Sophie Mukarubega v Préfet de police and Préfet de la Seine-Saint-Denis.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2014:2031
Date25 June 2014
Celex Number62013CC0166
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-166/13
62013CC0166

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MELCHIOR WATHELET

présentées le 25 juin 2014 ( 1 )

Affaire C‑166/13

Sophie Mukarubega

contre

Préfet de police,

Préfet de la Seine-Saint-Denis

[demande de décision préjudicielle formée par le tribunal administratif de Melun (France)]

«Espace de liberté, de sécurité et de justice — Directive 2008/115/CE — Retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier — Procédure d’adoption d’une décision de retour — Principe du respect des droits de la défense — Refus de l’administration d’octroyer à un ressortissant d’un pays tiers en situation irrégulière un titre de séjour au titre de l’asile, assorti d’une obligation de quitter le territoire — Droit d’être entendu avant l’édiction de la décision de retour — Risque de fuite — Incidence de l’existence d’un recours suspensif en droit interne permettant à l’étranger d’être entendu a posteriori»

I – Introduction

1.

La présente demande de décision préjudicielle, déposée au greffe de la Cour le 3 avril 2013 par le tribunal administratif de Melun (France), concerne la nature et la portée du droit d’être entendu prévu à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte») avant l’adoption d’une décision de retour en application de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ( 2 ).

2.

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme Mukarubega au préfet de police et au préfet de la Seine‑Saint‑Denis. Mme Mukarubega demande l’annulation des décisions du 26 octobre 2012 par lesquelles le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour et assorti son refus d’une obligation de quitter le territoire ainsi que l’annulation des décisions du 5 mars 2013, par lesquelles le préfet de la Seine-Saint-Denis l’a obligée à quitter le territoire français, a refusé de lui octroyer un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel elle était susceptible d’être éloignée et l’a placée en rétention administrative.

3.

Dans les présentes conclusions, il sera nécessaire de trouver le juste équilibre entre le droit d’être entendu avant l’adoption d’une décision de retour et la nécessité de ne pas prolonger inutilement, voire abusivement, la procédure de retour au risque de mettre en péril la lutte contre l’immigration clandestine.

II – Le cadre juridique

A – La directive 2008/115

4.

L’article 3 de la directive 2008/115, intitulé «Définitions», énonce:

«Aux fins de la présente directive, on entend par:

[...]

4)

‘décision de retour’: une décision ou un acte de nature administrative ou judiciaire déclarant illégal le séjour d’un ressortissant d’un pays tiers et imposant ou énonçant une obligation de retour;

[...]»

5.

L’article 5 de la directive 2008/115, intitulé «Non-refoulement, intérêt supérieur de l’enfant, vie familiale et état de santé», dispose:

«Lorsqu’ils mettent en œuvre la présente directive, les États membres tiennent dûment compte:

a)

de l’intérêt supérieur de l’enfant,

b)

de la vie familiale,

c)

de l’état de santé du ressortissant concerné d’un pays tiers,

et respectent le principe de non-refoulement.»

6.

L’article 6 de cette directive, intitulé «Décision de retour», dispose:

«1. Les États membres prennent une décision de retour à l’encontre de tout ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier sur leur territoire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 à 5.

[…]

4. À tout moment, les États membres peuvent décider d’accorder un titre de séjour autonome ou une autre autorisation conférant un droit de séjour pour des motifs charitables, humanitaires ou autres à un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier sur leur territoire. Dans ce cas, aucune décision de retour n’est prise. Si une décision de retour a déjà été prise, elle est annulée ou suspendue pour la durée de validité du titre de séjour ou d’une autre autorisation conférant un droit de séjour.

[…]

6. La présente directive n’empêche pas les États membres d’adopter une décision portant sur la fin du séjour régulier en même temps qu’une décision de retour et/ou une décision d’éloignement et/ou d’interdiction d’entrée dans le cadre d’une même décision ou d’un même acte de nature administrative ou judiciaire […]»

B – Le droit français

7.

L’article L. 313‑11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (ci-après le «Ceseda») dispose:

«Sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention ‘vie privée et familiale’ est délivrée de plein droit:

[…]

À l’étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n’entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d’existence de l’intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d’origine, sont tels que le refus d’autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l’article L. 311‑7 soit exigée. L’insertion de l’étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République;

[…]

11°

À l’étranger résidant habituellement en France dont l’état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité, sous réserve de l’absence d’un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l’autorité administrative après avis du directeur général de l’agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l’article L. 311‑7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l’autorité administrative, après avis du médecin de l’agence régionale de santé de la région de résidence de l’intéressé, désigné par le directeur général de l’agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l’agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d’État.»

8.

L’article L. 313‑14 du Ceseda dispose:

«La carte de séjour temporaire mentionnée à l’article L. 313‑11 […] peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, à l’étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l’admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu’il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l’article L. 311‑7.

[…]»

9.

L’article L. 511‑1 du Ceseda prévoit:

«I.

L’autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d’un État membre de l’Union européenne, d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen[, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3),] ou de la Confédération suisse et qui n’est pas membre de la famille d’un tel ressortissant […], lorsqu’il se trouve dans l’un des cas suivants:

[…]

3° Si la délivrance ou le renouvellement d’un titre de séjour a été refusé à l’étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré […]»

10.

L’article L. 742‑7 du Ceseda dispose:

«L’étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l’objet d’une mesure d’éloignement prévue au titre Ier du livre V et, le cas échéant, des pénalités prévues au chapitre Ier du titre II du livre VI.»

III – Le litige au principal et les questions préjudicielles

11.

Mme Mukarubega, ressortissante rwandaise née le 12 mars 1986, est entrée en France le 10 septembre 2009 munie de son passeport revêtu d’un visa.

12.

Le 4 décembre 2009, elle a sollicité auprès du préfet de police son admission au séjour en France au titre de l’asile. Pendant la procédure d’asile, Mme Mukarubega a bénéficié d’une autorisation provisoire de séjourner en France.

13.

Par décision du 21 mars 2011, le directeur de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (ci-après l’«OFPRA») a refusé d’octroyer le statut de réfugié à Mme Mukarubega. Cette décision a été confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d’asile (ci‑après la «CNDA») le 30 août 2012 qui lui a été notifiée le 10 septembre 2012.

14.

Par un arrêté du 26 octobre 2012, le préfet de police a refusé d’admettre Mme Mukarubega au séjour au titre de l’asile et assorti son refus d’une obligation de quitter le territoire français (ci-après la «première décision de retour»). Le Rwanda a été fixé comme pays de destination et un délai de départ volontaire de 30 jours lui a été octroyé.

15.

Nonobstant cette décision de retour, Mme Mukarubega s’est maintenue irrégulièrement en France jusqu’au début du mois de mars 2013...

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