Compass-Datenbank GmbH v Republik Österreich.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2012:251
Date26 April 2012
Celex Number62011CC0138
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC‑138/11
62011CC0138

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NIILO JÄÄSKINEN

présentées le 26 avril 2012 ( 1 )

Affaire C‑138/11

Compass-Datenbank GmbH

contre

Republik Österreich

[demande de décision préjudicielle formée par l’Oberster Gerichtshof (Autriche)]

«Concurrence — Abus de position dominante au sens de l’article 102 TFUE — Notion d’‘entreprise’ — Réutilisation de données du secteur public — Interdiction absolue de réutiliser les données du registre public du commerce et des sociétés — Refus par un État membre d’autoriser le transfert en masse de données en vue de leur ré-exploitation commerciale — Identification du marché en amont — Facilités essentielles — Refus de fourniture — Directive 68/151/CEE — Directive 96/9/CE — Directive 2003/98/CE»

I – Introduction

1.

Dans cette affaire, l’Oberster Gerichtshof (cour suprême, Autriche) souhaite être éclairé sur le point de savoir si l’État autrichien agit en tant qu’«entreprise» au sens de l’article 102 TFUE en interdisant à la fois la réutilisation des données contenues dans son registre public des entreprises (ci-après le «registre du commerce et des sociétés») et la commercialisation de telles données pour créer un service d’informations commerciales de plus grande envergure. Si tel est le cas, la Cour est alors invitée à préciser si la doctrine dite «des facilités essentielles» est applicable. Cette doctrine vise des situations dans lesquelles le contrôle de ressources par une entreprise sur le marché en amont crée une position dominante sur le marché en aval.

2.

Ces questions ont été soulevées dans un contexte dans lequel interviennent les principes du droit de l’Union régissant la protection juridique des bases de données, la tenue des registres publics du commerce et des sociétés par les États membres, ainsi que la réutilisation des informations du secteur public. En effet, la République d’Autriche invoque pour sa part une directive qui lui impose une obligation de tenir un registre relatif aux informations concernant les sociétés, une seconde directive relative à la protection juridique des bases de données et une troisième directive relative à la réutilisation des informations publiques. La société Compass-Datenbank GmbH (ci-après «Compass-Datenbank»), qui est à l’origine de cette procédure, se prévaut, quant à elle, de la directive sur la réutilisation des informations publiques pour étayer sa thèse relative à l’abus de position dominante et invoque, plus spécifiquement, la doctrine des «facilités essentielles».

II – Le droit de l’Union

La directive 68/151/CEE ( 2 )

3.

L’article 3 de la première directive 68/151 prévoit que:

«1. Dans chaque État membre, un dossier est ouvert auprès, soit d’un registre central, soit d’un registre du commerce ou registre des sociétés, pour chacune des sociétés qui y sont inscrites.

2. Tous les actes et toutes les indications qui sont soumis à publicité en vertu de l’article 2 sont versés au dossier ou transcrits au registre; […]

3. Une copie intégrale ou partielle de tout acte ou de toute indication visés à l’article 2 doit pouvoir être obtenue sur demande. À partir du 1er janvier 2007 au plus tard, les demandes peuvent être introduites auprès du registre sur support papier ou par voie électronique au choix du demandeur.

À partir d’une date à choisir par chaque État membre, mais qui ne peut être postérieure au 1er janvier 2007, les copies visées au premier alinéa doivent pouvoir être obtenues du registre sur support papier ou par voie électronique au choix du demandeur. […]

Le coût de l’obtention d’une copie de tout ou partie des actes et indications visés à l’article 2, que ce soit sur support papier ou par voie électronique, ne peut être supérieur au coût administratif.

Les copies transmises sur support papier sont certifiées conformes, à moins que le demandeur ne renonce à cette certification. Les copies électroniques ne sont pas certifiées conformes, sauf demande expresse du demandeur. […]

4. La publicité des actes et indications visés au paragraphe 2 est assurée par la publication, soit intégrale ou par extrait, soit sous forme d’une mention signalant le dépôt du document au dossier ou sa transcription au registre, dans le bulletin national désigné par l’État membre. Le bulletin national désigné à cet effet par l’État membre peut être tenu sous format électronique. […]

5. Les actes et indications ne sont opposables aux tiers par la société qu’une fois effectuée la publicité visée au paragraphe 4, sauf si la société prouve que ces tiers en avaient connaissance.

Toutefois, pour les opérations intervenues avant le seizième jour suivant celui de ladite publicité, ces actes et indications ne sont pas opposables aux tiers qui prouvent qu’ils ont été dans l’impossibilité d’en avoir connaissance. […]»

La directive 96/9/CE ( 3 )

4.

