Staatsanwaltschaft Offenburg and Others

JurisdictionEuropean Union
Date16 January 2020
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MICHAL BOBEK

présentées le 16 janvier 2020 (1)

Affaire C615/18

UY

Partie à la cause :

Staatsanwaltschaft Offenburg

[Demande de décision préjudicielle présentée par l’Amtsgericht Kehl (tribunal de district de Kehl, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière pénale – Directive 2012/13/UE – Droit à l’information dans le cadre de procédures pénales – Droit d’être informé de l’accusation portée contre soi – Retrait du permis de conduire – Désignation obligatoire d’un mandataire pour recevoir les significations – Négligence du défendeur »






I. Introduction

1. Au mois de juillet 2017, un conducteur domicilié en Pologne était impliqué en Allemagne dans un accident de la route. À la demande du bureau du procureur, il a désigné un mandataire pour recevoir pour son compte en Allemagne la signification d’actes judiciaires : il s’agissait d’une personne choisie parmi le personnel de justice de la juridiction locale compétente. Une ordonnance pénale a par la suite été prononcée à l’encontre du conducteur pour avoir manqué de s’arrêter après l’accident de la route, lui infligeant une amende et une interdiction de conduire de trois mois. L’ordonnance pénale a été signifiée au mandataire qui l’a transmise par lettre au conducteur en Pologne. Il n’est pas établi si le conducteur a effectivement reçu cette lettre. Aucun recours n’a été formé contre l’ordonnance pénale. Elle est devenue définitive.

2. À la suite d’un nouveau contrôle routier en Allemagne quelques mois plus tard, le conducteur a été intercepté en train de conduire un camion alors que l’interdiction de conduire imposée précédemment était encore en vigueur. Une procédure pénale a par conséquent été engagée à son encontre pour conduite d’un véhicule sans permis de conduire.

3. Ces faits ont soulevé deux questions juridiques dans le cadre de la présente procédure. La première concerne la signification dans le cadre de la première procédure pénale : l’article 6 de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales (2), qui consacre le droit d’être informé de l’accusation portée contre soi, s’oppose-t-il à une législation nationale en vertu de laquelle une ordonnance pénale prononcée à l’encontre d’une personne qui ne réside pas dans l’État membre en question acquiert force de chose jugée deux semaines après signification au mandataire lorsque le défendeur n’a pas été informé de l’ordonnance ? La deuxième question concerne l’impact de la signification (ou de son absence) dans la première procédure pénale sur la deuxième : l’article 6 de la directive 2012/13/UE s’oppose‑t‑il à une législation nationale qui prévoit que lorsqu’une personne résidant à l’étranger a fait l’objet d’une ordonnance pénale dont elle n’a pas été informée, le défaut antérieur de cette personne de tenter de s’informer de l’issue de la procédure auprès du mandataire peut être considéré comme constituant une négligence de sa part, l’exposant le cas échéant à une procédure pénale supplémentaire ?

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

4. Aux termes des considérants 27 et 28 de la directive 2012/13 :

« 27. Les personnes poursuivies pour une infraction pénale devraient recevoir toutes les informations nécessaires sur l’accusation portée contre elles pour leur permettre de préparer leur défense et garantir le caractère équitable de la procédure.

28. Les suspects ou les personnes poursuivies devraient recevoir rapidement des informations sur l’acte pénalement sanctionné qu’ils sont soupçonnés ou accusés d’avoir commis, et au plus tard avant leur premier interrogatoire officiel par la police ou une autre autorité compétente, et sans porter préjudice au déroulement des enquêtes en cours. (…) »

5. En vertu de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2012/13, relatif à son champ d’application :

« 1. La présente directive s’applique dès le moment où des personnes sont informées par les autorités compétentes d’un État membre qu’elles sont soupçonnées d’avoir commis une infraction pénale ou qu’elles sont poursuivies à ce titre, et jusqu’au terme de la procédure, qui s’entend comme la détermination définitive de la question de savoir si le suspect ou la personne poursuivie a commis l’infraction pénale, y compris, le cas échéant, la condamnation et la décision rendue sur tout appel. »

6. Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 2012/13 concernant le droit d’être informé de ses droits :

« 1. Les États membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies reçoivent rapidement des informations concernant, au minimum, les droits procéduraux qui figurent ci‑après, tels qu’ils s’appliquent dans le cadre de leur droit national, de façon à permettre l’exercice effectif de ces droits :

(…)

(c) le droit d’être informé de l’accusation portée contre soi, conformément à l’article 6 ;

(…) »

7. L’article 6, paragraphe 1, de la directive 2012/13, concernant le droit d’être informé de l’accusation portée contre soi, dispose :

