Josef Buckl & Söhne OHG and others v Commission of the European Communities.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1992:302
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-15/91,C-108/91
Date08 July 1992
Procedure TypeRecours en annulation - irrecevable
Celex Number61991CC0015
EUR-Lex - 61991C0015 - FR 61991C0015

Conclusions de l'avocat général Gulmann présentées le 8 juillet 1992. - Josef Buckl & Söhne OHG et autres contre Commission des Communautés européennes. - Organisation commune des marchés dans le secteur de la viande de volaille - Oies et canards - Prélèvement pour les produits originaires de Hongrie et de Pologne - Recours en carence - Recours en annulation. - Affaires jointes C-15/91 et C-108/91.

Recueil de jurisprudence 1992 page I-06061


Conclusions de l'avocat général

++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. Quatre entreprises allemandes ont introduit contre la Commission ces deux recours visant à faire constater que la Commission a manqué à son obligation de rétablir certains prélèvements à l' importation pour la viande de volaille. La première action est un recours en carence formé au titre de l' article 175 du traité CEE et la seconde action est un recours en annulation formé au titre de l' article 173 du traité.

La Commission a conclu à ce que les recours soient déclarés irrecevables et la Cour a décidé de se prononcer de manière distincte sur la recevabilité.

2. Les antécédents des affaires sont les suivants:

Le Conseil a adopté, le 18 décembre 1989, le règlement (CEE) n 3899/89, portant réduction, pour l' année 1990, des prélèvements pour certains produits agricoles originaires de pays en voie de développement (1). Le règlement impliquait notamment que les prélèvements normalement perçus à l' importation d' oies et de canards en provenance d' États tiers étaient réduits de 50 % pour des quantités de 3 000 tonnes de canards et de 25 000 tonnes d' oies. Il ressort du préambule du règlement que la réduction des prélèvements avait pour but d' aider la Pologne et la Hongrie.

Les requérantes exploitent des abattoirs de canards et d' oies et il ressort du dossier qu' elles procèdent ensemble à plus de 80 % des abattages de canards et à plus de 85 % des abattages d' oies en Allemagne. Selon les requérantes, la réduction des prélèvements à l' importation s' est traduite, d' une part, par une baisse des prix des canards et des oies importés, qui s' est répercutée sur les prix des canards et des oies produits en Allemagne, et, d' autre part, par une augmentation des importations de produits en provenance d' États tiers, ce qui a causé une baisse de la production allemande de viande de canard.

Les requérantes ont dès lors demandé à la Commission, le 26 septembre 1990, de rétablir intégralement les prélèvements à l' importation pour les canards et les oies en provenance de Pologne et de Hongrie. Elles se sont référées aux articles 4 et 5 du règlement, en vertu desquels la Commission peut rétablir les prélèvements à l' importation normaux si elle constate que les importations de produits bénéficiant du régime se font dans la Communauté à des prix tels qu' ils portent ou menacent de porter un préjudice grave aux producteurs de la Communauté de produits similaires ou de produits directement concurrents (2). Les requérantes font valoir que les conditions du rétablissement des prélèvements à l' importation normaux sont remplies et qu' il y a lieu d' interpréter l' article 4 en ce sens qu' il donne à la Commission l' obligation de les rétablir.

3. La Commission n' a pas répondu à cette lettre et les requérantes ont introduit ensuite, par requête déposée au greffe de la Cour le 16 janvier 1991, un recours contre la Commission au titre de l' article 175 du traité (affaire C-15/91). Les requérantes ont soutenu que la Commission avait fait preuve d' une carence illicite en s' abstenant de rétablir intégralement les prélèvements à l' importation pour les oies et les canards provenant de Pologne et de Hongrie, qui avaient été réduits de 50 % par le règlement du Conseil n 3899/89 (3).

Par lettre du 18 janvier 1991, c' est-à-dire deux jours après l' introduction du recours en carence, la Commission a toutefois répondu à la demande initiale des requérantes du 26 septembre 1990. Dans cette lettre, la Commission répondait par un refus motivé à la demande des requérantes visant au rétablissement des prélèvements à l' importation normaux pour les canards et les oies provenant de Hongrie et de Pologne. Ce refus fait l' objet du second des recours formés par les requérantes (affaire C-108/91). Ce recours, qui est formé au titre de l' article 173 du traité, vise à l' annulation de la décision de la Commission du 18 janvier 1991, par laquelle celle-ci a rejeté la demande des requérantes, qui l' invitaient à rétablir les prélèvements normaux appliqués à l' importation de certaines quantités de canards et d' oies originaires de Pologne et de Hongrie.

