Criminal proceedings against Giorgio Domingo Banchero.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1995:192
Date20 June 1995
Celex Number61993CC0387
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-387/93
61993C0387

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. MICHAEL B. ELMER

présentées le 20 juin 1995 ( *1 )

1.

Dans la présente affaire, la Pretura circondariale di Genova a saisi la Cour de justice en vue d'obtenir l'interprétation d'un certain nombre de dispositions du traité, au regard, entre autres, de la réglementation italienne sur la commercialisation des tabacs manufacturés.

La législation italienne applicable

2.

Selon l'article 1er de la loi no 907 du 17 juillet 1942, telle qu'elle a été modifiée par la loi no 1293 du 22 décembre 1957 ( 1 ), l'État italien a le monopole de la production de l'importation et de la vente au détail des tabacs manufacturés. Ce monopole est géré par l'Amministrazione Autonoma dei Monopoli di Stato (administration autonome des monopoles d'État, ci-après: ľ« AAMS »). La production des tabacs manufacturés est assurée en partie par l'AAMS elle-même, en partie par des entreprises qui y ont été autorisées, et pour le compte de fabricants étrangers sous le contrôle de l'AAMS. Outre la TVA, les tabacs manufacturés sont assujettis à un droit d'accise. Les dépôts contrôlés par l'AAMS ont un rôle central dans l'administration du monopole et procèdent au recouvrement et au versement au Trésor public de la taxe prélevée sur les articles de monopole et de toutes les recettes intéressant l'AAMS.

3.

Selon l'article 1er de la loi no 724 du 10 décembre 1975 ( 2 ), l'importation en Italie et le commerce en gros de tabacs manufacturés en provenance d'autres États membres de la Communauté sont autorisés sous la condition que ces marchandises soient stockées dans des dépôts de l'AAMS ou des dépôts privés qui ont reçu à cet effet une autorisation spéciale ( 3 ). Selon l'article 1er, paragraphe 2, de la loi précitée, l'importation n'est autorisée que pour les produits préalablement insérés dans des barèmes de prix de vente et il ne peut être procédé à l'importation de tabacs dans des conditionnements différents de ceux définis par décret du ministre des Finances. Les tabacs importés sont soumis, en application de l'article 3 de la loi, à une surtaxe à l'importation égale à la taxe à la consommation que l'importateur doit payer contre la délivrance de certaines vignettes spéciales de l'État qui doivent être apposées sur chaque conditionnement.

Dans la pratique, d'après ce que nous savons, la seule importation réalisée l'a été par l'intermédiaire des dépôts de l'AAMS.

4.

Seuls les détaillants qui ont obtenu une autorisation spéciale de l'AAMS peuvent procéder à la vente au détail de tabacs manufacturés. Il existe deux types de point de vente ( 4 ). Les débits de tabac ordinaires, au nombre d'environ 60000, sont exploités par des personnes privées, selon les conditions prévues par l'autorisation administrative aux lieux et aux heures d'ouverture que l'AAMS a fixés. Cette dernière prend en considération, entre autres, les distances entre les débits de tabac existants, les rapports entre le nombre de débits de tabac et les besoins des consommateurs, notamment, compte tenu à la fois du chiffre de la population locale et de l'existence de besoins spéciaux. Les débits de tabac spéciaux qui sont au nombre d'environ 16000 sont notamment exploités par des hôtels, des restaurants, des hôpitaux et des prisons. Ce sont les inspecteurs régionaux de l'AAMS qui fixent leurs heures d'ouverture, après consultation de l'autorité municipale, et les points de vente doivent être ouverts à tour de rôle pendant les jours fériés.

5.

Les barèmes de tabacs manufacturés sont fixés périodiquement par le ministre des Finances (voir loi no 76 du 7 mars 1985 ( 5 ) qui a modifié la loi no 825 du 13 juillet 1965 ( 6 )).

6.

La détention illégale de tabacs nationaux est punie en application de l'article 66 de la loi no907 du 17 juillet 1942 ( 7 ) réprimant le délit de contrebande. Ce délit est en vertu de la loi no 27 du 3 janvier 1951 ( 8 ) passible d'une amende de 150000 à 400000 LIT (correspondant actuellement à environ 70 à 185 écus) par kilo ou fraction de kilo de tabac manufacturé. La loi précitée prévoit aussi la confiscation des marchandises et des peines de réclusion pouvant aller jusqu'à deux ans si la contrebande porte sur plus de 15 kg de tabac.

7.

