Sevda Aykul v Land Baden-Württemberg.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2014:2166
Date04 September 2014
Celex Number62013CC0260
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-260/13
62013CC0260

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES BOT

présentées le 4 septembre 2014 ( 1 )

Affaire C‑260/13

Sevda Aykul

contre

Land Baden-Württemberg

[demande de décision préjudicielle formée par le Verwaltungsgericht Sigmaringen (Allemagne)]

«Renvoi préjudiciel — Directives 91/439/CEE et 2006/126/CE — Permis de conduire — Article 8, paragraphe 2, de la directive 91/439 et article 11, paragraphe 4, deuxième alinéa, de la directive 2006/126 — Refus d’un État membre de reconnaître, à une personne ayant conduit sur son territoire sous l’influence de produits stupéfiants, la validité d’un permis de conduire délivré par un autre État membre — Comportement fautif du titulaire du permis de conduire postérieur à la délivrance de ce permis — Retrait du permis de conduire — Procédure aux fins de vérification des aptitudes — Autorités compétentes — Amélioration de la sécurité de la circulation routière»

1.

La demande de décision préjudicielle qui est soumise à la Cour porte sur l’interprétation de dispositions de la directive 91/439/CEE du Conseil, du 29 juillet 1991, relative au permis de conduire ( 2 ), et de la directive 2006/126/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 décembre 2006 ( 3 ), laquelle l’a remplacée.

2.

Plus précisément, la Cour est invitée à se prononcer sur la possibilité pour un État membre, sur le territoire duquel le titulaire d’un permis de conduire délivré par un autre État membre séjourne de manière temporaire, de refuser de reconnaître la validité de ce permis de conduire à la suite d’un comportement infractionnel de son titulaire – en l’espèce la conduite sous l’influence de produits stupéfiants – qui a eu lieu sur ce territoire postérieurement à la délivrance dudit permis de conduire.

3.

La présente affaire se différencie des affaires dont la Cour a eu à traiter jusqu’ici dans ce contentieux abondant en matière de permis de conduire ( 4 ), puisque, dans ces précédentes affaires, était en cause la possibilité de se prévaloir dans un État membre, après le retrait ou la suspension d’un permis de conduire dans celui-ci, d’un permis de conduire obtenu dans un autre État membre.

4.

La particularité de cette affaire tient également au fait que, en vertu du droit national de l’État membre sur le territoire duquel l’infraction a été commise, en l’occurrence la République fédérale d’Allemagne, le permis de conduire a fait l’objet d’un retrait sur ce territoire, car l’aptitude à la conduite de l’intéressée n’existe plus.

5.

L’appréciation de l’aptitude n’est donc pas remise en cause au stade de la délivrance du permis de conduire, mais postérieurement à celle-ci, à la suite d’un comportement infractionnel du titulaire de ce permis de conduire. La question qui se posera sera celle de savoir quelles sont les autorités compétentes pour vérifier si ce dernier est de nouveau apte à la conduite sur le territoire de l’État membre où a été commise l’infraction.

6.

Dans le cadre de notre appréciation, nous procéderons, à titre liminaire, à la détermination des dispositions du droit de l’Union applicables à la présente affaire ainsi qu’à la reformulation des questions posées par le Verwaltungsgericht Sigmaringen (tribunal administratif de Sigmaringen, Allemagne).

7.

À l’issue de l’examen de ces questions, nous proposerons à la Cour de répondre que l’article 11, paragraphe 4, deuxième alinéa, de la directive 2006/126 oblige un État membre à refuser de reconnaître la validité d’un permis de conduire délivré par un autre État membre, lorsque, à la suite d’une infraction à la circulation routière à caractère pénal commise sur le territoire du premier État membre postérieurement à la délivrance de ce permis de conduire, le titulaire dudit permis de conduire a fait l’objet d’un retrait de celui-ci sur ce territoire, car il n’était plus apte à la conduite et devenait un danger pour la sécurité routière. Le titulaire du permis de conduire sera de nouveau apte à la conduite sur ledit territoire lorsque les conditions prévues par la législation de l’État membre sur le territoire duquel l’infraction a été commise seront remplies, pour autant que les règles nationales n’aient pas pour effet d’imposer des conditions qui ne sont pas exigées par la directive 2006/126 dans le cas de la délivrance de ce titre ni de refuser de reconnaître indéfiniment la validité du permis de conduire.

I – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

1. La directive 91/439

8.

