Associação Nacional de Operadores de Máquinas Recreativas (Anomar) and Others v Estado português.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2003:86
Date11 February 2003
Celex Number62001CC0006
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-6/01
EUR-Lex - 62001C0006 - FR 62001C0006

Conclusions de l'avocat général Tizzano présentées le 11 février 2003. - Associação Nacional de Operadores de Máquinas Recreativas (Anomar) et autres contre Estado português. - Demande de décision préjudicielle: Tribunal Cível da Comarca de Lisboa - Portugal. - Libre prestation des services - Exploitation des jeux de hasard ou d'argent - Appareils de jeux. - Affaire C-6/01.

Recueil de jurisprudence 2003 page I-08621


Conclusions de l'avocat général

1. Par ordonnance du 18 décembre 2000, la 15.a Vara Cível da Comarca del Tribunal Cível da Comarca de Lisboa, deuxième section (Portugal) (ci-après la «Vara Cível») a demandé à la Cour de se prononcer sur la compatibilité avec le droit communautaire de la législation portugaise relative à l'exploitation et à la pratique des jeux de hasard.

I - Le cadre juridique

A - Le droit communautaire

2. Comme on le sait, le traité CE consacre le principe de la libre circulation des marchandises. En particulier, pour ce qui nous intéresse ici, les articles 28 CE et 29 CE interdisent l'établissement de restrictions quantitatives à l'importation et à l'exportation, ainsi que toute mesure d'effet équivalent.

3. L'article 30 CE dispose:

«Les dispositions des articles 28 et 29 ne font pas obstacle aux interdictions ou restrictions d'importation, d'exportation ou de transit, justifiées par des raisons de moralité publique, d'ordre public, de sécurité publique, de protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou de préservation des végétaux, de protection des trésors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou archéologique ou de protection de la propriété industrielle et commerciale. Toutefois, ces interdictions ou restrictions ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée dans le commerce entre les États membres.»

4. Aux termes de l'article 31 CE:

«1. Les États membres aménagent les monopoles nationaux présentant un caractère commercial, de telle façon que soit assurée, dans les conditions d'approvisionnement et de débouchés, l'exclusion de toute discrimination entre les ressortissants des États membres.

Les dispositions du présent article s'appliquent à tout organisme par lequel un État membre, de jure ou de facto, contrôle, dirige ou influence sensiblement, directement ou indirectement, les importations ou les exportations entre les États membres. Ces dispositions s'appliquent également aux monopoles d'État délégués.

2. Les États membres s'abstiennent de toute mesure nouvelle contraire aux principes énoncés au paragraphe 1 ou qui restreint la portée des articles relatifs à l'interdiction des droits de douane et des restrictions quantitatives entre les États membres.

[...]»

5. Quant à la libre circulation des services, elle aussi consacrée dans le traité comme l'une des libertés fondamentales, nous nous bornerons à rappeler qu'en application de l'article 49 CE:

«Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la libre prestation des services à l'intérieur de la Communauté sont interdites à l'égard des ressortissants des États membres établis dans un pays de la Communauté autre que celui du destinataire de la prestation. Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission, peut étendre le bénéfice des dispositions du présent chapitre aux prestataires de services ressortissants d'un État tiers et établis à l'intérieur de la Communauté.»

B - La réglementation portugaise

6. La réglementation portugaise des jeux figure dans le décret-loi nº 422/89 du 2 décembre 1989 , qui réserve à l'État l'exploitation et la pratique des jeux de hasard, ainsi que des formules mixtes de jeux de hasard et d'autres formes de jeux, et prévoit que leur exploitation et leur pratique en dehors des zones prévues par la loi et des établissements titulaires d'une concession publique seront pénalement poursuivis.

7. Sont des jeux de hasard au sens de l'article 1er du décret-loi n° 422/89 «ceux dont le résultat est aléatoire car il repose exclusivement ou essentiellement sur la chance». Dans cette catégorie figurent les jeux qui supposent l'utilisation d'un appareil de jeu, soit que celui-ci verse directement le gain au joueur, soit que, sans verser directement de gains sous forme de jetons ou de pièces de monnaie, décline des thèmes propres aux jeux de hasard (tels que le poker, la roulette, les dés, etc.) ou attribue au joueur «un résultat sous forme d'un nombre de points dépendant exclusivement ou essentiellement de la chance» (article 4).

8. Le décret-loi nº 422/89 soumet l'exploitation et la pratique des jeux de hasard à une double limitation: d'une part, le droit d'exploiter ces jeux est réservé à l'État et ne peut être exercé que par des entreprises constituées sous la forme de sociétés anonymes et ayant conclu préalablement avec l'État un contrat administratif de concession sur appel d'offres (article 9); d'autre part, l'exploitation et la pratique de ces jeux n'est possible que dans les lieux autorisés et, plus précisément, dans des zones de jeu permanentes ou temporaires fixées par décret-loi, ainsi que (dans des cas exceptionnels et sur autorisation ministérielle) sur les navires, dans les avions, les salles réservées au jeu de bingo, et à l'occasion de manifestations d'intérêt touristique majeur (article 3, paragraphes 1, 6, 7 et 8).

