Job Centre coop. arl.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1997:246
Date15 May 1997
Celex Number61996CC0055
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-55/96
EUR-Lex - 61996C0055 - FR 61996C0055

Conclusions de l'avocat général Elmer présentées le 15 mai 1997. - Job Centre coop. arl. - Demande de décision préjudicielle: Corte d'appello di Milano - Italie. - Libre prestation des services - Activité de placement des travailleurs - Exclusion des entreprises privées - Exercice de la puissance publique. - Affaire C-55/96.

Recueil de jurisprudence 1997 page I-07119


Conclusions de l'avocat général

Introduction

1 En l'espèce, la Cour a été invitée à répondre à plusieurs questions quant aux rapports entre différentes dispositions du traité et la législation italienne portant interdiction de l'activité de placement privé et de la mise à disposition de travailleurs intérimaires. Ces questions correspondent en réalité à celles qui avaient été déférées à la Cour dans l'affaire C-114/94, Job Centre (1) (ci-après «Job Centre I»), affaire dans laquelle nous avons présenté des conclusions le 8 août 1995.

2 La Cour avait choisi, à l'époque, d'opposer une irrecevabilité pour défaut de compétence, en estimant que le Tribunale penale e civile di Milano, qui avait déféré les questions au titre du régime italien de juridiction gracieuse (giurisdizione volontaria), exerçait en l'occurrence une fonction non juridictionnelle. La Cour avait notamment considéré que ce n'est qu'au cas où un recours est introduit à l'encontre d'un refus d'homologation des statuts d'une société que la juridiction saisie peut être considérée comme exerçant une fonction de nature juridictionnelle.

3 Après que le Tribunale penale e civile di Milano eut rejeté la demande d'agrément concernant les statuts de Job Centre coop. arl en voie de constitution (ci-après «Job Centre»), Job Centre a fait appel de cette décision devant la Corte d'appello di Milano, qui a soumis à la Cour une série de questions ayant pour objet de lui permettre de rendre une décision dans le cadre de l'appel.

4 Il ne se pose dès lors en l'espèce aucun problème de recevabilité, de sorte que la Cour peut à présent statuer sur le fond.

5 Le lien étroit qui existe entre la présente affaire et Job Centre I nous ouvre en tant que tel la possibilité de renvoyer, pour une large part, aux développements que nous avions consacrés sur le fond de l'affaire dans nos précédentes conclusions. Nous avons cependant estimé, notamment à la lumière de l'audience dans la nouvelle affaire, qu'il était approprié, à défaut de renvoi, d'élaborer de nouvelles conclusions autonomes, en y intégrant au surplus certaines nouvelles informations ainsi que la jurisprudence la plus récente de la Cour.

La législation nationale

6 Le placement des travailleurs et toute autre activité de médiation entre l'offre et la demande de travail rémunéré sont, selon l'article 11, paragraphe 1, de la loi italienne n_ 264 du 29 avril 1949 (ci-après la «loi de 1949»), interdits autrement que par l'intermédiaire des bureaux de placement publics, même si cette activité est effectuée à titre gratuit. Différents bureaux organisés sous la responsabilité du ministère du Travail italien ont donc le droit exclusif d'exercer des activités de placement en Italie (2).

Les employeurs ne doivent pas en principe embaucher autrement que par l'intermédiaire d'un bureau public de placement. Il y a toutefois des exceptions à cette règle, entre autres, pour des emplois de dirigeants, ou pour le personnel sélectionné par voie de concours général, ainsi que pour des emplois de gens de maison (3). Initialement, les employeurs n'avaient que la possibilité d'indiquer aux bureaux de placement, entre autres, les qualifications que le travailleur devait posséder («richiesta numerica»), après quoi le bureau de placement leur assignait un travailleur, entre autres, sur la base de critères objectifs, eu égard notamment à la situation familiale et financière de l'intéressé, la durée de la période de recherche d'emploi, etc. L'article 25, paragraphe 1, de la loi n_ 223 du 23 juillet 1991 offre toutefois la possibilité pour l'employeur de choisir le travailleur qu'il souhaite engager, à partir d'une liste établie par le bureau de placement («richiesta nominativa»).

Les employeurs employant plus de dix salariés (à l'exception de la direction et des apprentis) doivent au reste réserver (actuellement) 12 % des créations d'emploi aux travailleurs devenus chômeurs à la suite, notamment, de la faillite de leur précédent employeur, ou qui sont en chômage depuis plus de deux ans.

Toute activité de placement contraire à ces règles et l'engagement de travailleurs autrement que par l'intermédiaire du bureau de placement sont passibles, selon la loi de 1949, de sanctions pénales ou administratives. En outre, les tribunaux peuvent, à la requête du ministère public - autorité exerçant des tâches spécifiques dans le cadre de la procédure civile et de la procédure pénale -, prononcer la nullité des contrats de travail conclus en violation de ces règles, dans un délai d'un an à partir de l'engagement.

