European Commission v Kingdom of Belgium.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2010:359
CourtCourt of Justice (European Union)
Date22 June 2010
Docket NumberC-222/08
Procedure TypeRecours en constatation de manquement - non fondé
Celex Number62008CC0222

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PEDRO Cruz Villalón

présentées le 22 juin 2010 (1)

Affaire C‑222/08

Commission européenne

contre

Royaume de Belgique

«Recours en manquement – Communications électroniques – Directive 2002/22/CE – Financement des obligations de service universel – Tarifs sociaux – Notion de ‘charge injustifiée’ – Calcul du coût net»





I – Introduction

1. La Cour s’est déjà prononcée dans le passé sur le financement des obligations du service universel des télécommunications (2). Toutefois, le présent recours en manquement formé contre le Royaume de Belgique soulève une question inédite, qui a trait, pour la première fois, aux «tarifs sociaux» qu’appliquent les entreprises en pratiquant des prix inférieurs à ceux du marché dans le cadre des services qu’elles offrent à des catégories déterminées d’utilisateurs.

2. Le présent litige oblige la Cour à interpréter les conditions auxquelles la compensation financière des tarifs sociaux est admise. Plus précisément, elle devra examiner les conditions auxquelles la directive 2002/22/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive «service universel») (3), permet à un État membre de qualifier de «charge injustifiée» tous les tarifs sociaux comportant une situation déficitaire pour les opérateurs qui doivent les consentir.

3. Toutefois, cette affaire ne surgit pas du néant, mais s’inscrit dans un conflit qui oppose les opérateurs belges du secteur des télécommunications à l’opérateur historique de cet État membre, à savoir Belgacom. La Commission européenne est intervenue dans le débat en formant le présent recours en manquement, mais la Cour a été saisie également d’une demande préjudicielle étroitement liée au présent litige, à la suite du recours formé par les opérateurs devant la Cour constitutionnelle belge [affaire Base e.a. (C-389/08), pendante devant la Cour]. Cette circonstance explique que les conclusions dans chacune de ces deux affaires soient présentées le même jour, puisqu’elles ont un même objet, quoique avec des particularités qui justifient qu’elles soient examinées séparément.

II – L’objet du recours

4. En application de l’article 226 CE, la Commission demande à la Cour de constater que:

– en n’ayant pas effectué le calcul spécifique des coûts nets des tarifs sociaux avant de les qualifier de «charge injustifiée», et

– en ayant défini la méthode de calcul du coût net des «tarifs sociaux» de manière contraire à la directive «service universel»,

le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 12, paragraphe 1, et 13, paragraphe 1, ainsi que de l’annexe IV, partie A, de la directive «service universel».

III – Le cadre juridique

A – Le droit communautaire

5. L’article 3 de la directive «service universel» exhorte les États membres à éviter toute distorsion sur le marché des télécommunications, en particulier lorsque les services sont fournis à des tarifs ou à des conditions plus avantageux ou plus favorables aux fins de l’accomplissement de missions d’intérêt général. Il s’agit en effet de mettre en œuvre les «services universels» dans ce secteur tout en garantissant le fonctionnement du marché à des conditions égales pour tous les opérateurs.

6. Les services universels au sens de la directive «service universel» comprennent: a) le raccordement au réseau téléphonique public en position déterminée, à un prix abordable (4); b) des postes téléphoniques payants publics en nombre suffisant ainsi que les numéros d’urgence, en particulier le numéro européen unique 112, qui puissent être appelés gratuitement à partir de n’importe quel téléphone (5); c) les services d’annuaires et de renseignements téléphoniques (6), et d) certaines mesures en faveur des utilisateurs les plus vulnérables socialement, tels que ceux vivant dans les zones rurales ou isolées, les personnes âgées (7), handicapées (8) ou à faibles revenus (9), afin qu’ils puissent accéder aux services universels dans les mêmes conditions que les autres.

7. L’article 8 de la directive «service universel» a trait à la désignation des prestataires du service universel:

«1. Les États membres peuvent désigner une ou plusieurs entreprises afin de garantir la fourniture du service universel défini aux articles 4, 5, 6 et 7 et, le cas échéant, à l’article 9, paragraphe 2, de façon que l’ensemble du territoire national puisse être couvert. Les États membres peuvent désigner des entreprises ou groupes d’entreprises différents pour fournir différents éléments du service universel et/ou pour couvrir différentes parties du territoire national.

2. Lorsque les États membres désignent des entreprises pour remplir des obligations de service universel sur tout ou partie du territoire national, ils ont recours à un mécanisme de désignation efficace, objectif, transparent et non discriminatoire qui n’exclut a priori aucune entreprise. Les méthodes de désignation garantissent que la fourniture du service universel répond au critère de la rentabilité et peuvent être utilisées de manière à pouvoir déterminer le coût net de l’obligation de service universel, conformément à l’article 12.»

1. Les «tarifs sociaux»

8. Basés sur la nécessité d’offrir un «prix abordable», les tarifs sociaux sont une composante du service universel expressément mentionnée dans la législation de l’Union. Aux termes du dixième considérant de la directive «service universel», on entend par «prix abordable» le «prix défini au niveau national par les États membres compte tenu des circonstances nationales spécifiques, [qui] peut impliquer l’établissement d’une tarification commune indépendante de la position géographique ou de formules tarifaires spéciales pour répondre aux besoins des utilisateurs à faibles revenus. Du point de vue du consommateur individuel, le caractère abordable des prix est lié à sa capacité de surveiller et de maîtriser ses dépenses».

