Société fiduciaire nationale d’expertise comptable v Ministre du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2010:276
Docket NumberC-119/09
Celex Number62009CC0119
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date18 May 2010

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. JÁN MAZÁK

présentées le 18 mai 2010 (1)

Affaire C‑119/09

Société fiduciaire nationale d’expertise comptable

contre

Ministre du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique

[demande de décision préjudicielle formée par le Conseil d’État France)]

«Directive 2006/123/CE – Interdictions totales visant les communications commerciales des professions réglementées – Démarchage»





1. Dans la présente affaire, la Cour est appelée pour la première fois à se prononcer sur l’interprétation de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur(2).

2. La question préjudicielle posée par le Conseil d’État (France) porte sur la liberté de communication commerciale des membres de professions réglementées, en l’espèce des experts-comptables, qui est régie par l’article 24 de la directive 2006/123. Cette question est libellée comme suit:

«La directive 2006/123 [...] a-t-elle entendu proscrire, pour les professions réglementées qu’elle vise, toute interdiction générale, quelle que soit la forme de pratique commerciale concernée, ou bien a-t-elle laissé aux États membres la possibilité de maintenir des interdictions générales pour certaines pratiques commerciales, telles que le démarchage?»

3. La juridiction de renvoi estime la réponse de la Cour à sa question nécessaire afin de pouvoir statuer sur la requête introduite par la Société fiduciaire nationale d’expertise comptable (ci-après la «Société fiduciaire») et tendant à l’annulation du décret n° 2007-1387, du 27 septembre 2007, portant code de déontologie des professionnels de l’expertise comptable, en ce qu’il interdit le démarchage. La violation de la directive 2006/123, et en particulier de son article 24, constitue l’un des moyens d’annulation invoqués devant la juridiction de renvoi par la Société fiduciaire (3).

4. Devant la Cour, des observations écrites ont été déposées par la Société fiduciaire, les gouvernements français, chypriote et néerlandais ainsi que par la Commission des Communautés européennes. L’audience s’est tenue le 23 mars 2010, en présence des mandataires de la Société fiduciaire, des agents des gouvernements français et néerlandais ainsi que de la Commission.

5. Les réponses proposées à la question déférée peuvent être classées en deux groupes. Le premier groupe comprend les réponses proposées par la Société fiduciaire, le gouvernement néerlandais ainsi que la Commission. Ceux-ci proposent de répondre que l’article 24, paragraphe 1, de la directive 2006/123 proscrit, pour les professions réglementées qu’il vise, toute interdiction totale d’une forme de communication commerciale et donc, également, une interdiction telle que celle en cause au principal, à savoir l’interdiction du démarchage.

6. Le second groupe de réponses proposées comprend celles des gouvernements français et chypriote. Selon eux, la disposition citée de la directive 2006/123 ne s’oppose pas, en principe, à une réglementation nationale interdisant, pour les professions réglementées, le démarchage.

Cadre juridique

Directive 2006/123

7. La directive 2006/123 a été adoptée sur le fondement des articles 47, paragraphe 2, première et troisième phrases, CE ainsi que 55 CE.

8. Le deuxième considérant de la directive 2006/123 est libellé comme suit:

«Il est impératif d’avoir un marché des services concurrentiel pour favoriser la croissance économique et la création d’emplois dans l’Union européenne. À l’heure actuelle, un grand nombre d’obstacles empêchent, au sein du marché intérieur, les prestataires, notamment les petites et moyennes entreprises (PME), de se développer au-delà de leurs frontières nationales et de bénéficier pleinement du marché intérieur. La compétitivité mondiale des prestataires de l’Union européenne s’en trouve affectée. Un marché libre obligeant les États membres à supprimer les obstacles à la circulation transfrontalière des services, tout en renforçant la transparence et l’information pour les consommateurs, offrirait un plus grand choix et de meilleurs services, à des prix plus bas, aux consommateurs.»

