Estée Lauder Cosmetics GmbH & Co. OHG v Lancaster Group GmbH.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1999:425
Docket NumberC-220/98
Celex Number61998CC0220
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date16 September 1999
EUR-Lex - 61998C0220 - FR 61998C0220

Conclusions de l'avocat général Fennelly présentées le 16 septembre 1999. - Estée Lauder Cosmetics GmbH & Co. OHG contre Lancaster Group GmbH. - Demande de décision préjudicielle: Landgericht Köln - Allemagne. - Libre circulation des marchandises - Commercialisation d'un produit cosmétique assorti de la dénomination "lifting" - Articles 30 et 36 du traité CE (devenus, après modification, articles 28 CE et 30 CE) - Directive 76/768/CEE. - Affaire C-220/98.

Recueil de jurisprudence 2000 page I-00117


Conclusions de l'avocat général

I - Introduction

1 Les parties dans l'affaire qui a donné lieu à la présente demande de décision préjudicielle du Landgericht Köln (ci-après «la juridiction nationale») sont les filiales allemandes de sociétés multinationales concurrentes dans le secteur des cosmétiques. Le litige porte sur la crème faciale raffermissante «Monteil Firming Action Lifting Extreme Creme» (ci-après «la crème»), qui est fabriquée dans la principauté de Monaco et distribuée dans toute l'Europe par les sociétés du groupe Lancaster (1). La défenderesse est la société allemande membre de ce groupe, et est responsable de l'organisation de la distribution de la crème, non seulement sur le marché allemand, mais vers tout le système de distribution sélective de Lancaster.

2 La demanderesse, la filiale allemande du groupe Estée Lauder, fait valoir que l'utilisation du terme «lifting» dans la dénomination de la crème est trompeuse, parce que cela suscite l'impression qu'elle a des effets durables comparables à ceux d'une opération de lifting facial. Il est communément admis que la crème n'entraîne aucun effet durable, bien que la défenderesse soutienne qu'elle a un effet raffermissant significatif. La demanderesse a introduit le recours contentieux au titre du droit allemand sur la concurrence déloyale, d'abord en guise de mesure défensive, afin de protéger sa position sur le marché car, ainsi que cela est apparu à l'audience, une organisation de défense des consommateurs est parvenue à obtenir d'une autre juridiction allemande, le Kammergericht Berlin, une injonction interdisant à la demanderesse d'utiliser le terme «lifting» pour sa propre crème faciale raffermissante (2).

3 La défenderesse conteste que la crème suscite, comme la demanderesse le prétend, l'attente d'un effet permanent. Elle soutient que, si la mesure demandée devait être accordée, elle entraverait la liberté de circulation des marchandises garantie par le droit communautaire, en nécessitant des frais de commercialisation supplémentaires pour rebaptiser le produit et le reconditionner pour le seul marché allemand. Elle estime également que cela serait disproportionné au regard du risque minime d'une possible erreur du consommateur.

4 La juridiction nationale a également estimé que, en l'absence de mesures d'instruction, elle ne peut pas exclure «la possibilité qu'une partie non négligeable des consommateurs soit induite en erreur». Elle se réfère à un arrêt du Bundesgerichtshof du 12 décembre 1996, confirmant le jugement antérieur du Kammergericht Berlin qui avait fait droit à la demande introduite contre Estée Lauder, selon lequel l'utilisation du terme «lifting» pouvait être trompeuse (3). Elle se demande cependant si le droit communautaire exige de s'écarter de la règle développée par la jurisprudence allemande, selon laquelle l'utilisation d'un terme peut être interdite si 10 à 15 % au moins des consommateurs potentiels peuvent être trompés. Elle souhaite en particulier savoir si, à la lumière d'affaires telles que Mars (4), ce seuil constituerait un niveau de protection trop strict.

5 Par conséquent, la Cour a été saisie de la question suivante:

«Les articles 30 et 36 du traité CE et (ou) l'article 6, paragraphe 3, de la directive du Conseil du 27 juillet 1976 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux produits cosmétiques (76/768/CEE) doivent-ils être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à l'application de dispositions du droit national en matière de concurrence déloyale qui permettent d'interdire l'importation et la commercialisation d'un produit cosmétique légalement fabriqué ou légalement commercialisé dans un État membre de l'Union européenne, au motif que le consommateur serait induit en erreur par la dénomination `lifting' qui, comprise comme la mention des effets du produit, laisserait supposer qu'il a un effet durable, alors que ce produit est légalement commercialisé dans d'autres pays de l'Union européenne, sans susciter de contestation, avec la même mention de ses effets sur l'emballage?»