9. Les trois premiers paragraphes de l’article 9 de la directive «service universel» sont ainsi rédigés:

«1. Les autorités réglementaires nationales surveillent l’évolution et le niveau des tarifs de détail applicables aux services définis, dans les articles 4, 5, 6 et 7, comme relevant des obligations de service universel et fournis par des entreprises désignées, notamment par rapport aux niveaux des prix à la consommation et des revenus nationaux.

2. Les États membres peuvent, au vu des circonstances nationales, exiger que les entreprises désignées proposent aux consommateurs des options ou des formules tarifaires qui diffèrent de celles offertes dans des conditions normales d’exploitation commerciale, dans le but notamment de garantir que les personnes ayant de faibles revenus ou des besoins sociaux spécifiques ne soient pas empêchées d’accéder au service téléphonique accessible public ou d’en faire usage.

3. En plus des dispositions éventuelles prévoyant que les entreprises désignées appliquent des options tarifaires spéciales ou respectent un encadrement des tarifs ou une péréquation géographique, ou encore d’autres mécanismes similaires, les États membres peuvent veiller à ce qu’une aide soit apportée aux consommateurs recensés comme ayant de faibles revenus ou des besoins sociaux spécifiques.»

2. Le financement du service universel

10. Dans son préambule, la directive «service universel» énonce que l’indemnisation des entreprises qui fournissent le service universel ne doit pas «entraîner une quelconque distorsion de la concurrence», de sorte que seul «le coût net spécifique encouru» doit être compensé «par un moyen neutre» (10). À partir de cette prémisse, la directive «service universel» habilite les États membres à établir des mécanismes qui permettent de compenser le coût net de ce service universel – même si c’est seulement en cas de besoin – et, «dans les cas où il est démontré que ces obligations ne peuvent être assumées qu’à perte ou à un coût net qui dépasse les conditions normales d’exploitation commerciale» (11). L’application de ces critères permet de déterminer ce que cette directive appelle une «charge injustifiée» (12).

11. Sous l’intitulé «Financement des obligations de service universel», l’article 13 de ladite directive énonce les méthodes de compensation des obligations de service universel:

«1. Lorsque, sur la base du calcul du coût net visé à l’article 12, les autorités réglementaires nationales constatent qu’une entreprise est soumise à une charge injustifiée, les États membres décident, à la demande d’une entreprise désignée:

a) d’instaurer un mécanisme pour indemniser ladite entreprise pour les coûts nets tels qu’ils ont été calculés, dans des conditions de transparence et à partir de fonds publics, et/ou

b) de répartir le coût net des obligations de service universel entre les fournisseurs de réseaux et de services de communications électroniques.

2. En cas de répartition du coût comme prévu au paragraphe 1, point b), les États membres instaurent un mécanisme de répartition géré par l’autorité réglementaire nationale ou un organisme indépendant de ses bénéficiaires, sous la surveillance de l’autorité réglementaire nationale. Seul le coût net des obligations définies dans les articles 3 à 10, calculé conformément à l’article 12, peut faire l’objet d’un financement.

3. Un mécanisme de répartition respecte les principes de transparence, de distorsion minimale du marché, de non-discrimination et de proportionnalité, conformément aux principes énoncés dans l’annexe IV, partie B. Les États membres peuvent choisir de ne pas demander de contributions aux entreprises dont le chiffre d’affaires national est inférieur à une limite qui aura été fixée.

4. Les éventuelles redevances liées à la répartition du coût des obligations de service universel sont dissociées et définies séparément pour chaque entreprise...

To continue reading

Request your trial
2 practice notes
  • European Commission v Kingdom of Belgium.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 6 October 2010
    ...C-222/08 Commission contre Royaume de Belgique «Manquement d’État — Directive 2002/22/CE (directive ‘service universel’) — Communications électroniques — Réseaux et services — article 12 — Calcul du coût des obligations de service universel — Composante sociale du service universel — Articl......
  • Base NV and Others v Ministerraad.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 22 June 2010
    ...également attiré l’attention de la Commission européenne, qui a saisi la Cour d’un recours en manquement dans l’affaire Commission/Belgique (C-222/08), pendante devant la Cour, dans laquelle je présente mes conclusions le même jour que celles afférentes au présent litige. 3. Dans la présent......
2 cases
  • European Commission v Kingdom of Belgium.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 6 October 2010
    ...C-222/08 Commission contre Royaume de Belgique «Manquement d’État — Directive 2002/22/CE (directive ‘service universel’) — Communications électroniques — Réseaux et services — article 12 — Calcul du coût des obligations de service universel — Composante sociale du service universel — Articl......
  • Base NV and Others v Ministerraad.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 22 June 2010
    ...également attiré l’attention de la Commission européenne, qui a saisi la Cour d’un recours en manquement dans l’affaire Commission/Belgique (C-222/08), pendante devant la Cour, dans laquelle je présente mes conclusions le même jour que celles afférentes au présent litige. 3. Dans la présent......

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT