Eckehard Pastoors and Trans-Cap GmbH v Belgian State.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1996:367
Date03 October 1996
Celex Number61995CC0029
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-29/95
EUR-Lex - 61995C0029 - FR 61995C0029

Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 3 octobre 1996. - Eckehard Pastoors et Trans-Cap GmbH contre Belgische Staat. - Demande de décision préjudicielle: Rechtbank van eerste aanleg Antwerpen - Belgique. - Transports par route - Règlements (CEE) n. 3820/85 et 3821/85 du Conseil - Dispositions nationales d'exécution. - Affaire C-29/95.

Recueil de jurisprudence 1997 page I-00285


Conclusions de l'avocat général

1 Par ordonnance du 31 janvier 1995, le Rechtbank van eerste aanleg te Antwerpen a demandé à la Cour si une réglementation nationale - adoptée en exécution du règlement (CEE) n_ 3820/85 du Conseil, du 20 décembre 1985, relatif à l'harmonisation de certaines dispositions en matière sociale dans le domaine des transports par route (1), et du règlement (CEE) n_ 3821/85 du Conseil, du 20 décembre 1985, concernant l'appareil de contrôle dans le domaine des transports par route (2) - était contraire à l'interdiction de toute discrimination énoncée à l'article 6 du traité CE, du fait que, en cas d'infraction, si le montant de l'amende n'est pas payé immédiatement, elle impose aux seuls non-résidents l'obligation de verser une caution destinée à couvrir l'amende et les frais de justice éventuels, sous peine de saisie du véhicule.

2 Les règlements précités visent à améliorer les conditions de travail et la sécurité routière dans les États membres. A cette fin, ils imposent certaines obligations et énoncent certaines interdictions concernant les temps de conduite, les interruptions de conduite et les périodes de repos, ainsi que l'usage d'appareils de contrôle.

L'article 17 du règlement n_ 3820/85 et l'article 19 du règlement n_ 3821/85 obligent les États membres à arrêter les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires à leur exécution, notamment en ce qui concerne la procédure et les instruments de contrôle, ainsi que les sanctions applicables en cas d'infraction.

Le royaume de Belgique a exécuté ces règlements en adoptant la loi du 6 mai 1985 (3), modifiant la loi du 1er août 1960, relative au transport rémunéré de choses par véhicules automobiles, qui a inséré dans cette dernière un article 11 ter. Conformément au système de sanctions institué par cet article 11 ter et par les articles 3, 4 et 5 de l'arrêté royal du 12 juillet 1989 (4) (adopté en exécution de la loi du 6 mai 1985), si aucun tiers n'est concerné par l'infraction, le contrevenant a la faculté soit de verser immédiatement une somme de 10 000 BFR par infraction (perception immédiate), ce qui éteint l'action publique, soit de laisser courir contre lui la procédure pénale prévue par la loi.

Tant l'article 11 ter précité que l'arrêté d'exécution font, dans cette dernière hypothèse, une distinction entre les contrevenants selon qu'ils ont ou non un domicile ou une résidence fixe en Belgique: dans le second cas, le contrevenant qui choisit de laisser courir contre lui la procédure pénale est tenu de verser une somme de 15 000 BFR par infraction pour couvrir l'amende et les frais de justice éventuels, sous peine de saisie du véhicule. Si, au contraire, il réside en Belgique, le contrevenant qui opte pour la procédure pénale n'est pas tenu de verser de caution ni ne s'expose à la saisie de son véhicule. Tel est, par conséquent, le traitement discriminatoire dont la légitimité au regard de l'article 6 du traité est contestée dans le cadre du présent litige.

3 Les faits de la présente affaire peuvent se résumer comme suit.

Lors du contrôle d'un camion appartenant à la société Trans-Cap, entreprise de transport dont le siège est établi en Allemagne, et conduit par M. Eckehard Pastoors, travailleur salarié occupé par cette société et résidant en Allemagne, la brigade de gendarmerie du port d'Anvers a constaté onze infractions aux dispositions des règlements n_ 3820/85 et n_ 3821/85.

Devant choisir entre la «transaction», impliquant le paiement immédiat d'une somme de 10 000 BFR par infraction et éteignant l'action publique, et la procédure pénale prévue par la loi belge, impliquant le versement d'une caution de 15 000 BFR par infraction pour éviter la saisie du véhicule, M. Pastoors, après avoir consulté son employeur, a opté pour le paiement immédiat et a versé 110 000 BFR (soit 10 000 BFR pour chacune des onze infractions).

