination de ces politiques (article 5).

8. Afin d’assurer le développement progressif du système, les signataires se réunissent au sein d’un conseil qui agit dans les limites des attributions que lui octroie l’accord d’association (article 6) et qui jouit d’un pouvoir de décision pour atteindre les objectifs fixés, dans les cas prévus (article 22).

9. La deuxième phase impliquait l’examen de la libéralisation progressive de la circulation des travailleurs (9), pour lequel les parties contractantes s’appuyaient sur les articles 48, 49 (devenus, après modification, articles 39 CE et 40 CE) et 50 du traité CEE (devenu article 41 CE) (article 12) (10).

B – Le protocole additionnel

10. La phase provisoire a pris fin en 1970 avec l’insertion d’un protocole additionnel (11), en vigueur depuis 1973, dans l’accord d’association (article 62), en vue de préciser les conditions, les modalités et les rythmes de réalisation de l’étape suivante (article 1er).

11. Son titre II régit la libre circulation des personnes et des services, le chapitre premier, consacré aux travailleurs, incluant l’article 36, aux termes duquel cette liberté s’imposera graduellement conformément aux principes énoncés à l’article 12 de l’accord d’association, entre la fin de la douzième et de la vingt-deuxième année suivant l’entrée en vigueur dudit accord (12); le conseil d’association décide des modalités nécessaires à cet effet.

12. L’article 37 accorde aux ressortissants turcs employés dans la Communauté l’égalité de traitement avec les ressortissants des pays membres en matière de conditions de travail et de rémunération.

C – La décision n° 1/80

13. À la suite de la décision n° 2/76, du 20 décembre 1976, relative à la mise en œuvre de l’article 12 de l’accord d’association, le conseil d’association a adopté la décision n° 1/80 (13).

14. L’article 6 figure dans le chapitre II, intitulé: «Dispositions sociales», sous la section 1, consacrée aux «Questions relatives à l’emploi et à la libre circulation des travailleurs». Il est ainsi libellé:

«1. Sous réserve des dispositions de l’article 7 relatif au libre accès à l’emploi des membres de sa famille, le travailleur turc, appartenant au marché régulier de l’emploi d’un État membre:

– a droit, dans cet État membre, après un an d’emploi régulier, au renouvellement de son permis de travail auprès du même employeur, s’il dispose d’un emploi;

– a le droit, dans cet État membre, après trois ans d’emploi régulier et sous réserve de la priorité à accorder aux travailleurs des États membres de la Communauté, de répondre dans la même profession auprès d’un employeur de son choix à une autre offre, faite à des conditions normales, enregistrée auprès des services de l’emploi de cet État membre;

– bénéficie, dans cet État membre, après quatre ans d’emploi régulier, du libre accès à toute activité salariée de son choix.

2. Les congés annuels et les absences pour cause de maternité, d’accident de travail ou de maladie de courte durée sont assimilés aux périodes d’emploi régulier. Les périodes de chômage involontaire, dûment constatées par les autorités compétentes, et les absences pour cause de maladie de longue durée, sans être assimilées à des périodes d’emploi régulier, ne portent pas atteinte aux droits acquis en vertu de la période d’emploi antérieure.

[…]»

II – Les faits, le litige principal et les questions préjudicielles

15. M. Mehmet Sedef, citoyen turc né en 1952, a travaillé comme marin à partir de 1977 pour différents employeurs allemands, ce pour quoi il n’a pas eu besoin de permis de travail, mais de permis de séjour qu’il a obtenus successivement, puisque leur validité était limitée à chaque relation d’emploi. Il a été reconnu, à partir du 18 janvier 1993, inapte, pour raisons de santé, à cette profession.

16. La durée écoulée entre le début de ses prestations et la constatation de son incapacité peut se décomposer, comme l’a montré la juridiction de renvoi, en quatre catégories:

1° emploi, y compris les congés annuels, où l’on note qu’il a été employé par le même patron plus d’une année, mais n’a jamais atteint les trois ans (14);

2° chômage, où sont uniquement décomptées les périodes constatées par les autorités, qui varient de un mois et quelques jours à pratiquement huit mois (15);

3° arrêts maladie, certains courts et d’autres longs, dépassant, dans un cas, une année (16), et

4° les autres périodes, incluant celles qualifiées par l’intéressé lui-même de «congés non rémunérés», au nombre de dix-sept, variant de un à soixante-dix jours et représentant, sur approximativement quinze années, environ treize mois (7,2 %) (17).

17. En 1992, il a sollicité, en vue d’exercer un emploi salarié à terre, un permis de séjour qui ne soit pas limité à une activité professionnelle dans le secteur de la navigation maritime, ce qui lui a été refusé par la ville de Hambourg.

18. Le Verwaltungsgericht (juridiction administrative contentieuse) Hamburg, saisi par M. Sedef, a ordonné, sur la base de l’article 6 de la décision n° 1/80, la délivrance du permis de séjour.

19. L’administration défenderesse a fait appel auprès de l’Oberverwaltungsgericht Hamburg, qui lui a donné satisfaction, estimant que les conditions requises par la disposition citée n’étaient pas réunies.

20. M. Sedef s’étant pourvu en Revision, le Bundesverwaltungsgericht, considérant que le demandeur n’a pas droit à l’autorisation en vertu des dispositions nationales (18) et qu’il ne pourrait y avoir droit qu’en vertu du droit communautaire, a sursis à statuer afin de soumettre à la Cour de justice les questions préjudicielles suivantes:

«1) L’article 6, paragraphes 1, troisième tiret, et 2, de la décision n° 1/80 du conseil d’association institué par l’accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie, du 19 septembre 1980, doit-il être interprété en ce sens qu’un travailleur turc qui a occupé depuis 1977, pendant plus de quinze ans, un emploi régulier pour lequel un permis de travail n’est pas requis auprès d’employeurs successifs, dans la navigation maritime d’un État membre, relevant du marché régulier de l’emploi, et qui a rempli durant cette période les conditions établies à l’article 6, paragraphe 1, premier tiret, de la décision n° 1/80, a droit à la délivrance d’un permis de séjour lorsque son emploi dans la navigation maritime a été interrompu – outre plusieurs interruptions pour cause de maladie et pour chômage involontaire constaté par les autorités compétentes – dix-sept fois entre deux contrats de travail, pendant un à soixante-dix jours (au total environ treize mois), et que le travailleur turc a, selon ses dires, passé les périodes d’interruption prolongées auprès de sa famille en Turquie, sans qu’un chômage involontaire ait été constaté à cet égard? Importe-t-il à cet égard que de telles interruptions soient caractéristiques de la profession (en l’occurrence caractéristiques de la navigation maritime)?

2) Le droit à la délivrance d’un permis de séjour au titre de l’article 6, paragraphe 1, troisième tiret, de la décision n° 1/80 implique-t-il que le travailleur turc ait au...

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