Sintax Trading OÜ v Maksu- ja Tolliamet.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2014:38
Docket NumberC-583/12
Celex Number62012CC0583
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date28 January 2014
62012CC0583

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PEDRO CRUZ VILLALÓN

présentées le 28 janvier 2014 ( 1 )

Affaire C‑583/12

Sintax Trading OÜ

contre

Maksu- ja Tolliameti

[demande de décision préjudicielle formée par la Riigikohus (Estonie)]

«Intervention des autorités douanières à l’égard de marchandises soupçonnées de porter atteinte à des droits de propriété intellectuelle — Règlement no 1383/2003 — Article 13, paragraphe 1 — Autorité compétente pour mener une procédure visant à déterminer s’il y a eu violation d’un droit de propriété intellectuelle — Compétence des autorités douanières pour engager une procédure visant à déterminer s’il y a eu violation d’un droit de propriété intellectuelle — Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne»

1.

La présente affaire concerne des mesures à la frontière prises en Estonie à l’égard de marchandises portant prétendument atteinte aux droits rattachés à un modèle. C’est l’occasion pour la Cour de justice de l’Union européenne d’interpréter une nouvelle fois le règlement (CE) no 1383/2003 ( 2 ), en l’occurrence en ce qui concerne la procédure visant à déterminer s’il y a eu violation d’un droit de propriété intellectuelle, prévue à son article 13, paragraphe 1.

2.

La Riigikohus (Cour suprême, Estonie) a soumis deux questions à la Cour. En premier lieu, elle demande si la procédure prévue à l’article 13, paragraphe 1, du règlement no 1383/2003 peut être mise en œuvre par les autorités douanières elles-mêmes et, en second lieu, si lesdites autorités peuvent engager cette procédure.

3.

Ces questions ont été soulevées dans le cadre d’une action introduite par Sintax Trading OÜ (ci-après «Sintax») contre l’administration des douanes et des impôts (Maksu- ja Tolliamet, ci‑après le «MTA»), qui a rejeté la demande de Sintax d’accorder la mainlevée des marchandises qu’elle détenait au motif que celles-ci portaient atteinte à un modèle industriel enregistré au nom de la société OÜ Acerra (ci-après «Acerra»).

I – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

4.

Les mesures à la frontière constituent un élément important de la protection des droits de propriété intellectuelle au sein de l’Union européenne. Le règlement no 1383/2003 n’est ni la première mesure législative prise par l’Union dans ce domaine ( 3 ) ni la dernière. En effet, ce règlement a été abrogé en vertu du règlement (UE) no 608/2013 avec effet au 1er janvier 2014 ( 4 ). Toutefois, le règlement no 1383/2003 s’applique en l’espèce au vu des dates auxquelles les faits en question ont eu lieu.

5.

Les considérants 2 et 3 du règlement no 1383/2003 disposent:

«(2)

La commercialisation de marchandises de contrefaçon, de marchandises pirates et d’une manière générale, la commercialisation de toutes les marchandises enfreignant les droits de propriété intellectuelle portent un préjudice considérable aux fabricants et négociants qui respectent la loi ainsi qu’aux titulaires de droits et trompent les consommateurs en leur faisant courir parfois des risques pour leur santé et leur sécurité. Il convient dès lors d’empêcher, dans toute la mesure du possible, la mise sur le marché de telles marchandises et d’adopter à cette fin des mesures permettant de faire face efficacement à cette activité illicite sans pour autant entraver la liberté du commerce légitime. Cet objectif rejoint d’ailleurs les efforts entrepris dans le même sens au plan international.

(3)

Dans les cas où les marchandises de contrefaçon, les marchandises pirates et, d’une manière générale, les marchandises portant atteinte à un droit de propriété intellectuelle sont originaires ou proviennent de pays tiers, il importe d’interdire leur introduction dans le territoire douanier de la Communauté, y compris leur transbordement, leur mise en libre pratique dans la Communauté, leur placement sous un régime suspensif ou leur placement en zone franche ou entrepôt franc et de mettre en place une procédure appropriée permettant aux autorités douanières de faire respecter cette interdiction le plus rigoureusement possible.»

6.

L’article 10 du même règlement prévoit:

«Les dispositions de droit en vigueur dans l’État membre sur le territoire duquel les marchandises se trouvent dans l’une des situations visées à l’article 1er, paragraphe 1, sont applicables pour déterminer s’il y a eu violation d’un droit de propriété intellectuelle au regard du droit national.

Elles s’appliquent également en ce qui concerne la notification immédiate au service ou au bureau de douane visés à l’article 9, paragraphe 1, du fait que la procédure prévue à l’article 13 a été engagée, à moins que celle-ci n’ait été engagée par ce service ou ce bureau.»

7.