II - La législation applicable

6 La Gesetz gegen den unlauteren Wettbewerb du 7 juin 1909 (loi fédérale relative à la lutte contre la concurrence déloyale, ci-après «l'UWG») a donné lieu, dans la mesure où elle est susceptible d'affecter la circulation des marchandises, à de nombreuses saisines de la Cour à titre préjudiciel, dont la plus importante du point de vue de la présente affaire est celle dans l'affaire Clinique (5). L'article 3 de l'UWG stipule:

«Quiconque, dans les relations commerciales, donne, aux fins de la concurrence sur les termes de l'offre, des indications trompeuses sur les caractéristiques (des produits), peut être mis en demeure de s'abstenir de ces indications.»

Il existe dans la législation allemande spécifique relative aux produits de consommation courante une disposition similaire. L'article 27, paragraphe 1, de la Lebensmittel- und Bedarfsgegenständegesetz du 15 août 1974 (loi fédérale relative aux produits alimentaires et aux produits de consommation courante, ci-après «la LmBG») dispose ainsi:

«Il est interdit de commercialiser à titre professionnel des produits cosmétiques sous une dénomination trompeuse ou avec des indications ou une présentation trompeuses ... Il y a en particulier tromperie

1. lorsqu'on prête à des produits cosmétiques des effets ... qui ne sont pas suffisamment établis scientifiquement ...»

L'article 27, paragraphe 3, de la LmBG précise qu'une dénomination est trompeuse «lorsque des dénominations ... susceptibles d'induire en erreur ... sur d'autres éléments qui sont déterminants dans l'appréciation ... ont été utilisés».

7 Hormis les articles 30 à 36 du traité CE (devenus, après modification, articles 28 CE et 30 CE), il sera nécessaire de se référer, non seulement à la directive 76/768/CEE (6) mentionnée par la juridiction nationale, mais aussi à la directive 84/450/CEE sur la publicité trompeuse (7).

8 La directive de 1976 établit les conditions de commercialisation des produits cosmétiques. Son deuxième considérant montre que l'un des objectifs principaux de la directive est de faciliter la liberté des échanges de produits cosmétiques. En vertu de son article 7, paragraphe 1, les États membres sont donc tenus de ne pas «refuser, interdire ou restreindre la mise sur le marché des produits cosmétiques qui répondent aux prescriptions de la présente directive et de ses annexes». L'article 6, paragraphe 3, tel qu'il résulte des modifications apportées par la directive 88/667/CEE (8), est la disposition essentielle dans la présente affaire. Il dispose:

«Les États membres prennent toute disposition utile pour que dans l'étiquetage, la présentation à la vente et la publication concernant les produits cosmétiques, le texte, les dénominations, marques, images ou autres signes figuratifs ou non ne soient pas utilisés pour attribuer à ces produits des caractéristiques qu'ils ne possèdent pas.»

9 La directive 84/450 pose les règles communautaires de base en matière de publicité trompeuse. L'article 2, paragraphe 2, de cette directive définit la «publicité trompeuse» comme «toute publicité qui, d'une manière quelconque, y compris sa présentation, induit en erreur ou est susceptible d'induire en erreur les personnes auxquelles elle s'adresse ou qu'elle touche et qui, en raison de son caractère trompeur, est susceptible d'affecter leur comportement économique ou qui, pour ces raisons, porte préjudice ou est susceptible de porter préjudice à un concurrent». L'article 3 fournit une liste des éléments dont il faut tenir compte pour déterminer si une publicité est trompeuse, qui mentionne les caractéristiques des biens ou services promus. L'article 7 autorise les États membres à maintenir ou à adopter des dispositions nationales destinées à assurer «une protection plus étendue des consommateurs».

III - Observations

10 Des observations écrites ont été déposées par la demanderesse, par la défenderesse, par la République fédérale d'Allemagne, par la République française, par la république de Finlande et par la Commission, lesquelles ont toutes, à l'exception de l'Allemagne et de la Finlande, également présenté des observations orales.

IV - Analyse

11 Au stade actuel du litige principal, la juridiction nationale n'a pas arrêté de position définitive au sujet de l'utilisation présumée potentiellement trompeuse du terme «lifting». Elle souhaite être éclairée sur la portée de la protection que le droit national peut fournir, conformément au droit communautaire, aux consommateurs de produits cosmétiques tels que la crème en cause. Puisqu'il ressort de l'ordonnance de renvoi que les produits en question ont été importés de Monaco, un pays tiers, il convient d'examiner le statut des produits directement importés de Monaco au regard du droit communautaire.

A - La question monégasque

12 L'article 227 du traité CE (devenu, après modification, article 299 CE) n'énumère pas le territoire de la principauté de Monaco parmi les territoires auxquels le traité s'applique. Il s'agit donc, ainsi que la Commission et la France l'ont justement relevé à l'audience, d'un pays tiers au regard du droit communautaire. Il fait néanmoins partie du territoire douanier de la Communauté au moins depuis 1968, lorsque l'article 2 du règlement (CEE) n_ 1496/68 du Conseil, du...

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