Max Rampion and Marie-Jeanne Godard, née Rampion v Franfinance SA and K par K SAS.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2007:199
Docket NumberC-429/05
Celex Number62005CC0429
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date29 March 2007

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO Mengozzi

présentées le 29 mars 2007 (1)

Affaire C‑429/05

Max Rampion

et

Marie-Jeanne Godard, épouse Rampion

contre

Franfinance SA

et

K par K SAS

[demande de décision préjudicielle formée par le tribunal d’instance de Saintes (France)]

«Directive 87/102/CEE – Crédit à la consommation – Interdépendance entre le contrat de crédit et le contrat de vente des biens ou services financés – Conditions – Mention des biens ou services financés dans le contrat de crédit – Applicabilité d’office par le juge national des dispositions internes sur l’interdépendance entre le contrat de crédit et le contrat de vente adoptées en transposition de la directive»





I – Introduction

1. Par jugement du 16 novembre 2005, le tribunal d’instance de Saintes (France) a soumis à la Cour, en vertu de l’article 234 CE, deux questions préjudicielles sur l’interprétation de la directive 87/102/CEE du Conseil, du 22 décembre 1986, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de crédit à la consommation (2).

2. En substance, la Cour est appelée, d’une part, à préciser si les articles 11 et 14 de la directive 87/102 permettent que des dispositions nationales qui, en transposant cette directive, établissent des règles d’interdépendance entre le contrat de crédit et le contrat de vente de biens ou de services dont l’achat est financé par le biais de ce crédit subordonnent l’application de ces règles à la mention du bien ou du service financé dans le premier contrat et, de l’autre, à préciser les finalités poursuivies par la directive 87/102 et s’il faut retenir que, en vertu du droit communautaire, le juge national peut appliquer d’office lesdites dispositions nationales, même lorsqu’une telle application d’office serait exclue par le droit national.

II – Cadre juridique de référence

A – La réglementation communautaire

3. En vertu de son article 1er, paragraphes 1 et 2, sous c), la directive 87/102 «s’applique aux contrats de crédit», c’est-à-dire à tous ces contrats en vertu desquels «un prêteur consent ou s’engage à consentir à un consommateur un crédit sous la forme d’un délai de paiement, d’un prêt ou de toute autre facilité de paiement similaire»; sont toutefois exclus les contrats de crédit énumérés à l’article 2 de la même directive.

4. L’article 4 de la directive 87/102 prescrit au paragraphe 1 l’établissement par écrit du contrat de crédit et prévoit, au paragraphe 2, sous a), que le document écrit doit contenir l’indication du taux annuel effectif global exprimé en pourcentage. Le paragraphe 3 de l’article précité précise que «[l]e contrat écrit comporte en outre les autres conditions essentielles du contrat» et indique que, «[à] titre d’exemple, l’annexe [I] de la […] directive comprend une liste de conditions jugées essentielles dont les États membres peuvent exiger la mention dans le contrat écrit».

5. L’article 11 de la directive 87/102 dispose ce qui suit:

«1. Les États membres veillent à ce que l’existence d’un contrat de crédit n’affecte en rien les droits que le consommateur peut faire valoir à l’encontre du fournisseur des biens ou des services achetés au moyen d’un tel contrat lorsque les biens ou les services ne sont pas fournis ou que, pour d’autres raisons, ils ne sont pas conformes au contrat y relatif.

2. Le consommateur a le droit d’exercer un recours à l’encontre du prêteur lorsque,

a) en vue de l’achat de biens ou l’obtention des services, le consommateur conclut un contrat de crédit avec une personne autre que le fournisseur des biens ou le prestataire des services

et

b) il existe entre le prêteur et le fournisseur des biens ou le prestataire des services un accord préalable aux termes duquel un crédit est octroyé exclusivement par ce prêteur aux clients de ce fournisseur ou prestataire pour l’acquisition de biens ou l’obtention de services fournis par ledit fournisseur ou prestataire

et

c) le consommateur visé au point a) obtient son crédit en vertu de cet accord préalable

et

d) les biens ou les services faisant l’objet du contrat de crédit ne sont pas livrés ou fournis ou ne le sont qu’en partie ou ne sont pas conformes au contrat y relatif

et

e) le consommateur a exercé un recours contre le fournisseur ou prestataire sans obtenir satisfaction comme il y avait droit.

Les États membres déterminent dans quelle mesure et à quelles conditions ce recours peut être exercé.

[…]»

6. Enfin, l’article 14 de la directive 87/102 prévoit ce qui suit:

«1. Les États membres veillent à ce que les contrats de crédit ne dérogent pas, au détriment du consommateur, aux dispositions de droit national qui mettent en application la présente directive ou qui lui correspondent.

2. Les États membres veillent en outre à ce que les dispositions qu’ils adoptent pour la mise en application de la présente directive ne puissent être tournées par des formes particulières données aux contrats, notamment par une répartition du montant du crédit sur plusieurs contrats.»