9. L'article 108 du décret-loi n° 422/89 punit d'une peine d'emprisonnement de deux ans au maximum et d'une amende quiconque exploite, sous quelque forme que ce soit, les jeux de hasard en dehors des locaux légalement autorisés.

10. L'article 110 du même texte punit toute personne surprise à pratiquer les jeux de hasard en dehors des locaux légalement autorisés d'une peine d'emprisonnement de six mois au maximum et d'une amende, tandis que l'article 111 prévoit que toute personne se trouvant dans un local où se pratiquent de manière illicite les jeux de hasard (mais sans être surprise à les pratiquer) sera punie d'une peine réduite de moitié.

11. En outre, l'article 68 du décret-loi n° 422/89 subordonne la fabrication, l'exportation, l'importation, la vente et le transport de matériel spécifiquement destiné à l'exploitation des jeux de hasard à une autorisation de l'inspection générale des jeux; il s'ensuit que l'article 115 de ce décret-loi punit d'une peine d'emprisonnement de deux ans au maximum et d'une amende toute personne qui fabrique, fait de la publicité pour, importe, transporte, commercialise, expose ou fait connaître ce matériel sans avoir obtenu cette autorisation.

12. De plus, est pertinent dans ce domaine le décret-loi nº 316/95, du 16 octobre 1995 (ci-après le «décret-loi n° 316/95»), dont l'article 16 distingue des jeux de hasard les «appareils de divertissement», c'est-à-dire:

«a) ceux qui, sans verser directement de gains en espèces, sous forme de jetons ou de biens ayant une valeur marchande, déclinent des jeux dont le résultat dépend exclusivement ou essentiellement de l'adresse de l'utilisateur, en permettant à celui-ci de bénéficier d'une prolongation de la durée d'utilisation gratuite de l'appareil, en fonction du nombre de points obtenus;

b) ceux qui, tout en ayant les caractéristiques définies sous le point a), permettent de saisir des objets dont la valeur marchande ne dépasse pas le triple de la somme engagée par l'utilisateur.»

13. La classification des «jeux dont le résultat dépend exclusivement ou essentiellement de l'adresse de l'utilisateur», visés à l'article 16 du décret-loi nº 316/95, relève de la compétence de l'inspection générale des jeux.

14. Toute personne souhaitant importer, fabriquer, monter ou vendre des «appareils de divertissement» doit solliciter auprès de l'inspection générale des jeux la classification du jeu développé par l'appareil en cause, auquel doit être joint le document de classification subséquent (article 19 du décret-loi nº 316/95).

15. L'exploitation des différents appareils de divertissement requiert l'autorisation du gouverneur civil du district et leur inscription dans un registre prévu à cet effet (articles 17 et 20 du décret-loi nº 316/95).

II - Les faits, le litige au principal et les questions préjudicielles

16. L'Associação Nacional de Operadores de Máquinas Recreativas (ci-après «Anomar»), une association qui regroupe les opérateurs portugais du secteur des appareils de jeu, ainsi que quelques sociétés exerçant leurs activités dans ce secteur et qui sont toutes des personnes morales de droit portugais opérant au Portugal, ont saisi la Vara Cível d'une action contre l'État portugais pour obtenir que leur soit reconnu le droit d'exploiter des jeux de hasard en dehors des zones de jeu légalement délimitées, et mettre fin ainsi à la situation de monopole des casinos qu'Anomar juge contraire aux principes du droit communautaire. En second lieu, et toujours sur le fondement de la contradiction avec le droit communautaire, les demanderesses demandent que soit reconnue l'inapplicabilité des articles 108, 110, 111 et 115 du décret-loi nº 422/89, qui sanctionnent pénalement l'exploitation et l'exercice des jeux de hasard, ainsi que le commerce non autorisé de matériel destiné spécifiquement à la pratique des jeux de hasard.

17. La demande a été rejetée en première instance par la Vara Cível pour absence de qualité pour agir d'Anomar et défaut d'intérêt à agir des autres demanderesses. En appel toutefois, le Tribunal da Relaçào de Lisboa (Portugal) a reconnu le droit d'agir des demanderesses en invitant les parties à revenir devant la Vara Cível pour que celle-ci statue au fond. Saisie à nouveau du litige, cette dernière a sursis à statuer et a déféré à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) Les jeux de hasard ou d'argent constituent-ils ou non une activité économique au sens de l'article 2 CE?

2) Les jeux de hasard ou d'argent constituent-ils ou non une activité relative à des...

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