Green Network SpA v Autorità per l'energia elettrica e il gas.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2014:156
Docket NumberC-66/13
Celex Number62013CC0066
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date13 March 2014
62013CC0066

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES BOT

présentées le 13 mars 2014 ( 1 )

Affaire C‑66/13

Green Network SpA

contre

Autorità per l’energia elettrica e il gas

[demande de décision préjudicielle formée par le Consiglio di Stato (Italie)]

«Environnement — Promotion des sources d’énergie renouvelables — Directive 2001/77/CE — Garanties d’origine — Conclusion par un État membre d’un accord bilatéral avec la Confédération suisse relatif à la reconnaissance des garanties d’origine — Compétence externe de l’Union européenne»

I – Introduction

1.

Par son arrêt fondamental du 31 mars 1971, Commission/Conseil, dit «AETR» ( 2 ), la Cour a consacré le principe selon lequel la compétence de la Communauté économique européenne pour prendre des engagements internationaux n’existe pas seulement dans les cas expressément prévus par le traité CEE, mais peut également découler de manière implicite des compétences attribuées à la Communauté sur le plan interne, et a reconnu que, lorsque la Communauté a effectivement exercé sa compétence sur le plan interne en adoptant des règles communes, sa compétence externe parallèle devient exclusive, de sorte que les États membres perdent la faculté de contracter avec des États tiers des engagements susceptibles d’affecter ces règles ou d’en altérer la portée.

2.

La présente affaire offre l’occasion à la Cour de préciser les conditions qui président à la mise en œuvre de la doctrine AETR, précitée, dans le cadre de la politique de l’Union européenne en matière de protection de l’environnement et, en particulier, de développement des énergies produites à partir de sources renouvelables ( 3 ).

3.

Par les présentes questions, il est principalement demandé à la Cour de préciser si l’adoption de la directive 2001/77/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 septembre 2001, relative à la promotion de l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables sur le marché intérieur de l’électricité ( 4 ), a emporté le dessaisissement des États membres de leur compétence nationale concurrente en les privant de la faculté de conclure avec les États tiers des accords portant sur la reconnaissance des garanties d’origine pour établir l’origine verte de l’électricité importée depuis ces États.

4.

Le Consiglio di Stato (Italie) se demande également si la circonstance que l’État tiers concerné est la Confédération suisse, qui a conclu le 22 juillet 1972 un accord de libre-échange avec la Communauté économique européenne ( 5 ) interdisant, à son article 13, paragraphe 1, les restrictions quantitatives à l’importation et les mesures d’effet équivalent, à moins qu’elles ne soient justifiées par les raisons énoncées à l’article 20 dudit accord ( 6 ), a une incidence sur la réponse à apporter à la question précédente.

5.

La juridiction de renvoi interroge, enfin, la Cour sur le point de savoir si la circonstance que la disposition nationale renvoie à la conclusion préalable d’un accord non pas entre l’État membre et l’État tiers concernés, mais entre les organismes gestionnaires des réseaux de ces deux États modifie la réponse à apporter aux questions précédentes, notamment lorsqu’un tel accord revêt un caractère tacite sans avoir été repris dans un acte officiel et que son existence repose sur la simple affirmation de la partie requérante au principal.

6.

Dans les présentes conclusions, nous soutiendrons, en premier lieu, que les garanties d’origine relevant d’un domaine déjà couvert en grande partie par les règles communes, progressivement adoptées depuis la directive 2001/77 dans la perspective d’une harmonisation encore plus complète, l’exercice par l’Union de sa compétence interne a engendré une compétence externe exclusive qui s’oppose à une disposition nationale, telle que celle en cause au principal, qui prévoit la conclusion par l’État membre concerné d’accords internationaux avec les États tiers relatifs à la reconnaissance des garanties d’origine.

7.

Nous ferons valoir, en deuxième lieu, que la circonstance que l’État tiers concerné est la Confédération suisse, avec laquelle la Communauté a conclu l’accord de libre-échange, n’a pas d’incidence sur la réponse apportée à la question précédente.

8.

Nous exposerons, en troisième lieu, à titre principal, qu’il n’y a pas lieu de répondre aux troisième et quatrième questions et, subsidiairement, que la compétence externe exclusive résultant de l’exercice, par l’Union, de sa compétence interne s’oppose également, eu égard au principe de coopération loyale, à une disposition nationale qui renvoie à la conclusion préalable d’un accord non pas entre l’État membre et l’État tiers concernés, mais entre les organismes gestionnaires des réseaux de ces deux États, dès lors qu’une telle disposition a pour objet ou pour effet de contourner l’impossibilité pour les États membres de conclure des engagements internationaux avec les États tiers.

