Commission of the European Communities v Grand Duchy of Luxemburg.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1996:80
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-473/93
Date05 March 1996
Procedure TypeRecurso por incumplimiento – fundado
Celex Number61993CC0473
EUR-Lex - 61993C0473 - FR 61993C0473

Conclusions de l'avocat général Léger présentées le 5 mars 1996. - Commission des Communautés européennes contre Grand-Duché de Luxembourg. - Manquement d'Etat - Libre circulation des personnes - Emplois dans l'administration publique. - Affaire C-473/93.

Recueil de jurisprudence 1996 page I-03207


Conclusions de l'avocat général

++++

1 Dans le cadre de son recours en manquement introduit le 17 décembre 1993, la Commission vous invite à

- constater que le grand-duché de Luxembourg, en maintenant l'exigence d'une condition de nationalité à l'encontre des travailleurs ressortissants des autres États membres pour l'accès aux emplois de fonctionnaire ou d'employé public relevant des secteurs publics de la recherche, l'enseignement, la santé, les transports terrestres, les postes et télécommunications, et les services de distribution de l'eau, du gaz et de l'électricité, a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 48 du traité CEE (1) et des articles 1er et 7 du règlement (CEE) n_ 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté (2),

- condamner le grand-duché de Luxembourg aux dépens.

2 La partie défenderesse s'oppose fermement au recours. Elle invoque d'abord une fin de non-recevoir et, au fond, conclut au rejet de la requête.

3 Il nous semble que ce recours, comme les deux autres dont vous avez à connaître (3), vous place à la croisée de plusieurs voies jurisprudentielles. Il devrait vous amener, si vous le déclarez recevable, à faire le bilan de votre jurisprudence actuelle et à en tirer les conséquences appropriées quant au domaine de la dérogation à la libre circulation des travailleurs, admise par l'article 48, paragraphe 4, du traité. En effet, le grand-duché de Luxembourg vous invite expressément, sur le fond, à opérer un revirement complet de jurisprudence en ce qui concerne la définition de la notion «d'administration publique» visée par cette disposition et, subsidiairement, à exclure une analyse par secteurs entiers au profit d'une analyse emploi par emploi.

4 Nous rappellerons d'abord le cadre juridique du litige (I). Nous examinerons ensuite la fin de non-recevoir soulevée par le grand-duché de Luxembourg (II), puis nous nous demanderons si le recours en manquement est ou non fondé (III). Nous examinerons enfin la demande de délai présentée par la partie défenderesse (IV).

I - Sur le cadre juridique du litige

5 Après un rappel des dispositions communautaires invoquées par la Commission (A), nous ferons le bilan de votre jurisprudence en la matière (B). Sur la base de cette jurisprudence, la Commission a décidé de mener une «action systématique» (C), qui a abouti à la mise en cause de différentes dispositions du droit national luxembourgeois (D).

A - Les dispositions communautaires

6 L'article 48, paragraphes 1 à 3, du traité consacre le principe de la libre circulation des travailleurs et son corollaire, l'abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des États membres, en ce qui concerne l'emploi, la rémunération et les autres conditions de travail.

7 L'article 48, paragraphe 4, dispose:

«Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux emplois dans l'administration publique.»

8 L'article 1er du règlement n_ 1612/68 prévoit en ce qui concerne l'accès à l'emploi:

«1. Tout ressortissant d'un État membre, quel que soit le lieu de sa résidence, a le droit d'accéder à une activité salariée et de l'exercer sur le territoire d'un autre État membre, conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant l'emploi des travailleurs nationaux de cet État.

2. Il bénéficie notamment sur le territoire d'un autre État membre de la même priorité que les ressortissants de cet État dans l'accès aux emplois disponibles.»

9 Quant à l'article 7, paragraphes 1 et 2, du même règlement, relatif à l'exercice de l'emploi et à l'égalité de traitement, il énonce:

«1. Le travailleur ressortissant d'un État membre ne peut, sur le territoire des autres États membres, être, en raison de sa nationalité, traité différemment des travailleurs nationaux, pour toutes conditions d'emploi et de travail, notamment en matière de rémunération, de licenciement, et de réintégration professionnelle ou de réemploi s'il est tombé en chômage.

2. Il y bénéficie des mêmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux.»

B - La jurisprudence communautaire

10 Dans votre arrêt du 12 février 1974, Sotgiu (4), vous avez jugé (5) que, «[...] compte tenu du caractère fondamental, dans le système du traité, des principes de libre circulation et d'égalité de traitement des travailleurs à l'intérieur de la Communauté, les dérogations admises par le paragraphe 4 de l'article 48 ne sauraient avoir une portée qui dépasserait le but en vue duquel cette clause d'exception a été insérée.»

