Commission of the European Communities v French Republic.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2000:156
CourtCourt of Justice (European Union)
Date23 March 2000
Docket NumberC-337/98
Procedure TypeRecours en constatation de manquement - non fondé
Celex Number61998CC0337
EUR-Lex - 61998C0337 - FR 61998C0337

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 23 mars 2000. - Commission des Communautés européennes contre République française. - Manquement - Marchés publics dans le secteur des transports - Directive 93/38/CEE - Application dans le temps - Projet de métro léger du district urbain de l'agglomération rennaise - Marché attribué par procédure négociée sans mise en concurrence préalable. - Affaire C-337/98.

Recueil de jurisprudence 2000 page I-08377


Conclusions de l'avocat général

1 Dans cette affaire, la Commission reproche à la République française de ne pas avoir respecté les textes communautaires qui règlementent le recours aux procédures négociées dans la passation des marchés par les organismes opérant dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des télécommunications, et ce à l'occasion d'un marché passé par procédure négociée sans mise en concurrence préalable. La principale question litigieuse est celle de savoir si ces règles s'appliquent au marché en question ; le gouvernement français conteste la thèse de la Commission selon laquelle ces règles étaient en vigueur au moment pertinent de la procédure. En cas d'application, il faudra déterminer si les conditions d'une dérogation à l'obligation de mise en concurrence étaient remplies.

La réglementation communautaire

2 La directive 93/38 (1) s'applique aux entités adjudicatrices qui exploitent, notamment, des réseaux de transports publics en leur qualité de pouvoirs publics ou d'entreprises publiques, ou parce qu'elles bénéficient de droits exclusifs délivrés par une autorité compétente d'un État membre [article 2, paragraphes 1 et 2 sous c)].

3 Cette directive prévoit que les marchés des entités opérant dans les secteurs en question peuvent être passés suivant trois types de procédures: les procédures ouvertes, les procédures restreintes et les procédures négociées. L'article 1er, point 7, en donne les définitions suivantes:

«a) en ce qui concerne les procédures ouvertes, tout fournisseur, tout entrepreneur ou tout prestataire de services interessé peut soumissionner;

b) en ce qui concerne les procédures restreintes, seuls les candidats invités par l'entité adjudicatrice peuvent soumissionner;

c) en ce qui concerne les procédures négociées, l'entité adjudicatrice consulte les fournisseurs, les entrepreneurs ou les prestataires de services de son choix et négocie les conditions du marché avec un ou plusieurs d'entre eux.»

4 L'article 4, paragraphe 2, ajoute que: «Les entités adjudicatrices veillent à ce qu'il n'y ait pas de discrimination entre fournisseurs, entrepreneurs ou prestataires de services.»

5 L'article 20, paragraphe 1, précise que: «Les entités adjudicatrices peuvent choisir l'une des procédures définies à l'article 1er point 7, pour autant que, sous réserve du paragraphe 2, une mise en concurrence ait été effectuée en vertu de l'article 21» (qui se réfère aux formes à respecter pour les avis de mise en concurrence et précise que ceux-ci doivent être publiés au Journal Officiel des Communautés Européennes).

6 Cependant, l'article 20, paragraphe 2, autorise «Les entitiés adjudicatrices (à) recourir à une procédure sans mise en concurrence préalable dans les cas suivants:

...

c) lorsque, en raison de leur spécificité technique, artistique ou pour des raisons tenant à la protection des droits d'exclusivité, l'éxécution du marché ne peut être confiée qu'à un fournisseur, un entrepreneur ou à un prestataire de services déterminé;

...»

7 Conformément à l'article 45, les États membres devaient adopter les mesures nécessaires pour se conformer aux dispositions de la directive et les appliquer au plus tard le 1er juillet 1994.

8 L'article 45 prévoyait également que la directive 90/531 (2) - qui contenait (3) des dispositions identiques, pour ce qui est des circonstances qui nous concernent, à celles de la directive 93/38 précitée - cesserait de produire effet à partir de la date de mise en application de cette dernière par les États membres. Les États membres avaient eu jusqu'au 1er janvier 1993 pour transposer la directive 90/531 (4). Avant celle-ci, la passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'électricité, des transports et des télécommunications n'était pas règlementée au niveau communautaire.

La législation française

9 La passation des marchés publics en France est essentiellement régie par les dispositions du code des marchés publics (ci-après le «code»).

10 L'article 104.I de ce code exige pour les marchés négociés une mise en concurrence préalable. L'article 104.II admet certaines dérogations en vertu desquelles une mise en concurrence préalable n'est pas indispensable. Le texte applicable à l'époque des faits de la présente affaire était ainsi rédigé :

«Il peut être passé des marchés négociés sans mise en concurrence préalable lorsque l'exécution ne peut être réalisée que par un entrepreneur ou un fournisseur déterminé.