9. Le cinquième considérant de la directive 2006/123 énonce:

«Il convient en conséquence d’éliminer les obstacles à la liberté d’établissement des prestataires dans les États membres et à la libre circulation des services entre États membres et de garantir aux destinataires et aux prestataires la sécurité juridique nécessaire à l’exercice effectif de ces deux libertés fondamentales du traité [CE]. […]»

10. Le septième considérant de la directive 2006/123 précise:

«La présente directive établit un cadre juridique général qui profite à une large variété de services tout en prenant en compte les particularités de chaque type d’activité ou de profession et de leur système de réglementation. […]»

11. Selon le centième considérant de la directive 2006/123:

«Il convient de mettre fin aux interdictions totales des communications commerciales pour les professions réglementées, non pas en levant les interdictions relatives au contenu d’une communication commerciale sinon celles qui, de manière générale et pour une profession donnée, interdisent une ou plusieurs formes de communication commerciale, par exemple toute publicité dans un média donné ou dans certains d’entre eux. En ce qui concerne le contenu et les modalités des communications commerciales, il convient d’inciter les professionnels à élaborer, dans le respect du droit communautaire, des codes de conduite au niveau communautaire.»

12. L’article 4 de la directive 2006/123 définit les principales notions de ladite directive. Deux définitions sont pertinentes aux fins de la présente affaire, à savoir celle de la notion de profession réglementée et celle de la notion de communication commerciale.

13. Les professions réglementées sont définies à l’article 4, point 11, de la directive 2006/123 par un renvoi à la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 septembre 2005, relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles (4), et plus particulièrement à son article 3, paragraphe 1, sous a). Selon cette disposition, on entend par «profession réglementée»:

«une activité ou un ensemble d’activités professionnelles dont l’accès, l’exercice ou une des modalités d’exercice est subordonné directement ou indirectement, en vertu de dispositions législatives, réglementaires ou administratives, à la possession de qualifications professionnelles déterminées; l’utilisation d’un titre professionnel limitée par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives aux détenteurs d’une qualification professionnelle donnée constitue notamment une modalité d’exercice. […]»

14. L’article 4, point 12, de la directive 2006/123 définit la notion de «communication commerciale» comme suit:

«toute forme de communication destinée à promouvoir, directement ou indirectement, les biens, les services ou l’image d’une entreprise, d’une organisation ou d’une personne ayant une activité commerciale, industrielle, artisanale ou exerçant une profession réglementée. Ne constituent pas en tant que telles des communications commerciales:

a) les informations permettant l’accès direct à l’activité de l’entreprise, de l’organisation ou de la personne, notamment un nom de domaine ou une adresse de courrier électronique,

b) les communications relatives aux biens, aux services ou à l’image de l’entreprise, de l’organisation ou de la personne élaborées d’une manière indépendante, en particulier lorsqu’elles sont fournies sans contrepartie financière.»

15. L’article 24 de la directive 2006/123, intitulé «Communications commerciales des professions réglementées», figurant au chapitre V de ladite directive, dénommé «Qualité des services», dispose:

«1. Les États membres suppriment toutes les interdictions totales visant les communications commerciales des professions réglementées.

2. Les États membres veillent à ce que les communications commerciales faites par les professions réglementées respectent les règles professionnelles, conformes au droit communautaire, qui visent notamment l’indépendance, la dignité et l’intégrité de la profession ainsi que le secret professionnel, en fonction de la spécificité de chaque profession. Les règles professionnelles en matière de communications commerciales doivent être non discriminatoires, justifiées par une raison impérieuse d’intérêt général et proportionnées.»

16. Conformément à l’article 44, paragraphe 1, de la directive 2006/123, le délai de transposition de ladite directive a expiré le 28 décembre 2009.

Réglementation nationale

17. Le code de déontologie des professionnels de l’expertise comptable (ci-après le «code de déontologie») est annexé au décret
n° 2007-1387.

18. L’article 12 dudit code de déontologie énonce:

«I. – Il est interdit aux personnes mentionnées à l’article 1er d’effectuer toute démarche non sollicitée en vue de proposer leurs services à des tiers. Leur participation à des colloques, séminaires ou autres manifestations universitaires ou scientifiques est autorisée dans la mesure où elles ne se livrent pas, à cette occasion, à des actes assimilables à du démarchage.

II. – Les actions de promotion sont permises aux personnes mentionnées à l’article 1er dans la mesure où elles procurent au public une information utile. Les moyens auxquels il est recouru à cet effet sont mis en œuvre avec discrétion, de façon à ne pas porter atteinte à l’indépendance, à la dignité et à l’honneur de la profession, pas plus qu’aux règles du secret professionnel et à la loyauté envers les clients et les autres membres de la profession. Lorsqu’elles présentent leur activité professionnelle à des tiers, par quelque moyen que ce soit, les personnes mentionnées à l’article 1er ne doivent adopter aucune forme d’expression qui soit de nature à compromettre la dignité de leur fonction ou...

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