Dans le but de faciliter la circulation des personnes à l’intérieur de la Communauté européenne ou leur établissement dans un État membre autre que celui dans lequel ces personnes ont obtenu leur permis de conduire, la directive 91/439 a instauré le principe de reconnaissance mutuelle des permis de conduire ( 5 ).

9.

Le premier considérant de ladite directive énonce:

«considérant qu’il est souhaitable, aux fins de la politique commune des transports et en vue d’une contribution à l’amélioration de la sécurité de la circulation routière ainsi que pour faciliter la circulation des personnes qui s’établissent dans un État membre autre que celui dans lequel elles ont passé un examen de conduite, qu’il y ait un permis de conduire national de modèle communautaire reconnu mutuellement par les États membres sans obligation d’échange».

10.

En vertu du quatrième considérant de la directive 91/439, «[p]our répondre à des impératifs de sécurité routière, il est nécessaire de fixer des conditions minimales auxquelles le permis de conduire peut être délivré».

11.

Le dixième considérant de la directive 91/439 dispose:

«considérant en outre qu’il convient, pour des raisons de sécurité et de circulation routières, que les États membres puissent appliquer leurs dispositions nationales en matière de retrait, de suspension et d’annulation du permis de conduire à tout titulaire de permis ayant acquis sa résidence normale [ ( 6 )] sur leur territoire».

12.

L’article 7, paragraphe 4, de ladite directive prévoit:

«Sans préjudice des dispositions relevant des lois pénales et de police nationales, les États membres peuvent appliquer à la délivrance du permis de conduire, après consultation de la Commission, les dispositions de leur réglementation nationale concernant les conditions autres que celles visées par la présente directive.»

13.

Aux termes de l’article 8, paragraphes 2 et 4, premier alinéa, de la directive 91/439:

«2. Sous réserve du respect du principe de territorialité des lois pénales et de police, l’État membre de résidence normale peut appliquer au titulaire d’un permis de conduire délivré par un autre État membre ses dispositions nationales concernant la restriction, la suspension, le retrait ou l’annulation du droit de conduire et, si nécessaire, procéder à ces fins à l’échange de ce permis.

[...]

4. Un État membre peut refuser de reconnaître, à une personne faisant l’objet sur son territoire d’une des mesures visées au paragraphe 2, la validité de tout permis de conduire établi par un autre État membre.»

2. La directive 2006/126

14.

La directive 2006/126 procède à la refonte de la directive 91/439, celle-ci ayant subi de nombreuses modifications ( 7 ).

15.

Selon le considérant 2 de la directive 2006/126:

«Les règles relatives aux permis de conduire sont un élément essentiel de la politique commune des transports, contribuent à améliorer la sécurité routière et facilitent la libre circulation des personnes qui transfèrent leur résidence dans un État membre autre que l’État de délivrance du permis. Compte tenu de l’importance des moyens de transports individuels, la possession d’un permis de conduire dûment reconnu par l’État d’accueil favorise la libre circulation et la liberté d’établissement des personnes. [...]»

16.

En vertu du considérant 8 de cette directive, «[p]our répondre à des impératifs de sécurité routière, il convient de fixer les conditions minimales auxquelles le permis de conduire peut être délivré».

17.

Le considérant 15 de ladite directive dispose:

«Il convient, pour des raisons en rapport avec la sécurité routière, que les États membres puissent appliquer leurs dispositions nationales en matière de retrait, de suspension, de renouvellement et d’annulation du permis de conduire à tout titulaire de permis ayant transféré sa résidence normale [ ( 8 )] sur leur territoire.»

18.

Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, de cette directive, «[l]es permis de conduire délivrés par les États membres sont mutuellement reconnus».

19.

L’article 7, paragraphe 1, sous a), de ladite directive prévoit:

«1. Le permis de conduire est uniquement délivré aux demandeurs qui:

a)

ont réussi une épreuve de contrôle des aptitudes et des comportements et une épreuve de contrôle des connaissances et qui répondent à des normes médicales, conformément aux dispositions des annexes II et III».

20.

L’article 11 de la directive 2006/126 énonce, à ses paragraphes 2 et 4:

«2. Sous réserve du respect du principe de territorialité des lois pénales et de police, l’État membre où est située la résidence normale peut appliquer au titulaire d’un permis de conduire délivré par un autre État membre ses dispositions nationales concernant la restriction, la suspension, le retrait ou l’annulation du droit de conduire et, si nécessaire, procéder à ces fins à l’échange de ce permis.

[...]

4. [...]

Un État membre refuse de reconnaître, à une personne dont le permis de conduire fait l’objet, sur son territoire, d’une restriction, d’une suspension ou d’un retrait, la validité de tout permis de conduire délivré...

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