11 Vous avez ainsi consacré une interprétation stricte de cette disposition (6).

12 Vous avez ajouté (7), pour préciser la portée de l'exception:

«[...] en l'absence de toute distinction dans la disposition citée, il est sans intérêt de savoir si un travailleur se trouve engagé en qualité d'ouvrier, d'employé ou de fonctionnaire, ou encore si son lien d'emploi relève du droit public ou du droit privé;

[...] ces qualifications juridiques sont, en effet, variables au gré des législations nationales et ne sauraient, dès lors, fournir un critère d'interprétation approprié aux exigences du droit communautaire.»

13 Dans l'arrêt du 17 décembre 1980, Commission/Belgique (8), vous avez souligné (9):

«[...] la notion d'administration publique au sens de l'article 48, paragraphe 4 [...] doit comporter une interprétation et une application uniformes dans l'ensemble de la Communauté.

[...]

[...] la délimitation de la notion d'`administration publique', au sens de l'article 48, paragraphe 4, ne peut être laissée à la totale discrétion des États membres.»

14 La notion d'administration publique relève donc du droit communautaire.

15 Dans le même arrêt Commission/Belgique, vous avez jugé (10):

«[L'article 48, paragraphe 4] place en dehors du champ d'application des trois premiers paragraphes de ce même article un ensemble d'emplois qui comportent une participation, directe ou indirecte, à l'exercice de la puissance publique et aux fonctions qui ont pour objet la sauvegarde des intérêts généraux de l'État ou des autres collectivités publiques. De tels emplois supposent en effet, de la part de leurs titulaires, l'existence d'un rapport particulier de solidarité à l'égard de l'État ainsi que la réciprocité de droits et de devoirs qui sont le fondement du lien de nationalité.»

16 Était ainsi donnée une définition fonctionnelle (11) de l'emploi relevant de l'administration publique.

17 Vous excluiez en conséquence une définition simplement organique de la notion d'administration publique, soulignant que (12) «[...] le fait d'étendre l'exception prévue à l'article 48, paragraphe 4, à des emplois qui, tout en relevant de l'État ou d'autres organismes de droit public, n'impliquent cependant aucun concours à des tâches relevant de l'administration publique proprement dite aurait pour conséquence de soustraire à l'application des principes du traité un nombre considérable d'emplois et de créer des inégalités entre États membres, en fonction des disparités qui caractérisent l'organisation de l'État et celle de certains secteurs de la vie économique».

18 Le caractère restrictif de l'exception de l'article 48, paragraphe 4, était renforcé par l'exigence de deux conditions cumulatives, liées à la participation à l'exercice de la puissance publique et aux fonctions qui ont pour objet la sauvegarde des intérêts généraux de l'État ou des autres collectivités publiques. Un arrêt ultérieur substitua à la conjonction «et» la conjonction «ou» (13). Cependant, l'exigence d'un cumul des deux conditions fut maintenue par les autres décisions rendues antérieurement et postérieurement à cet arrêt (14). L'affirmation du grand-duché de Luxembourg selon laquelle les deux conditions seraient alternatives en vertu de votre jurisprudence ne nous paraît donc pas fondée.

19 Dans l'arrêt du 17 décembre 1980, Commission/Belgique, précité, vous consacriez également le caractère restrictif de l'exception en excluant que l'on pût interdire aux ressortissants des autres États membres la généralité des emplois relevant de secteurs d'intervention de l'État ou des collectivités publiques au seul motif que, par suite de promotion ou de mutation, le nouvel emploi auquel l'agent pourrait accéder serait susceptible de comporter des fonctions et responsabilités propres de l'administration publique (15):

«[...] l'article 48, paragraphe 4, en visant les emplois qui comportent l'exercice de la puissance publique et l'attribution de responsabilités pour la sauvegarde des intérêts généraux de l'État, permet aux États membres de réserver, par des réglementations appropriées, aux ressortissants nationaux l'accès aux emplois qui comportent l'exercice d'une telle puissance et de telles responsabilités à l'intérieur d'une même carrière, d'un même service ou d'un même cadre.

[...] l'interprétation [...] qui a pour effet d'exclure [les] ressortissants [des autres États membres] de la généralité des emplois dans l'administration publique, comporte une restriction des droits de ces ressortissants qui va au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer le respect des finalités poursuivies par cette disposition [...]»

20 En résumé, il se déduit de votre jurisprudence que:

- la condition de nationalité ne peut être exigée pour l'accès aux emplois qui n'impliquent aucune participation, directe ou indirecte, à l'exercice de la puissance publique et aux fonctions qui ont pour objet la sauvegarde des intérêts généraux de l'État ou des autres...

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