Criminal proceedings against Silvano Raso and Others.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1997:477
Docket NumberC-163/96
Celex Number61996CC0163
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date09 October 1997
EUR-Lex - 61996C0163 - FR 61996C0163

Conclusions de l'avocat général Fennelly présentées le 9 octobre 1997. - Procédure pénale contre Silvano Raso e.a. - Demande de décision préjudicielle: Pretura circondariale di La Spezia - Italie. - Libre prestation des services - Concurrence - Droits spéciaux ou exclusifs - Entreprises concessionnaires d'un terminal portuaire. - Affaire C-163/96.

Recueil de jurisprudence 1998 page I-00533


Conclusions de l'avocat général

I - Introduction

1 Le présent renvoi préjudiciel exige à nouveau de la Cour qu'elle examine la compatibilité avec le droit communautaire de certains aspects de la législation régissant les activités dans les ports italiens. Dans l'affaire Merci convenzionali porto di Genova (1), la Cour a jugé que l'article 90, paragraphe 1, du traité CE, en relation avec les articles 30, 48 et 86 de ce traité, s'oppose à une réglementation d'un État membre qui confère à une entreprise établie dans cet État le droit exclusif d'organiser les opérations portuaires et oblige celle-ci à recourir exclusivement, pour l'exécution de ces opérations, à des compagnies portuaires composées exclusivement de travailleurs nationaux. La demande de décision préjudicielle analysée ci-après concerne la conformité avec le droit communautaire d'un nouveau droit exclusif conféré à ces compagnies portuaires, depuis lors transformées, pour la fourniture de main-d'oeuvre temporaire chargée de l'exécution d'opérations portuaires uniquement.

II - Le contexte juridique

2 Les dispositions législatives nationales sont complexes. Afin de faciliter la compréhension de la législation portuaire actuelle, nous exposerons d'abord les dispositions législatives en vigueur avant l'arrêt Port de Gênes; nous examinerons ensuite de façon quelque peu détaillée les points pertinents de cet arrêt rendu par la Cour, avant de décrire la législation nationale générale en matière d'embauche. Nous résumerons enfin les dispositions pertinentes de la nouvelle législation portuaire, adoptée en Italie essentiellement à cause de l'arrêt Port de Gênes.

A - Le contexte juridique avant l'arrêt Port de Gênes

3 Les caractéristiques principales de la législation en vigueur avant l'arrêt Port de Gênes peuvent être décrites de la manière suivante. Premièrement, comme l'atteste le rapport d'audience dans l'affaire Port de Gênes, les ports de mer italiens étaient (et demeurent) gérés par des autorités portuaires publiques (2). Deuxièmement, en vertu de l'article 110 du «Codice della navigazione» (3) (code de la navigation, ci-après le «code»), le personnel employé aux opérations portuaires se constituait en compagnies ou en groupes («compagnie portuali», ci-après les «compagnies portuaires»), dotés d'une personnalité juridique propre, mais soumis à la surveillance de l'autorité portuaire. Toutes les «opérations de chargement, de déchargement, de transbordement, de stockage et de mouvement en général des marchandises ou de tout autre matériel dans le port» étaient réservées, par le même article 110 du code, aux compagnies portuaires précitées. Ce monopole était renforcé par l'article 1172 du code, qui prévoyait des sanctions pénales contre toute personne qui recourait, pour des opérations portuaires, à des travailleurs portuaires qui n'étaient pas affiliés à une compagnie portuaire (4). Troisièmement, les articles 150, 152 et 156 du «Regolamento per la Navigazione Marittima» (règlement italien de la navigation maritime) (5) prévoyaient l'inscription obligatoire des travailleurs portuaires engagés par des compagnies portuaires dans des registres temporaires ou permanents appropriés, inscription soumise à la condition préalable d'être de nationalité italienne.

4 Conformément à l'article 111 du code, les autorités portuaires pertinentes étaient compétentes pour concéder «l'organisation d'opérations portuaires pour compte de tiers». Les entreprises bénéficiant de ces concessions étaient, en général, des entreprises privées [«imprese portuali», ci-après l'(les) «entreprise(s) portuaire(s)»], qui se chargeaient des prestations de services, comprenant, entre autres, les opérations portuaires pour ycompte de tiers - usagers dans les ports italiens (6). Les entreprises portuaires pouvaient uniquement faire appel au personnel mis à disposition par les compagnies portuaires (7). Conformément à l'article 112 du code et 203 du règlement, les tarifs et autres conditions relatifs à l'exécution des opérations par les compagnies portuaires étaient fixés par les autorités portuaires (8).

5 La compatibilité avec le droit communautaire du système susmentionné a été remise en cause dans l'affaire Port de Gênes.