Ultérieurement, le même conducteur, conjointement avec la société Trans-Cap, a introduit devant le Rechtbank van eerste aanleg te Antwerpen un recours visant à obtenir que l'État belge soit condamné au remboursement des sommes payées et à la réparation des dommages moraux subis. A l'appui de leur demande, les demandeurs ont fait valoir que le système de sanctions institué par l'article 11 ter de la loi du 1er août 1960 (inséré par la loi du 6 mai 1985) et par les dispositions d'exécution y afférentes est contraire tant à l'article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qu'à l'article 6 du traité, dans la mesure où il opère une distinction abusive entre les contrevenants, selon qu'ils ont ou non un domicile ou une résidence fixe en Belgique.

4 Tout en considérant que les arguments développés par les demandeurs étaient dénués de fondement, le Rechtbank van eerste aanleg te Antwerpen, invoquant «des motifs de sécurité juridique», a néanmoins décidé de surseoir à statuer et de déférer à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Le principe de non-discrimination inscrit à l'article 6 du traité sur l'Union européenne ou le principe général d'égalité consacré par le droit communautaire doivent-ils être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à un système de sanctions, institué par la législation nationale d'un État membre en exécution des règlements (CEE) n_ 3820/85 et (CEE) n_ 3821/85 du Conseil, qui permet aux personnes physiques ou morales qui sont verbalisées pour infractions à ladite législation de choisir entre:

a) le paiement immédiat d'une somme, en l'occurrence 10 000 BFR par infraction, lequel, en règle générale, éteint l'action publique,

et b) la poursuite, contre elles, de la procédure pénale normale,

mais qui, pour le cas où la personne verbalisée opte pour la deuxième solution, ne l'oblige à consigner une somme déterminée, en l'occurrence 15 000 BFR par infraction constatée, destinée à couvrir l'amende et les frais de justice éventuels, avec retenue du véhicule conduit par l'auteur de l'infraction jusqu'à la consignation de ladite somme, que lorsqu'elle n'a pas de domicile ou de résidence fixe en Belgique, même si elle est ressortissante d'un autre État membre?»

5 L'ordonnance de renvoi pose une question d'interprétation axée alternativement sur l'article 6 du traité et sur le principe général d'égalité. Nous estimons, cependant, qu'il est possible de formuler une réponse unique, fondée sur l'article 6 du traité, qui est une expression spécifique du principe d'égalité (5).

L'article 6 dispose que «Dans le domaine d'application du présent traité, et sans préjudice des dispositions particulières qu'il prévoit, est interdite toute discrimination exercée en raison de la nationalité».

Il convient d'examiner, en premier lieu, s'il est satisfait aux conditions permettant d'invoquer en l'espèce la disposition précitée, qui, selon une jurisprudence bien établie de la Cour, n'est applicable qu'en l'absence de dispositions interdisant les traitements discriminatoires dans des secteurs spécifiques (6). En cas de réponse affirmative, il reste à décider si la réglementation en cause implique une discrimination interdite.

6 En ce qui concerne le premier point, il faut rappeler avant tout que, comme la Cour l'a expliqué dans l'arrêt Phil Collins e.a. (7), l'article 6 est une disposition comportant un effet direct et pouvant être invoquée par quiconque se trouve dans une situation régie par le droit communautaire. Cette condition paraît remplie en l'espèce, puisque le système de sanctions organisé par la loi belge tire son caractère obligatoire des dispositions de l'article 17 du règlement n_ 3820/85 et de l'article 19 du règlement n_ 3821/85.

Quant à la possibilité de faire entrer le cas litigieux dans le champ d'application des dispositions du traité sur la libre prestation de services en matière de transports et de le soustraire ainsi à un examen mené à la lumière de l'article 6, nous faisons observer que la réglementation belge en cause a une nature et une portée procédurales. Elle n'a pas d'incidence, directe en tout cas, sur l'activité de transport par route ni n'est la source d'obstacles ou de restrictions à la libre circulation ou à la libre prestation de services garanties par le traité. Cependant, du fait que, dans l'hypothèse d'une réaction aux sanctions, elle prévoit certaines différences en fonction...

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