« Les États membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies soient informés de l’acte pénalement sanctionné qu’ils sont soupçonnés ou accusés d’avoir commis. Ces informations sont communiquées rapidement et de manière suffisamment détaillée pour garantir le caractère équitable de la procédure et permettre l’exercice effectif des droits de la défense. »

B. Droit national

8. L’article 44 du Strafgesetzbuch (code pénal allemand, ci‑après « StGB ») dispose :

« (1) Si une personne est condamnée à une peine privative de liberté ou à une amende en raison d’une infraction commise pendant ou en rapport avec la conduite d’un véhicule à moteur ou en violation des obligations d’un conducteur de véhicule à moteur, le tribunal peut lui imposer pendant une période d’un à trois mois une interdiction de conduire sur la voie publique tout véhicule ou un certain type de véhicule. Une interdiction de conduire doit en général être imposée lorsque dans les cas de condamnation en vertu de l’article 315c, paragraphe 1, point 1, sous a), paragraphe 3 ou de l’article 316, il n’y a pas de retrait du permis de conduire en vertu de l’article 69.

(2) L’interdiction de conduire prend effet à la date à laquelle le jugement devient définitif. (…) »

9. L’article 44 de la Strafprozessordnung (code de procédure pénale allemand, ci‑après « StPO ») dispose :

« Si quelqu’un a été empêché sans faute de sa part de respecter un délai, la remise en l’état doit lui être accordée sur demande. Le non‑respect d’un délai de recours est considéré comme n’étant pas fautif s’il n’y a pas eu information conformément à l’article 35a, phrases 1 et 2, à l’article 319, paragraphe 2, phrase 3 ou à l’article 346, paragraphe 2, phrase 3. »

10. En vertu de l’article 45 StPO :

« 1) La demande de remise en l’état doit être présentée dans un délai d’une semaine à compter de la disparition de l’obstacle auprès du tribunal devant lequel le délai aurait dû être observé. Afin de respecter le délai, il suffit que la demande soit présentée en temps utile à la juridiction qui statue sur la demande.

(2) Les faits sur lesquels la demande est fondée doivent être justifiés au moment où la demande est présentée ou au cours de la procédure relative à la demande. Dans le délai pour présenter la demande, l’acte omis doit être accompli. Une fois que cela a été fait, la remise en l’état peut également être accordée sans demande. »

11. En vertu de l’article 132, paragraphe 1, StPO :

« (1) Si la personne poursuivie, qui est soupçonnée d’une infraction pénale, n’a pas de résidence ou de domicile permanent au sens de la présente loi, mais que les conditions d’un mandat d’arrêt ne sont pas remplies, il peut être ordonné, afin d’assurer le déroulement de la procédure pénale, que la personne poursuivie

1. verse une garantie adéquate pour l’amende et les frais de procédure à prévoir et

2. mandate une personne résidant dans le district de la juridiction compétente aux fins de recevoir les notifications.

(…) »

12. L’article 407 StPO dispose quant à lui :

« (1) Dans la procédure devant le juge pénal et dans la procédure qui relève de la compétence du tribunal avec échevins, les conséquences juridiques de l’acte peuvent, en cas de délits, être établies à la requête écrite du ministère public au moyen d’une ordonnance pénale écrite, sans audience au fond. Le ministère public présente cette requête s’il considère, au vu des résultats de l’instruction, qu’aucune audience n’est nécessaire. La requête doit proposer des conséquences juridiques précises. Elle engage l’action publique.

(2) L’ordonnance pénale ne peut prescrire que les conséquences suivantes, seules ou associées :

1. la peine pécuniaire, (...),

2. l’interdiction de conduire, (...)

(…)

(3) L’audition préalable de l’accusé par le tribunal (article 33, alinéa 3) n’est pas nécessaire. »

13. En vertu de l’article 410 StPO :

« (1) L’accusé peut contester l’ordonnance pénale en formant, dans un délai de deux semaines à partir de sa signification, une opposition auprès du tribunal qui a émis l’ordonnance, par écrit, ou sur procès-verbal auprès du greffe. (…)

(2) L’opposition peut être limitée à certains points.

(3) Si aucune opposition n’a été formée contre une ordonnance pénale dans le délai prescrit, celle‑ci acquiert le caractère d’un jugement passé en force de chose jugée. »

III. Les faits, la procédure et les questions déferrées

14. Le 21 août 2017, l’Amtsgericht Garmisch-Partenkirchen (tribunal de district de Garmisch-Partenkirchen, Allemagne) a prononcé une ordonnance pénale à l’encontre de la personne poursuivie, un conducteur professionnel ayant sa résidence permanente en Pologne parce qu’il ne s’était pas arrêté après un accident de la route. Une amende et une interdiction de conduire de trois mois lui avaient été infligées.

15. Le jour de...

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