B - L'affaire Port de Gênes

6 Dans l'affaire Port de Gênes, une société italienne, Siderurgica, importait un lot d'acier d'Allemagne dans un navire affrété (9). Bien que le navire ait été équipé pour que sa cargaison soit déchargée par l'équipage de bord, le code réservait cette opération portuaire à la compagnie portuaire du port de Gênes, c'est-à-dire la Compagnia Unica Lavoratori Merci Varie del Porto di Genova (ci-après «Compagnia») (10). Dès lors, Siderurgica, eu égard au code, était obligée de faire appel à Merci convenzionali porto di Genova, c'est-à-dire l'entreprise portuaire (ci-après «Merci»), pour organiser le déchargement de l'acier. Merci devait, ensuite, également faire appel aux services de Compagnia.

7 La livraison de la marchandise a, cependant, été retardée à la suite d'actions de grève impliquant le personnel de Compagnia. En fin de compte, Siderurgica a demandé la réparation du dommage subi par ce retard et le remboursement des sommes acquittées pour l'utilisation imposée, mais non sollicitée, des travailleurs portuaires de Compagnia. Le Tribunale di Genova a considéré que le litige (11) soulevait un problème de compatibilité des dispositions italiennes avec le droit communautaire et a, par conséquent, déféré deux questions à la Cour de justice.

8 Dans son arrêt, la Cour s'est fondée sur deux éléments. Premièrement, elle a estimé que le principe de non-discrimination en raison de la nationalité consacré par l'article 7 du traité CEE (actuellement l'article 6 du traité CE) avait été mis en oeuvre et concrétisé par l'article 48 du traité en ce qui concerne les travailleurs salariés. A cette fin, la Cour a interprété la notion de droit communautaire de «travailleur» comme comprenant une personne qui, «tout en se trouvant dans un lien de subordination par rapport à l'entreprise, est lié[e] aux autres travailleurs de celle-ci par un rapport d'association» (12). Deuxièmement, elle a estimé que Merci et Compagnia étaient en position dominante sur le marché «de l'organisation, pour le compte de tiers, des opérations portuaires ... et de l'exécution de ces opérations» dans le port de Gênes, qui, en l'espèce, pouvait «être considéré comme constituant une partie substantielle du marché commun» (13). Quant à l'éventuel abus de cette position dominante, la Cour a, en se référant à la fois à ses arrêts précédents Höfner et Elser (14) et ERT (15) et sur l'article 86, deuxième alinéa, sous a), b) et c), jugé qu'il apparaissait «des circonstances décrites par la juridiction nationale ... que les entreprises investies, selon les modalités définies par la réglementation nationale en cause, de droits exclusifs sont, de ce fait, amenées soit à exiger le paiement de services non demandés, soit à facturer des prix disproportionnés, soit à refuser de recourir à la technologie moderne, ce qui entraîne un accroissement du coût des opérations et un allongement des délais d'exécution de celles-ci, soit à octroyer des réductions de prix à certains utilisateurs avec compensation concomitante de ces réductions par une augmentation des prix facturés à d'autres utilisateurs» (16). Dès lors, la Cour a indiqué «qu'un État membre crée une situation contraire à l'article 86 du traité lorsqu'il adopte une réglementation du type de celle en cause devant la juridiction de renvoi, réglementation qui est susceptible d'affecter le commerce entre États membres» (17). Elle a, par conséquent, répondu à la juridiction nationale de la manière suivante (18):

«L'article 90, paragraphe 1, du traité CEE, en relation avec les articles 30, 48 et 86 de ce traité, s'oppose à une réglementation d'un État membre qui confère à une entreprise établie dans cet État le droit exclusif d'organiser les opérations portuaires et oblige celle-ci à recourir, pour l'exécution de ces opérations, à une compagnie portuaire composée exclusivement de travailleurs nationaux.»

C - La législation générale italienne en matière d'embauche

9 Le marché de l'emploi en Italie est soumis à un régime de placement obligatoire géré par des bureaux de placement publics («sezioni circoscrizionali per l'impiego»), qui sont principalement régis par la loi n_ 264 du 29 avril 1949 (ci-après la «loi de 1949»), et dont l'article 11, paragraphe 1, interdit à toute autre personne d'agir en tant qu'intermédiaire en matière d'embauche. L'article 1er, paragraphes 1 et 2, de la loi n_ 1369 du 23 octobre 1960 (ci-après la «loi de 1960») interdit, sous peine de sanction pénale, à un entrepreneur de prendre des dispositions avec des intermédiaires ou des sous-traitants pour l'exécution de prestations de travail, ou de confier l'exécution de tâches particulières à ces personnes ou à des tiers. Ces règles procèdent d'un souci de «protection des travailleurs contre l'exploitation et l'affaiblissement de leurs droits résultant d'une dichotomie entre l'employeur effectif et la personne formellement qualifiée d'employeur, mais qui n'est en réalité qu'un intermédiaire» (19). La présente affaire concerne les dispositions spécifiques relatives à l'embauche dans le secteur portuaire. Cependant, le non-respect de ces dispositions est susceptible d'exposer les responsables aux sanctions prévues par la loi de 1960.

D - La législation italienne...

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