Il en est ainsi dans les cas suivants:

1) lorsque les besoins ne peuvent être satisfaits que par une prestation nécessitant l'emploi d'un brevet d'invention, d'une licence ou de droits exclusifs détenus par un seul entrepreneur ou un seul fournisseur;

2) lorsque les besoins ne peuvent être satisfaits que par une prestation qui, à cause des nécessités techniques, d'investissements préalables importants, d'installations spéciales ou de savoir-faire, ne peut être confiée qu'à un entrepreneur ou un fournisseur déterminé;

....».

11 A l'époque des faits, la République française n'avait pas transposé la directive 93/38 (5). Il semble, en revanche, que la directive 90/531 l'ait été par le biais de la loi nº 92-1282 du 11 décembre 1992 (6) et du décret nº 93-990 du 3 août 1993(7). L'article 2 de ce décret fournit une liste exhaustive des cas dans lesquels il peut être recouru à une procédure sans mise en concurrence préalable, et le point 4 de cette liste reprend les termes de l'article 15, paragraphe 2, sous c) de la directive 90/531, identiques, pour les entrepreneurs et les fournisseurs, à ceux de l'article 20, paragraphe 2, sous c) de la directive 93/38.

Les circonstances de fait

12 En résumé, il s'agit, dans cette affaire, d'une procédure prolongée de passation d'un marché pour la construction d'un métro léger urbain. Les différentes phases de cette procédure nous intéressent essentiellement dans l'optique de savoir s'il s'est agi d'une seule procédure ininterrompue, ou si une seconde procédure a été ouverte à un stade relativement avancé de l'opération globale. Cela aura à son tour un intérêt pour déterminer si les règles communautaires étaient applicables à l'une des phases initiales de la procédure qui a conduit à l'attribution finale du marché.

13 Les transports publics dans l'agglomération de la ville de Rennes, en France, relèvent de la responsabilité d'un groupement réunissant toutes les communes appartenant à cette agglomération, à savoir le Syndicat intercommunal des transports collectifs de l'agglomération rennaise (le «Sitcar»), soumis apparemment à l'autorité du conseil du district urbain (ci-après le «conseil du district»). Les décisions sont prises par le conseil du district ou le comité syndical du Sitcar (ci-après le «comité»), composé de délégués des différentes communes. La gestion effective du service des transports est assurée par la société d'économie mixte «Semtcar».

14 A partir de 1984, le Sitcar a étudié diverses possibilités pour améliorer ce service, par la création d'un système de transports en commun en site propre, c'est-à-dire la mise en place de lignes de tramway ou d'un métro léger. Le 26 octobre 1989, son comité a décidé, entre autres choses, de confirmer les décisions antérieures de doter l'agglomération d'un transport collectif en site propre, d'opter pour la technologie de métro automatique léger «VAL», de solliciter de l'État un concours financier, et d'autoriser des consultations pour l'attribution du contrat d'avant-projet. Le rapport au vu duquel cette délibération a été votée indiquait que le système VAL était fabriqué par deux sociétés, Matra (Matra Transport, actuellement connue, semble-t-il, sous la dénomination Matra Transport International) et Alsthom (GEC Alsthom Transport). Le contrat d'avant-projet a été par la suite confié à Matra qui l'a exécuté, ainsi qu'il résulte des déclarations faites à l'audience.

15 Le compte-rendu de séance du comité du 19 juillet 1990 révèle que le Sitcar, après avoir émis une invitation à soumissionner pour la part «Génie civil et équipements non liés au système» et sélectionné l'adjudicataire, a pris acte à cette date du fait que la part «Système et équipements liés au système» donnerait lieu à la conclusion d'un «marché d'ensemblier» (contrat clef en main, c'est-à-dire portant sur l'ensemble des travaux livrés prêts à fonctionner) avec la société Matra dès que celle-ci serait en mesure de s'engager sur un prix d'objectif garanti.

16 Dans un rapport dont lecture a été donnée au comité en sa séance du 12 juillet 1991, concernant le marché des travaux de génie civil et des équipements non liés au système, le président du Sitcar indiquait que les négociations avec Matra n'étaient pas encore terminées mais aboutiraient à la conclusion d'un marché de type ensemblier.

17 En réponse à une demande de la Cour, le gouvernement français a produit une lettre adressée par Matra au Sitcar, datée du 9 juillet 1991 et apparemment reçue le 12 juillet 1991 (mais sans doute trop tard pour être mentionnée dans le rapport du même jour). Cette lettre semble avoir accompagné un dossier comportant l'offre de Matra pour la part «système» des travaux de la première ligne VAL à Rennes. Elle confirme un prix garanti de 987 000 000 FRF ou, avec certaines modifications possibles du programme, de 953 200 000 FRF, hors taxes dans les deux cas, valeur janvier 1991.

18 Le 15 février 1993, le Préfet de l'Ille-et-Vilaine, département dans lequel est située...

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