Les considérants 40 et 41 de la directive 96/9 sont ainsi rédigés:

«(40)

considérant que l’objet [du] droit sui generis est d’assurer la protection d’un investissement dans l’obtention, la vérification ou la présentation du contenu d’une base de données pour la durée limitée du droit; que cet investissement peut consister dans la mise en œuvre de moyens financiers et/ou d’emploi du temps, d’efforts et d’énergie;

(41)

considérant que l’objectif du droit sui generis est d’accorder au fabricant d’une base de données la possibilité d’empêcher l’extraction et/ou la réutilisation non autorisées de la totalité ou d’une partie substantielle du contenu de la base de données; que le fabricant d’une base de données est la personne qui prend l’initiative et assume le risque d’effectuer les investissements; que cela exclut de la définition de fabricant notamment les sous-traitants.»

5.

L’article 7 de la directive 96/9, intitulé «Objet de la protection», prévoit, au chapitre III qui a pour titre «droit sui generis», ce qui suit:

«1. Les États membres prévoient pour le fabricant d’une base de données le droit d’interdire l’extraction et/ou la réutilisation de la totalité ou d’une partie substantielle, évaluée de façon qualitative ou quantitative, du contenu de celle-ci, lorsque l’obtention, la vérification ou la présentation de ce contenu attestent un investissement substantiel du point de vue qualitatif ou quantitatif.

2. Aux fins du présent chapitre, on entend par:

a)

‘extraction’: le transfert permanent ou temporaire de la totalité ou d’une partie substantielle du contenu d’une base de données sur un autre support par quelque moyen ou sous quelque forme que ce soit;

b)

‘réutilisation’: toute forme de mise à la disposition du public de la totalité ou d’une partie substantielle du contenu de la base par distribution de copies, par location, par transmission en ligne ou sous d’autres formes. La première vente d’une copie d’une base de données dans la Communauté par le titulaire du droit, ou avec son consentement, épuise le droit de contrôler la revente de cette copie dans la Communauté;

[…]

3. Le droit visé au paragraphe 1 peut être transféré, cédé ou donné en licence contractuelle. […]

[…]

5. L’extraction et/ou la réutilisation répétées et systématiques de parties non substantielles du contenu de la base de données qui supposeraient des actes contraires à une exploitation normale de cette base, ou qui causeraient un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du fabricant de la base, ne sont pas autorisées.»

La directive 2003/98/CE ( 4 )

6.

Les considérants 8 et 9 de la directive 2003/98 sont ainsi rédigés:

«(8)

Il importe d’établir un cadre général fixant les conditions de réutilisation des documents du secteur public afin de garantir que ces conditions seront équitables, proportionnées et non discriminatoires. Les organismes du secteur public recueillent, produisent, reproduisent et diffusent des documents en vue d’accomplir leurs missions de service public. L’utilisation de ces documents pour d’autres motifs constitue une réutilisation. Les mesures prises par les États membres peuvent aller au-delà des normes minimales établies par la présente directive, permettant ainsi une réutilisation plus large.

(9)

La présente directive ne contient aucune obligation d’autoriser la réutilisation de documents. La décision d’autoriser ou non la réutilisation est laissée à l’appréciation des États membres ou de l’organisme du secteur public concernés. […] Les organismes du secteur public devraient être encouragés à mettre à disposition en vue de leur réutilisation tous les documents qu’ils détiennent. Les organismes de service public devraient promouvoir et encourager la réutilisation des documents, y compris des textes officiels à caractère législatif et administratif, dans les cas où l’organisme de service public concerné a le droit d’autoriser leur réutilisation.»

7.

Le considérant 22 de la directive 2003/98 énonce que «[l]a […] directive n’affecte pas l’existence ou la titularité de droit de propriété intellectuelle par des organismes du secteur public, de même qu’elle ne restreint en aucune manière l’exercice de ces droits en dehors des limites qu’elle fixe. […] Les organismes du secteur public devraient, toutefois, exercer ces droits de façon à faciliter la réutilisation des documents».

8.

L’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2003/98, intitulé «Objet et champ d’application», est libellé comme suit:

«La présente directive fixe un ensemble minimal de règles concernant la réutilisation et les moyens pratiques destinés à faciliter la réutilisation de documents existants détenus par des organismes du secteur public des États membres.»

9.

L’article 2, point 4, de la directive 2003/98 définit la réutilisation des documents du secteur public comme étant...

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