II – Le contexte factuel et juridique

9.

Les faits pertinents qui sont à la base des questions posées par le Consiglio di Stato sont les suivants.

10.

En vertu d’un contrat de fourniture conclu le 2 juin 2005 avec Aar e Ticino SA di Elettricità, Green Network SpA ( 7 ), qui exerce l’activité de vente d’électricité, a importé en Italie 873855 MWh d’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables ( 8 ) provenant de Suisse.

11.

En Italie, l’importation d’électricité est, en principe, subordonnée au respect, par le producteur, d’une obligation destinée à favoriser l’utilisation d’électricité verte. Il résulte, en effet, de l’article 11, paragraphes 1 et 3, du décret législatif no 79 sur la mise en œuvre de la directive 96/92/CE concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité (decreto legislativo n. 79 – Attuazione della direttiva 96/92/CE recante norme comuni per il mercato interno dell’energia elettrica), du 16 mars 1999 ( 9 ), que les opérateurs ayant produit ou importé de l’électricité ont l’obligation d’injecter, l’année suivante, dans le réseau national, un quota d’électricité verte provenant d’installations entrées en service ou ayant augmenté leur production postérieurement à l’entrée en vigueur dudit décret, en prévoyant la possibilité de s’acquitter de cette obligation soit par la présentation d’un certificat établissant qu’un quota d’électricité verte produite ou importée a bien été injecté dans le réseau national, soit par l’achat de certificats verts auprès du gestionnaire du réseau national dénommé, depuis le 1er novembre 2005, Gestore dei Servizi Energetici – GSE SpA ( 10 ).

12.

Toutefois, l’opérateur qui importe de l’électricité verte peut être dispensé de cette obligation dans les conditions qui ont été précisées par l’article 4, paragraphe 6, du décret ministériel du 11 novembre 1999, puis par l’article 20, paragraphe 3, du décret législatif no 387 sur la mise en œuvre de la directive 2001/77 (decreto legislativo n. 387 – Attuazione della direttiva 2001/77), du 29 décembre 2003 ( 11 ).

13.

Le premier de ces deux textes dispose:

«L’obligation prévue à l’article 11, [paragraphe] 1 […], du décret législatif [...] no 79 peut être exécutée en important, en tout ou en partie, de l’électricité produite dans des installations entrées en service après le 1er avril 1999, alimentées par des sources renouvelables, pour autant que ces installations soient situées dans des pays étrangers qui adoptent des instruments analogues de promotion et d’encouragement des sources d’énergie renouvelables, basés sur des mécanismes de marché qui reconnaissent la même possibilité à des installations situées en Italie. En ce cas, la demande visée au paragraphe 3 est présentée par le titulaire de l’obligation en même temps que le contrat d’achat de l’électricité produite par l’installation et que le titre autorisant l’injection de cette électricité dans le réseau national. Toutes les données doivent être certifiées par l’autorité désignée en vertu de l’article 20, paragraphe 3, de la directive 96/92/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 19 décembre 1996, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité ( 12 )] dans le pays où se trouve l’installation. Dans le cas des pays non membres de l’Union européenne, l’acceptation de la demande est subordonnée à la conclusion d’une convention entre le gestionnaire du réseau national et l’autorité locale analogue déterminant les modalités des vérifications nécessaires.»

14.

L’article 20, paragraphe 3, du décret législatif no 387 a reconduit dans des conditions différentes la dispense de l’obligation d’acheter des certificats verts, tout en maintenant la distinction selon que l’importation est effectuée depuis un État membre ou depuis un État tiers.

15.

Lorsque l’électricité est importée d’un État membre, la dispense peut être obtenue par l’importateur à condition qu’il présente une copie conforme de la garantie d’origine émise conformément à l’article 5 de la directive 2001/77, selon lequel:

«1. Au plus tard le 27 octobre 2003, les États membres font en sorte que l’origine de l’électricité [verte] puisse être garantie comme telle au sens de la présente directive, selon des critères objectifs, transparents et non discriminatoires définis par chaque État membre. Ils veillent à ce que des garanties d’origine soient délivrées à cet effet en réponse à une demande.

[...]

3. Les garanties d’origine:

mentionnent la source d’énergie à partir de laquelle l’électricité a été produite, spécifient les dates et lieux de production et, dans le cas des installations hydroélectriques, précisent la capacité,

ont pour but de permettre aux...

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