4. La Commission fonde en substance ses exceptions d' irrecevabilité sur le fait que les requérantes cherchent à faire constater par les deux recours que la Commission a l' obligation de rétablir les prélèvements à l' importation normaux en adoptant un nouveau règlement. Elle fait notamment valoir que les requérantes demandent l' adoption d' un acte juridique de portée générale qui ne les concerne pas directement et individuellement et que ni l' article 175, troisième alinéa, ni l' article 173, deuxième alinéa, ne permettent à la Cour de justice de connaître de telles prétentions.

La Commission soutient en outre qu' il y a lieu de déclarer irrecevable le recours en annulation du seul fait qu' un recours en carence est pendant, recours dans le cadre duquel la demande des requérantes peut être examinée. Étant donné que les deux affaires ont en fait le même objet et que les conditions de l' introduction d' un recours en carence étaient remplies d' abord, la Commission estime que les requérantes n' ont pas d' intérêt juridique à ce que leur demande soit examinée dans le cadre d' un recours en annulation.

5. Les requérantes font valoir que l' acte que la Commission a l' obligation de prendre est un acte qui les concerne directement et individuellement et que la Cour de justice est compétente pour statuer tant sur le recours formé au titre de l' article 175 du traité que sur le recours formé au titre de l' article 173. Les requérantes estiment qu' on ne peut pas déclarer irrecevable le recours en annulation pour la simple raison qu' un recours en carence est pendant. D' ailleurs, s' il faut choisir entre les deux recours, peu importe pour les requérantes que la Cour de justice statue sur le recours en carence ou sur le recours en annulation.

6. Les présentes affaires fournissent à la Cour de justice l' occasion de se prononcer sur certaines questions concernant les rapports entre l' article 175 et l' article 173. Ces affaires permettent également à la Cour d' examiner le point de savoir si on peut tirer de sa jurisprudence en matière d' antidumping concernant la possibilité pour les particuliers d' intenter un recours en annulation des éléments utiles pour les voies de droit ouvertes aux particuliers dans d' autres domaines juridiques.

Dans quelle mesure peut-il être statué sur le même objet tant en vertu de l' article 173 que de l' article 175?

7. Comme cela ressort de ce qui précède, les recours formés en l' espèce concernent en réalité une seule et même question, à savoir s' il résulte de l' article 4 du règlement n 3899/89 que la Commission a l' obligation de rétablir intégralement les prélèvements à l' importation pour les canards et les oies qui sont importés de Hongrie et de Pologne.

Il y a lieu de se demander si on peut tirer de cet état de fait des conclusions quant à la recevabilité de l' un des deux recours. L' objet identique des deux affaires peut-il être examiné tant au titre de l' article 173 qu' au titre de l' article 175?

8. Permettez-nous de vous rappeler tout d' abord les dispositions pertinentes des articles 175 et 173.

L' article 175, premier alinéa, pose la principale condition de fond de l' introduction d' un recours en carence. Un tel recours suppose que le Conseil ou la Commission se soit abstenu de "statuer" en violation du traité.

Il résulte de l' article 175, premier alinéa, qu' un tel recours peut toujours être formé par les États membres ou les autres institutions européennes, parmi lesquelles le Parlement européen.

L' article 175, troisième alinéa, fixe la condition à laquelle une personne physique ou morale peut former un recours en carence. La condition est que "l' une des institutions de la Communauté (a) manqué de lui adresser un acte autre qu' une recommandation ou un avis".

L' article 175, deuxième alinéa, détermine la procédure à suivre lors de l' introduction d' un recours en carence. La première condition est que l' institution en cause ait été "préalablement invitée à agir". La deuxième condition est que l' institution n' ait "pas pris position" à l' expiration d' un délai de deux mois à compter de cette invitation. La troisième condition est que le recours soit formé dans un nouveau délai de deux mois.

En vertu de l' article 173, premier alinéa, la Cour de justice est compétente pour contrôler la légalité des actes du Conseil et de la Commission, autres que les recommandations ou avis.

De tels recours peuvent être formés par les États membres, le Conseil, la Commission et, dans une certaine mesure, le Parlement européen (4). L' article 173, deuxième alinéa, dispose qu' une personne physique ou morale peut agir "contre les décisions qui, bien que prises sous l' apparence d' un règlement ou d' une décision adressée à une autre personne, la concernent directement et individuellement".

