European Commission v Scott SA.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2010:78
CourtCourt of Justice (European Union)
Date23 February 2010
Docket NumberC-290/07
Celex Number62007CC0290
Procedure TypeRecurso de anulación

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO MENGOZZI

présentées le 23 février 2010 1(1)

Affaire C‑290/07 P

Commission européenne

contre

Scott SA

«Pourvoi – Aide d’État – Aide accordée par les autorités françaises à Scott Paper – Prix préférentiel d’un terrain et tarif préférentiel de la redevance d’assainissement dans le cadre de l’implantation d’une usine de fabrication de papier à usage domestique»





I – Introduction

1. Ce n’est pas la première fois que la Cour est appelée à se prononcer sur l’aide d’État que la République française aurait octroyée à Scott, une société productrice de papier à usage domestique. Ce n’est pas la première fois et ce ne sera pas non plus la dernière. En effet, indépendamment de l’issue de la présente affaire, au moins deux autres affaires sont encore pendantes relativement aux mêmes faits. Nous y reviendrons par la suite.

2. Les faits, désormais bien connus de la Cour, remontent à 1987. Cette année-là, les autorités publiques françaises ont cédé à une société privée, la société Scott, un terrain à un prix que la Commission des Communautés européennes a considéré comme inférieur au prix du marché. Ce terrain a été utilisé pour implanter une usine de production de papier. En 1996, la société Scott a été acquise par une autre société, la société Kimberly-Clark Corp., qui, en 1998, après avoir procédé à la fermeture de l’usine, l’a cédée, avec le terrain sur lequel elle se trouvait, à une autre société, la société Procter & Gamble.

3. C’est dans ce contexte que la Commission a adopté la décision 2002/14/CE, du 12 juillet 2000, concernant l’aide d’État mise à exécution par la France en faveur de Scott Paper SA/Kimberly-Clark (2) (ci-après la «décision litigieuse»).

4. Aux termes du dispositif de la décision litigieuse:

«Article 1er

L’aide d’État sous forme du prix préférentiel d’un terrain et d’un tarif préférentiel de la redevance d’assainissement, que la France a mise à exécution en faveur de Scott, pour un montant de 39,58 millions de FRF (6,03 millions d’euros) ou, en valeur actualisée, de 80,77 millions de FRF (12,3 millions d’euros), en ce qui concerne le prix préférentiel du terrain, et pour un montant que les autorités françaises devront déterminer, pour ce qui est du second avantage, conformément au mode de calcul fixé par la Commission, est incompatible avec le marché commun.

Article 2

1. La France prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer auprès de son bénéficiaire l’aide visée à l’article 1er et déjà illégalement mise à sa disposition.

2. La récupération a lieu sans délai conformément aux procédures du droit national, pour autant qu’elles permettent l’exécution immédiate et effective de la présente décision. L’aide à récupérer inclut des intérêts à partir de la date à laquelle elle a été mise à la disposition du bénéficiaire, jusqu’à la date de sa récupération. Les intérêts sont calculés sur la base du taux de référence utilisé pour le calcul de l’équivalent-subvention dans le cadre des aides à finalité régionale.

Article 3

La France informe la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, des mesures qu’elle a prises pour s’y conformer.

Article 4

La République française est destinataire de la présente décision».

5. La décision litigieuse a fait l’objet de deux recours parallèles devant le Tribunal. Le premier recours, intenté par le département du Loiret (département sur le territoire duquel est situé le terrain qui fait l’objet de la décision litigieuse) et enregistré sous la référence T‑369/00, a débouché sur l’annulation de la décision litigieuse «dans la mesure où elle concerne l’aide accordée sous la forme du prix préférentiel d’un terrain visé à son article 1er» (3). Par cet arrêt, le Tribunal a annulé la décision dans son intégralité au motif tiré d’une erreur de calcul de la Commission pour les intérêts dus au titre de la récupération de l’aide. Cet arrêt a été attaqué par la Commission et la Cour, tout en confirmant le bien-fondé des considérations du Tribunal sur le calcul des intérêts, a constaté que ce motif ne pouvait justifier l’annulation de ladite décision dans son intégralité, mais seulement la partie de cette décision concernant spécifiquement les intérêts. Par conséquent, l’arrêt du Tribunal a été annulé et l’affaire est de nouveau pendante devant le Tribunal (4).

6. Le deuxième recours visant la décision litigieuse et qui fait l’objet du présent pourvoi a été formé par la société Scott Paper SA (ci‑après «Scott»), bénéficiaire des mesures que la Commission a qualifiées d’aides. Ce recours, enregistré sous la référence T‑366/00, a donné lieu à un arrêt du 29 mars 2007, c’est-à-dire le même jour que celui rendu dans l’affaire T‑369/00, précitée, qui a annulé le seul article 2 de la décision litigieuse «dans la mesure où il concerne l’aide accordée sous la forme du prix préférentiel d’un terrain visé à son article 1er».