B – La réglementation nationale

7. En droit français, le régime du crédit à la consommation figurait initialement dans la loi n° 78‑22, du 10 janvier 1978 (3). Ce régime, antérieur à la directive 87/102 et par la suite complété par la loi n° 89‑421, du 23 juin 1989 (4), a été codifié, en dernier lieu, dans le livre III, titre I, chapitre I, du code de la consommation (ci-après le «code») figurant dans la loi n° 93‑949, du 26 juillet 1993 (5) et dans le décret n° 97‑298, du 27 mars 1997 (6).

8. En vertu de l’article L. 311-2 du code, les dispositions dudit chapitre I «s’appliquent à toute opération de crédit, ainsi qu’à son cautionnement éventuel, consentie à titre habituel par des personnes physiques ou morales, que ce soit à titre onéreux ou gratuit» (7).

9. En vertu de l’article L. 311-8 du code, les opérations de crédit visées à l’article L. 311-2 doivent se conclure dans les termes d’une offre préalable remise à l’emprunteur, laquelle, en vertu de l’article L. 311-10, doit préciser, parmi les autres éléments du crédit, «s’il y a lieu, son taux effectif global» (point 2), rappeler, parmi les autres dispositions du code, «s’il y a lieu, les articles L. 311-20 à L. 311-31 et L. 313-13» (point 3) et, enfin, indiquer, «le cas échéant, le bien ou la prestation de services financé» (point 4).

10. Conformément à l’article L. 311-13 du code, «[l’]offre préalable est établie en application des conditions prévues aux articles précédents selon l’un des modèles types fixés par le comité de réglementation bancaire, après consultation du Conseil national de la consommation». L’article R. 311-6 du code prévoit à son tour que «[l’]offre préalable de prêt prévue à l’article L. 311-8 comporte les indications figurant dans celui des modèles types annexés au présent code qui correspond à l’opération de crédit proposée».

11. Les articles L. 311-20 à L. 311-28 du code établissent ensuite un régime spécifique relatif aux «crédits affectés», caractérisés par une certaine interdépendance entre le contrat de crédit et le contrat de vente, laquelle se manifeste tantôt lors de la phase de conclusion, tantôt lors de la phase d’exécution de ceux-ci.

12. En particulier, l’article L. 311-20 du code prévoit notamment que, «[l]orsque l’offre préalable mentionne le bien ou la prestation de services financé, les obligations de l’emprunteur ne prennent effet qu’à compter de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation».

13. En outre, l’article L. 311-21, premier alinéa, du code énonce:

«En cas de contestation sur l’exécution du contrat principal, le tribunal pourra, jusqu’à la solution du litige, suspendre l’exécution du contrat de crédit. Celui-ci est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé».

14. Enfin, l’article L. 311-33 du code, applicable à toutes les opérations de crédit prévues à l’article L. 311-2, sanctionne le défaut de respect par le prêteur des formalités prévues aux articles L. 311-8 à L. 311-13 par sa déchéance du droit aux intérêts, qui a pour conséquence la limitation de l’obligation de remboursement pesant sur l’emprunteur au seul capital, à restituer suivant l’échéancier prévu.

III – Faits, questions préjudicielles et déroulement de la procédure

15. Le litige au principal oppose M. Max Rampion et Mme Marie‑Jeanne Godard, épouse Rampion (ci-après les «époux Rampion»), d’une part, et les sociétés Franfinance SA (ci-après «Francfinance») et K par K SAS (ci-après «KpK»), de l’autre.

16. Selon acte sous seing privé signé le 5 septembre 2003, à la suite d’un démarchage à domicile par un représentant de KpK, les époux Rampion ont acheté auprès de cette dernière, pour le prix total de 6 150 euros, des fenêtres, dont la livraison et l’installation, selon les termes du contrat de vente, devaient s’effectuer dans un délai de six à huit semaines à compter de la prise de cotes par le technicien qui en serait chargé. Dans le contrat de vente on a mentionné, en outre, la possibilité d’obtenir auprès de Franfinance un crédit pour le financement total de l’achat.

17. Le même jour, les époux Rampion ont conclu avec Franfinance un contrat d’ouverture de crédit avec un découvert maximal autorisé fixé à 6 150 euros, contrat duquel, toutefois, si l’on pouvait déduire l’identité du fournisseur KpK, ne ressortait pas le type de bien ou de service dont l’achat était financé.

18. Le 27 novembre 2003, jour fixé pour la livraison et l’installation des fenêtres, les époux Rampion ont constaté que les appuis et dormants sur lesquels KpK s’apprêtait à exécuter l’installation des fenêtres étaient infestés de parasites. Par conséquent, le 5 janvier 2004, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, ils ont déclaré à KpK vouloir résoudre le contrat de vente.

19. N’ayant pas reçu de réponse satisfaisante à la demande de...

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