Amministrazione dell’Economia e delle Finanze and Agenzia delle entrate v Fallimento Olimpiclub Srl.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2009:180
Date24 March 2009
Celex Number62008CC0002
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-2/08

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. JÁN Mazák

présentées le 24 mars 2009 (1)

Affaire C‑2/08

Amministrazione dell’Economia e delle Finanze

et Agenzia delle Entrate

contre

Fallimento Olimpiclub Srl

[demande de décision préjudicielle formée par la Corte suprema di cassazione (Italie)]

«TVA – Pratiques abusives – Primauté du droit communautaire – Sécurité juridique – Principe de la chose jugée – Jugements définitifs»





I – Introduction

1. Par ordonnance du 10 octobre 2007, parvenue à la Cour le 2 janvier 2008, la Corte suprema di cassazione (Italie) (ci-après la «Corte di cassazione» ou la «juridiction de renvoi») a soumis à la Cour une question préjudicielle au titre de l’article 234 CE concernant l’application du principe de la chose jugée dans le cadre d’un contentieux portant sur le paiement de la TVA.

2. La juridiction de renvoi souhaite essentiellement vérifier si, à la lumière de la jurisprudence Lucchini (2), le droit communautaire impose d’écarter une règle du droit national établissant le principe de la chose jugée, qui confère un caractère définitif à un jugement rendu par une autre juridiction dans une affaire portant sur le même sujet, étant entendu que, dans l’affirmative, la juridiction de renvoi serait habilitée à statuer, dans un litige portant sur le paiement de la TVA, dans le sens que la transaction en cause ne visait en fait qu’à obtenir un avantage fiscal et, partant, constituait une pratique abusive.

3. Cette question a été soulevée dans le contexte d’une procédure opposant, d’une part, Olimpiclub Srl en liquidation (ci-après «Olimpiclub») et, d’autre part, l’Amministrazione dell’Economia e delle Finanze (ci-après l’«administration des finances») et l’Agenzia delle Entrate (ci-après le «bureau des recettes») concernant des avis de redressement de TVA pour les années comprises entre 1988 et 1991.

II – Cadre normatif

4. L’article 2909 du code civil italien (codice civile), qui établit le principe de la res judicata (ci-après la «chose jugée»), dispose comme suit:

«Les constatations établies dans un arrêt passé en force de chose jugée sont obligatoires entre les parties, leurs héritiers ou leurs ayants cause.»

5. À cet égard, l’ordonnance de renvoi signale que, en matière de contentieux fiscal, la jurisprudence de la Corte di cassazione s’est longtemps fondée sur ce que l’on appelle le principe de la «fragmentation des jugements définitifs», suivant lequel chaque annualité fiscale conserve en principe son autonomie par rapport aux autres et se traduit par l’établissement, entre le contribuable et le fisc, d’une relation juridique distincte par rapport à celles relatives aux annualités antérieures ou postérieures. Partant, lorsque des litiges portent sur différentes annualités, ceux-ci font l’objet de jugements séparés – plutôt que d’être joints en vue d’un jugement commun –, même lorsque les litiges concernent le même impôt et qu’ils portent sur des questions en tout ou en partie analogues. Cela signifie qu’aucun des jugements rendus ne peut constituer une chose jugée pour les besoins d’un procès afférent à une autre année d’imposition.

6. Toutefois, selon l’ordonnance de renvoi, le principe de la fragmentation des jugements définitifs a été modifié par une jurisprudence plus récente de la Corte di cassazione, suivant laquelle l’objet d’une décision de justice en matière fiscale ne serait pas nécessairement confiné à la mesure litigieuse, mais pourrait également voir sa portée étendue aux éléments de fond invoqués en l’espèce par les autorités fiscales et au contexte juridique qui sous-tend la créance fiscale. Ce faisant, la Corte di cassazione a entendu souligner la nature unitaire de la taxe, en dépit du fait qu’elle a trait à des périodes fiscales distinctes, postérieures (3).

7. En conséquence, il est à présent parfaitement possible, dans le cadre d’un contentieux fiscal, de se fonder sur un jugement, même s’il a été rendu par rapport à une période d’imposition autre que celle à laquelle se rapporte le contentieux, à condition qu’il s’agisse d’un point fondamental commun aux deux affaires. Le principe suivant lequel les années d’imposition doivent être considérées séparément n’empêche pas un arrêt se rapportant à une période d’imposition donnée d’être contraignant par rapport à d’autres périodes lorsque des éléments importants afférents à plus d’une période d’imposition sont en cause.

III – Faits, procédure et questions préjudicielles

8. Olimpiclub est une société à responsabilité limitée ayant pour objet social la construction et la gestion d’infrastructures sportives et qui est propriétaire d’un complexe d’installations sportives situé sur un terrain appartenant à l’État.