Aux termes de l’article 13, paragraphe 1, du même règlement:

«Si, dans un délai de dix jours ouvrables à compter de la réception de la notification de la suspension de la mainlevée ou de la retenue, le bureau de douane visé à l’article 9, paragraphe 1, n’a pas été informé qu’une procédure visant à déterminer s’il y a eu violation d’un droit de propriété intellectuelle au regard du droit national a été engagée conformément à l’article 10 ou n’a pas reçu l’accord du titulaire du droit prévu à l’article 11, paragraphe 1, le cas échéant, la mainlevée est octroyée, ou, selon le cas, la mesure de retenue est levée, sous réserve que toutes les formalités douanières aient été accomplies.

Dans des cas appropriés, ce délai peut être prorogé de dix jours ouvrables au maximum.»

8.

Le règlement (CE) no 1891/2004 ( 5 ) de la Commission arrête les mesures nécessaires à la mise en œuvre du règlement no 1383/2003. Le considérant 1 énonce:

«Le règlement (CE) no 1383/2003 a introduit des règles communes dans le but d’interdire l’introduction, la mise en libre pratique, la sortie, l’exportation, la réexportation, le placement sous un régime suspensif, en zone franche, ou en entrepôt franc, de marchandises de contrefaçon et de marchandises pirates, et de faire face efficacement à la commercialisation illégale de telles marchandises sans pour autant entraver la liberté du commerce légitime.»

B – Le droit estonien

9.

L’article 39, paragraphes 4 et 6, du code des douanes estonien (tolliseadus, ci-après le «TS») prévoit:

«(4) En ce qui concerne l’intervention des autorités douanières à l’égard de marchandises soupçonnées de porter atteinte à certains droits de propriété intellectuelle […] au sens du règlement (CE) no 1383/2003 concernant l’intervention des autorités douanières à l’égard de marchandises soupçonnées de porter atteinte à certains droits de propriété intellectuelle ainsi que les mesures à prendre à l’égard de marchandises portant atteinte à certains droits de propriété intellectuelle […] le titulaire du droit présente un avis écrit sur la base d’un examen d’échantillons dans un délai de dix jours ouvrables à compter du moment où il a été informé de la retenue des marchandises. Aucune rémunération ne lui est versée pour le dépôt de cet avis. […]

(6) Les autorités douanières transmettent sans tarder une copie de l’avis du titulaire à la personne concernée, qui dispose d’un délai de dix jours à partir de la réception de cette copie pour leur présenter des objections écrites contre cet avis ainsi que toutes preuves utiles.»

10.

L’article 45, paragraphe 1, du TS est libellé comme suit:

«Les autorités douanières confisquent la marchandise visée aux articles 53, 57 et 75 du code des douanes communautaire afin de les vendre, de les détruire sous surveillance douanière ou de les distribuer gratuitement suivant la procédure précisée aux articles 97 et 98.»

11.

Aux termes de l’article 6 de la loi sur la procédure administrative (haldusmenetluse seadus):

«Tout organe administratif est obligé d’éclaircir les circonstances qui présentent une importance cruciale dans l’affaire qui est l’objet de la procédure et de recueillir d’office toutes preuves à cette fin lorsque c’est nécessaire.»

II – Les faits et la procédure au principal

12.

Acerra est titulaire du modèle industriel de bouteille no 01563, enregistré le 15 février 2010 sous le nom «Pudel» (bouteille).

13.

Le 6 décembre 2010, Acerra a prévenu le MTA que Sintax essayait de livrer en Estonie un produit conditionné dans des bouteilles qui correspondent au modèle enregistré.

14.

Le 23 décembre 2010, le MTA a effectué un contrôle complémentaire d’un lot de 63700 bouteilles envoyé par une société ukrainienne à Sintax. Le MTA a constaté que les bouteilles et le modèle enregistré étaient suffisamment similaires pour que l’on puisse soupçonner une violation d’un droit de propriété intellectuelle. Par décision du 27 décembre 2010, le MTA a retenu la marchandise suspecte dans un entrepôt douanier.

15.

Le même jour, le MTA a adressé un avis à Acerra et lui a demandé une évaluation de la marchandise retenue. Le 6 janvier 2011, Acerra a présenté au MTA cette évaluation, dans laquelle elle affirmait que les bouteilles importées portaient atteinte à son droit de propriété intellectuelle.

16.

Sintax a réagi de deux manières. En premier lieu, le 18 janvier 2011, elle a demandé au MTA d’accorder la mainlevée des marchandises. En second lieu, le 7 février 2011, elle a engagé devant le Harju Maakohus (tribunal de première instance de Harju) une action dirigée contre Acerra et contestant la validité du modèle industriel détenu par cette dernière.

17.

Concernant la demande visant à obtenir la mainlevée des marchandises, le MTA a avisé Sintax, par courrier du 11 février 2011, qu’Acerra avait effectué une évaluation des bouteilles introduites en Estonie et a considéré que...

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