7. Il convient de relever, par souci d’exhaustivité, que les faits de la présente affaire sont à l’origine d’autres affaires pendantes devant la Cour. Tout d’abord, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 6 octobre 2005, Scott/Commission (5), la Cour a confirmé le raisonnement du Tribunal qui, dans le cadre de deux arrêts partiels, a rejeté des exceptions tirées de la prescription (6). Ensuite, par arrêt prononcé en octobre 2006, la France a été condamnée pour ne pas avoir procédé dans les délais impartis à la récupération de l’aide (7). Enfin, dans l’affaire C‑210/09 encore pendante, la Cour est saisie d’une demande de décision préjudicielle par la cour administrative d’appel de Nantes dans le cadre d’une procédure nationale de récupération de l’aide.

II – L’arrêt attaqué

8. À l’appui de son recours dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 10 avril 2003, Scott/Commission, précité, Scott a invoqué quatre moyens, tirés, respectivement, d’une violation des droits procéduraux, d’une violation du principe d’égalité de traitement, d’une violation du principe de protection de la confiance légitime et d’une appréciation erronée de l’aide (8).

9. Le Tribunal a, en tout premier lieu, examiné l’exception d’irrecevabilité de la Commission concernant certaines des annexes de la requête de Scott. Selon la Commission, certains documents, en ce qu’ils n’avaient pas été versés au dossier administratif, ne pouvaient être annexés à la requête.

10. À cet égard, le Tribunal a observé que, en réalité, la question était non pas celle de la possibilité d’annexer ces documents à la requête, mais plutôt celle de savoir si ces documents pouvaient être utilisés pour apprécier la légalité de la décision litigieuse. Après avoir exclu une telle possibilité concernant trois des quatre documents en cause, le Tribunal a analysé une lettre adressée à la Commission par l’avocat de Scott et datée du 24 décembre 1999. La Commission avait rejeté cette lettre, car elle émanait d’un tiers et avait été produite au-delà du délai imparti dans la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen.

11. Eu égard à ladite lettre, le Tribunal a formulé toute une série de considérations, concernant essentiellement le rôle du bénéficiaire de l’aide dans le cadre d’une procédure de contrôle des aides d’État. Il n’y a pas lieu, à ce stade, de rapporter ces considérations, dès lors qu’elles constituent l’objet des nombreux moyens du pourvoi de la Commission et seront donc discutées par la suite dans les présentes conclusions. Il convient seulement ici de relever que le Tribunal a jugé que la Commission n’aurait pas dû refuser de verser cette lettre au dossier administratif. Le Tribunal a donc pris en compte le contenu de cette lettre pour apprécier la légalité de la décision litigieuse.

12. Il n’en demeure pas moins que la conclusion concrète à laquelle le Tribunal est parvenu sur la base de ces considérations ne s’avère pas très claire, pas plus que le fondement sur lequel il s’est appuyé. D’une part, en effet, il ne résulte pas de l’arrêt attaqué que Scott a invoqué un moyen d’annulation tiré du défaut de prise en considération de ladite lettre (9). D’autre part, le Tribunal a annulé la décision litigieuse non pour des motifs d’ordre procédural, mais sur le fond, relativement aux appréciations de la Commission. Au surplus, il ressort de l’arrêt attaqué que les estimations et rappels, mentionnés dans la lettre de Scott rejetée par la Commission, ont été repris dans une lettre adressée à la Commission par le gouvernement français, en date du 21 février 2000, et ont par conséquent été versés au dossier (10).

13. La lecture de l’arrêt attaqué semble indiquer que, selon le Tribunal, dès lors que la Commission aurait dû retenir la lettre de Scott du 24 décembre 1999, le contenu de ladite lettre pouvait être utilisé pour apprécier la légalité de la décision litigieuse. Par ailleurs, ainsi qu’il a été vu au point précédent, le Tribunal a relevé que les arguments contenus dans ladite lettre avaient, de fait, été versés au dossier, puisqu’ils avaient été ultérieurement repris par la France. D’ores et déjà, force est de reconnaître qu’un tel raisonnement soulève, à notre sens, certaines difficultés. Nous en traiterons plus en détail, par la suite, dans le cadre de l’analyse des moyens d’annulation concernant le rôle à reconnaître au bénéficiaire d’une aide.

14. En deuxième lieu, le Tribunal a procédé directement à l’examen du quatrième moyen du recours, tiré d’une appréciation erronée de l’aide de la part de la Commission.

15. Sur ce moyen, le Tribunal a jugé, d’une part, que la Commission avait commis une erreur en ayant estimé la valeur du terrain cédé à Scott sur la base des coûts d’acquisition et d’aménagement supportés par les autorités publiques. À cet égard, le Tribunal a observé que de tels coûts ne constituaient pas la meilleure preuve de cette valeur (11). D’autre part, même en admettant le recours à la méthode des coûts, la Commission aurait commis une série...

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