9. Le 27 décembre 1985, Olimpiclub a conclu avec l’Associazione Polisportiva Olimpiclub (l’association multisports Olimpiclub, ci-après l’«Association») – dont les membres fondateurs étaient, dans leur quasi-totalité, détenteurs de parts sociales dans Olimpiclub, un prêt à usage, en d’autres termes, un contrat par lequel une partie confie à une autre partie l’usage de biens meubles ou d’immeubles pour une durée donnée ou indéterminée, étant entendu que l’usager est tenu de restituer les biens (ci-après le «contrat du 27 décembre 1985»). Au titre de ce contrat, l’usage de toutes les installations du complexe sportif a été cédé à l’Association, avec pour seule contrepartie l’obligation pour l’Association de supporter la taxe domaniale, de reverser les coûts forfaitaires évalués à 5 000 000 de ITL par an, ainsi que de transférer à la société Olimpiclub toutes les recettes brutes réalisées par l’Association, correspondant au montant global des cotisations de ses membres.

10. En 1992, la Guardia di Finanza (la brigade financière) a opéré des vérifications fiscales, étendues par la suite également à l’Association, et qui ont débouché sur la rédaction de deux procès-verbaux (ci-après les «procès-verbaux») révélant des irrégularités concernant le contrat du 27 décembre 1985. La conclusion était que le contrat ne pouvait pas être opposé aux autorités fiscales.

11. En conséquence, quatre avis de redressement ont été notifiés pour les années fiscales 1988 à 1991. Olimpiclub a contesté ces avis de redressement devant la Commissione tributaria provinciale di primo grado di Roma (juridiction fiscale provinciale de première instance, à Rome).

12. Devant cette juridiction, le bureau des recettes a soutenu que les vérifications effectuées par la Guardia di Finanza avaient fait apparaître que, en concluant le contrat formellement licite du 27 décembre 1985, les parties avaient, en réalité, poursuivi exclusivement le but de contourner la loi fiscale en vue d’obtenir, en faveur d’Olimpiclub, une économie d’impôt. En substance, en recourant à l’expédient instrumental du prêt à usage, Olimpiclub avait transféré à une association de personnes à but non lucratif toutes les charges administratives et de gestion du complexe sportif, en bénéficiant de la sorte du revenu produit par l’Association, sans que ce revenu soit assujetti à des prélèvements fiscaux en rapport. À travers la gestion des installations de la société, l’Association produisait, en fait, une richesse soustraite à l’imposition directe ou indirecte, puisque réalisée sous la forme d’une perception des cotisations acquittées par les membres.

13. La Commissione tributaria provinciale a toutefois accueilli le recours d’Olimpiclub, en considérant que l’administration des finances ne pouvait pas anéantir les effets juridiques du contrat du 27 décembre 1985 et qu’en tout état de cause cet accord n’était pas frauduleux.

14. Cette décision a été confirmée en appel par la Commissione tributaria regionale del Lazio (juridiction fiscale régionale du Latium), laquelle a confirmé, notamment, que l’intention frauduleuse n’avait pas été démontrée, vu que les raisons ayant amené la conclusion du contrat du 27 décembre 1985 pouvaient légitimement tenir au caractère non rentable de la gestion directe, par une société commerciale, d’une activité essentiellement sportive et ne se réduisaient pas à l’intention de contourner des obligations fiscales.

15. Dans l’affaire au principal, la Corte di cassazione est appelée à statuer sur le pourvoi en cassation formé par l’administration des finances à l’encontre de ce jugement. Olimpiclub ayant été, entre-temps, placée en liquidation, l’administrateur judiciaire s’est constitué dans le procès en cassation en tant que partie défenderesse et a formé un pourvoi incident.

16. L’administration des finances a soulevé un moyen unique global tiré de la «motivation illogique et insuffisante concernant un point décisif du litige, violation et fausse application de l’article 116 du code de procédure civile italien ainsi que des articles 37 bis du décret présidentiel n° 600/1973 et 10 de la loi n° 408/1990», cette dernière disposition ayant été déclarée inapplicable en l’espèce par la Commissione tributaria regionale del Lazio. Ce moyen de pourvoi tendait essentiellement à contester la constatation opérée dans le jugement attaqué, suivant laquelle l’intention de contourner la taxe était inexistante.

17. Olimpiclub a, de son côté, renvoyé dans son mémoire en réponse, notamment, à un certain nombre de jugements définitifs rendus par la Commissione tributaria provinciale di Roma et par la Commissione tributaria regionale del Lazio, et concernant des décomptes de taxe ayant trait à des périodes de taxation différentes, mais fondés sur les mêmes constatations que celles ayant donné lieu aux décomptes de taxe et aux avis de redressement en cause dans l’affaire pendante devant la juridiction de renvoi.

18. Olimpiclub a fait valoir que ces jugements déclarant non illicite aux fins de la taxation le mécanisme institué par le contrat du 27 décembre 1985 avaient acquis l’autorité de la chose jugée prévue à l’article 2909 du code civil italien et qu’en conséquence, nonobstant le fait que les constatations y contenues...

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