Selon l'article 341 du Testo unico delle disposizioni legislative in materia doganale (texte unique des dispositions législatives en matière douanière ( 9 ) ci-après: le « TULD »), les délits de contrebande ayant pour objet des tabacs manufacturés d'origine étrangère relèvent exclusivement des dispositions pénales de la législation douanière italienne fixées par ce décret. Le délit de contrebande prévu par la législation douanière italienne consiste, selon l'article 292 du TULD, dans la soustraction de marchandises au paiement des droits de douane qui les frappent. Selon l'article 282, sous f), ce délit est puni d'une amende non inférieure à deux fois et non supérieure à dix fois le montant des droits qui n'ont pas été acquittés et l'article 301 dispose la confiscation de l'objet du délit. Les articles 295 et 296 du décret prévoient des peines de réclusion en cas de récidive (jusqu'à un an) ou en cas de circonstances aggravantes (trois à cinq ans).

Selon l'article 25, paragraphe 2, du TULD, le détenteur de marchandises étrangères soumises aux droits de douane doit démontrer leur provenance légitime. Dans le cas contraire, il est réputé coupable de contrebande.

Les faits de l'affaire

8.

Lors d'une vérification de comptabilité opérée le 25 octobre 1990 dans les locaux de l'entreprise unipersonnelle Sebastiano fiancherò, il a été trouvé un lot de 2,320 kg de tabac manufacturé étranger, consistant en 116 paquets de cigarettes de marques différentes dont aucun ne portait la vignette de l'État italien attestant le paiement des droits de douane et d'accise.

9.

Le patron de l'entreprise, M. Giorgio Domingo Banchero, a été inculpé par la Pretura circondariale di Genova du délit de contrebande prévu par les articles 282, sous f), et 341 du TULD pour avoir été en possession de marchandises étrangères, à savoir du tabac manufacturé sur lequel n'avait pas été apposé le signe distinctif délivré par le monopole, sans pouvoir prouver que ces marchandises avaient été acquises de manière légale.

L'inculpé a expliqué au cours de la procédure qu'il avait acheté les tabacs en cause à un inconnu dans la rue près du Ponte Monumentale à Gênes.

L'ordonnance de renvoi

10.

La Pretura circondariale di Genova a constate qu'il importait d'obtenir l'interprétation du droit communautaire pour pouvoir statuer dans la présente affaire pénale et a adressé à la Cour le 14 mars 1992 une ordonnance de renvoi comportant plusieurs questions préjudicielles. Par ordonnance du 19 mars 1993, Banchero ( 10 ), la Cour de justice a toutefois déclaré irrecevables les questions au motif que la juridiction de renvoi n'avait pas fourni une description des faits et de la législation italienne applicable suffisante pour permettre à la Cour de répondre utilement aux questions posées.

11.

La Pretura circondariale di Genova a par la suite, par ordonnance du 30 juillet 1993, déféré à la Cour de justice un certain nombre de questions préjudicielles portant sur la compatibilité de la législation italienne et du droit communautaire, s'agissant de la vente de tabac:

« 1)

La nature et les caractéristiques normatives d'un monopole national tel que celui qui résulte — y compris au niveau de ses modalités pratiques — de la législation en vigueur en Italie pour le secteur des tabacs sont-elles compatibles avec les dispositions combinées des articles 5, 30, 37, 85, 86, 90, 92 et 95 du traité instituant la Communauté économique européenne, en particulier sous l'angle de l'exclusivité de production, de commercialisation, de vente et de distribution en général qui est accordée au monopole national et dont le mécanisme est déjà de nature, de par ses caractéristiques intrinsèques, à créer des discriminations au sens de l'article 37 du traité, à permettre des choix préférentiels pouvant s'analyser comme des ‘mesures d'effet équivalent’ au sens de l'article 30 du traité et à rendre possible un abus de position dominante contraires aux articles 86 et 90 du traité?

Plus particulièrement, l'article 30 du traité est-il compatible avec une réglementation nationale qui réserve la distribution au détail des tabacs manufacturés étrangers à une entreprise détenant un monopole de vente de ces produits dont il résulte que l'unique circuit de commercialisation des tabacs manufacturés étrangers est constitué par les seules reventes autorisées par ledit monopole et, en cas de constatation d'une incompatibilité, une telle réglementation nationale constitue-t-elle une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative à l'importation contraire à l'article 30 du traité CEE?

2)

Selon l'interprétation de la Cour de justice des Communautés européennes, l'article 30 du traité CEE est-il compatible avec une législation nationale qui punit le non-paiement de la taxe perçue au stade de la consommation sur les tabacs manufacturés provenant d'autres États membres, quelles que soient les quantités, d'une peine disproportionnée à la gravité de l'infraction, en ce que ladite législation prévoit toujours tant l'application d'une sanction pénale que la confiscation des marchandises même dans l'hypothèse de quantités minimes?

En cas de constatation d'une incompatibilité, une telle réglementation nationale constitue-t-elle une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative à l'importation contraire à l'article 30 du traité CEE?

3)

Une réglementation nationale qui réserve la distribution au détail des tabacs manufacturés, y compris ceux provenant des autres États...

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