7 L'article 1er, paragraphes 1 et 2, de la loi n_ 1369 du 23 octobre 1960 dispose comme suit:

«Il est interdit à l'entrepreneur d'adjuger directement ou en sous-traitance, ou sous toute autre forme que ce soit, même à des sociétés coopératives, l'exécution de simples prestations de travail par le biais de main-d'oeuvre engagée et rémunérée par l'adjudicataire ou par l'intermédiaire, quelle que soit la nature du travail ou du service auquel se réfèrent les prestations.

Il est en outre interdit à l'entrepreneur de confier à des intermédiaires, qu'ils soient employés, tiers ou sociétés, même coopératives, des travaux à exécuter à la tâche par des prestataires engagés et rémunérés par ces intermédiaires.»

Toute infraction à ces règles est passible de sanctions pénales; en droit, celui qui loue la main-d'oeuvre est, selon l'article 1er, paragraphe 5, de la loi, considéré à tous égards comme employeur.

8 Le gouvernement italien a, lors de l'audience tenue dans la nouvelle affaire, admis que certaines affirmations qu'il avait faites lors de la procédure orale dans l'affaire Job Centre I n'étaient pas exactes. Le gouvernement italien déclare à présent que les interdictions prévues à l'article 1er, paragraphes 1 et 2, de la loi de 1960 s'étendent en outre également à la mise à disposition, par une entreprise italienne, d'une main-d'oeuvre temporaire à une entreprise établie dans un autre État membre ainsi que la mise à disposition, par une entreprise étrangère, d'une main-d'oeuvre temporaire à une entreprise établie en Italie.

Les faits

9 Job Centre est une société coopérative en cours de constitution, dont le siège est à Milan, Italie, et dont le capital social s'élève à 1 300 000 LIT, ce qui correspond actuellement à environ 670 écus. Aux termes de l'article 4, sous c) et d), de ses statuts, la coopérative a notamment pour objet social:

«c) la mise en place d'un service permanent de collecte, de stockage, d'élaboration, de sélection et de fourniture aux membres, ou aux tiers éventuellement intéressés - à titre gratuit pour les membres et pour les tiers travailleurs - du plus grand nombre possible d'informations sur les demandes et les offres de travail du marché de l'emploi italien et communautaire, en vue de mettre en contact les employeurs et les travailleurs;

d) la mise en place d'un service de repérage et de sélection de personnel italien ou étranger pour des employeurs italiens ou étrangers intéressés par cette main-d'oeuvre».

10 Job Centre coop. arl a, conformément à l'article 2330, paragraphe 3, du code civil italien, introduit devant le Tribunale penale e civile di Milano une demande d'homologation des statuts de la société. Selon cette disposition, le Tribunale, s'il constate que les statuts de la société satisfont aux conditions prévues par la loi, ordonne, après avoir entendu le ministère public, l'inscription de la société au registre. L'article 2331, paragraphe 1, dispose que la société [n']acquiert la personnalité juridique [qu']avec l'inscription au registre.

11 Par décision du 18 décembre 1995, le Tribunale di Milano a, à la suite de l'arrêt de la Cour se déclarant incompétente pour statuer sur les questions qui lui avaient été posées, rejeté la demande d'homologation des statuts constitutifs, pour cause d'incompatibilité de l'objet social de Job Centre avec la législation italienne.

12 Job Centre a formé un recours au titre de l'article 2330, paragraphe 4, du code civil italien devant la Corte d'appello di Milano à l'encontre de ce refus d'homologation, en demandant l'annulation de la décision du tribunal et l'adoption de la décision d'homologation des statuts de la société.

Les questions préjudicielles

13 Par ordonnance du 30 janvier 1996, la Corte d'appello di Milano a sursis à statuer et déféré à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) Les dispositions nationales italiennes, visées aux articles 11, paragraphe 1, de la loi n_ 264 du 29 avril 1949 et 1er, premier alinéa, de la loi n_ 1369, du 23 octobre 1960, comportant l'interdiction de toute activité de médiation et d'interposition entre demandes et offres d'emploi lorsqu'elle n'est pas exercée par des organismes publics désignés par ces dispositions, peuvent-elles être considérées comme relevant de l'exercice de l'autorité publique au sens des dispositions combinées des articles 66 et 55 du traité CE, étant donné le caractère d'intérêt général que leur confère la loi italienne dans la mesure où elles visent à protéger les travailleurs et l'économie nationale?

2) Ces dispositions, à travers le principe général qu'elles consacrent, doivent-elles être considérées comme étant contraires aux principes de droit communautaire posés par les articles 48, 49, 59, 60, 62, 86 et 90 du traité, concernant le droit au travail, la liberté d'entreprise, la libre circulation des travailleurs et des personnes, la liberté de demander et d'offrir des prestations de travail et de services, la concurrence libre et loyale entre...

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