Aux termes de l' article 173, troisième alinéa, les recours doivent être introduits au plus tard deux mois après la publication de l' acte, sa notification au requérant ou, à défaut, à compter du jour où celui-ci en a eu connaissance.

9. La Cour de justice a observé qu' il y a une "connexion étroite entre le recours prévu à l' article 173, qui permet d' arriver à l' annulation d' actes du Conseil et de la Commission qui seraient illégaux, et celui fondé sur l' article...

To continue reading

Request your trial
8 practice notes
  • Codorníu SA v Council of the European Union.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 27 October 1992
    ...25 à 27. (32) ° Voir article 13, paragraphe 1, du règlement n 2423/88, JO L 209 du 2 août 1988, p. 1. (33) ° Conclusions du 8 juillet 1982, C-15/91 et C-108/91, Buckl et autres/Commission, arrêt non encore publié au Recueil. (34) ° Il s' agissait d' un recours en carence, mais l' avocat gén......
  • Société de distribution mécanique et d'automobiles v Commission of the European Communities.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 13 December 2000
    ...v Council [1988] ECR 4017, paragraphs 9 and 10; Case 383/87 Commission v Council [1988] ECR 4051, paragraphs 9 and 10, and Joined Cases C-15/91 and C-108/91 Buckl and Others v Commission [1992] ECR I-6061, paragraphs 14 to 17).84 With regard more particularly to a situation such as that in ......
  • Government of Gibraltar v Council of the European Communities.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 4 May 1993
    ...Rec. p. I-0000, points 22 à 37. (66) - L' arrêt rendu dans l' intervalle dans l' affaire Buckl (24 novembre 1992, Buckl/Commission, C-15/91 et C-108/91, Rec. p. I-0000) est à notre avis conforme à cette opinion. Certes, la Cour s' est tout d' abord fondée dans cet arrêt sur le caractère de ......
  • Commission of the European Communities and French Republic v Télévision française 1 SA (TF1).
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 12 July 2001
    ...la admisibilidad de tal recurso (véanse, en particular, la sentencia de 24 de noviembre de 1992, Buckl y otros/Comisión, asuntos acumulados C-15/91 y C-108/91, Rec. p. I-6061, apartados 14 a 17, así como el auto de 10 de junio de 1993, The Liberal Democrats/Parlamento, C-41/92, Rec. p. I-31......
  • Request a trial to view additional results
8 cases
  • Codorníu SA v Council of the European Union.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 27 October 1992
    ...25 à 27. (32) ° Voir article 13, paragraphe 1, du règlement n 2423/88, JO L 209 du 2 août 1988, p. 1. (33) ° Conclusions du 8 juillet 1982, C-15/91 et C-108/91, Buckl et autres/Commission, arrêt non encore publié au Recueil. (34) ° Il s' agissait d' un recours en carence, mais l' avocat gén......
  • Société de distribution mécanique et d'automobiles v Commission of the European Communities.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 13 December 2000
    ...v Council [1988] ECR 4017, paragraphs 9 and 10; Case 383/87 Commission v Council [1988] ECR 4051, paragraphs 9 and 10, and Joined Cases C-15/91 and C-108/91 Buckl and Others v Commission [1992] ECR I-6061, paragraphs 14 to 17).84 With regard more particularly to a situation such as that in ......
  • Government of Gibraltar v Council of the European Communities.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 4 May 1993
    ...Rec. p. I-0000, points 22 à 37. (66) - L' arrêt rendu dans l' intervalle dans l' affaire Buckl (24 novembre 1992, Buckl/Commission, C-15/91 et C-108/91, Rec. p. I-0000) est à notre avis conforme à cette opinion. Certes, la Cour s' est tout d' abord fondée dans cet arrêt sur le caractère de ......
  • Commission of the European Communities and French Republic v Télévision française 1 SA (TF1).
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 12 July 2001
    ...la admisibilidad de tal recurso (véanse, en particular, la sentencia de 24 de noviembre de 1992, Buckl y otros/Comisión, asuntos acumulados C-15/91 y C-108/91, Rec. p. I-6061, apartados 14 a 17, así como el auto de 10 de junio de 1993, The Liberal Democrats/Parlamento, C-41/92, Rec. p. I-31......
  • Request a trial to view additional results

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT